Question écrite n° 8203 :
Danger de l'inaction du gouvernement en santé et sécurité au travail

17e Législature
Question signalée le 3 novembre 2025

Question de : Mme Ségolène Amiot
Loire-Atlantique (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Ségolène Amiot alerte Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, sur l'urgence de se saisir pleinement de l'hécatombe que représentent les morts au travail. Un collégien de 14 ans a perdu la vie mercredi 18 juin 2025, succombant aux blessures provoquées par un accident sur son lieu de stage. Au cours de ces deux derniers mois, trois mineurs ont perdu la vie sur leur lieu de travail alors qu'ils effectuaient un stage ou un apprentissage. En juin 2025, 500 000 élèves de seconde ont terminé leur année scolaire par un stage d'observation de deux semaines en entreprise. Face à l'exposition des élèves aux risques professionnels, un grand nombre de syndicat de l'éducation nationale demande la suppression des stages d'observation. Ainsi, Mme la députée interroge tout d'abord Mme la ministre du travail sur son intention de se saisir de ce sujet de santé public majeur pour les jeunes. La menace de la mort au travail ne pèse pas seulement sur les stagiaires mais aussi sur les apprentis et de manière générale sur tous les travailleurs et travailleuses. Depuis 10 ans, la France reste le pays membre de l'Union européenne qui enregistre le nombre d'accidents mortels du travail le plus important. Leur nombre est en constante évolution depuis 2013. Dans le désintérêt le plus total du patronat, la France enregistrait 759 morts au travail en 2023. C'est autant de vies qui auraient pu être protégées. La responsabilité des gouvernements successifs depuis 2017 est immense. Comme le ministère du travail l'a reconnu, le nombre d'accidents du travail chez les jeunes travailleurs est particulièrement alarmant. En 2023, 33 jeunes de moins de 25 ans sont morts sur leur lieu de travail. La fréquence des accidents du travail est 2,5 fois plus importante chez les moins de 25 ans que pour le reste des travailleurs. Plus de 60 % des décès sont survenus moins d'un an après leur prise de poste. Malgré ces données bien connues du ministère du travail, les projets de loi de finance des huit dernières années ont réduit le nombre d'inspecteur du travail. Les syndicats alertent. En moyenne, un inspecteur du travail est chargé du suivi de 12 000 salariés. La baisse des effectifs à des effets directs sur le nombre de contrôle et le nombre d'accompagnement des entreprises en santé et sécurité au travail. La France se retrouve bien en dessous des préconisations de l'OIT qui estime qu'en France, il devrait y avoir a minima un inspecteur pour mille salariés. En ne recrutant que 45 inspecteurs du travail aux concours 2025, les syndicats font un constat sans appel, la tendance de baisse des effectifs va reprendre de plus belle dès 2027. Les ordonnances travail du 22 septembre 2017 ont organisé la casse totale de la protection de la santé et la sécurité des travailleurs par leurs représentants. La disparition des comités d'hygiène et sécurité au travail constitue une perte de pouvoir majeure. En 2020, les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) sont implantées que dans 21 % des entreprises qui ont une CSSCT dans les entreprises de 50 à 299. Il n'y a qu'une très faible représentation spécialisée dans les entreprises de 50 à 300 salariés. Entre 2017 et 2020, les instances spécialisées sur les questions de santé et de sécurité y sont passées de 60 % à 30 %. L'implication des représentants des salariés a pourtant permis la mise en place de politiques de préventions majeures et des conditions de travail moins dangereuses pour les salariés, une meilleure formation des élus, une plus grande vigilance des salariés. Lors de la 112e session CIT en 2024, l'Organisation internationale du travail (OIT) a interpellé la France sur les mêmes constats que ceux du comité de suivi des ordonnances travail. Les constats sont sans appel, les CSE et les délégués du CSE protègent moins bien la santé des salariés que la représentation spécialisée par les CHSCT. Face à ces constats, Mme la députée interpelle Mme la ministre du travail afin d'insister sur l'importance de créer un nombre de poste d'inspecteur du travail plus important lors de l'exercice budgétaire 2026. Le refus constant du ministère de renforcer les moyens de ce corps engage un peu plus sa responsabilité dans ce désastre. Elle souhaite également savoir si elle compte mettre en place une représentation spécialisée en santé et sécurité de tous les travailleurs et toutes les travailleuses.

Réponse publiée le 9 décembre 2025

Après une baisse drastique pendant plusieurs décennies, notamment grâce aux politiques de prévention, le nombre d'accidents du travail mortels a atteint un plancher depuis une quinzaine d'années. En 2023, 810 salariés des régimes général et agricole sont décédés au travail, dont 38 avaient moins de 25 ans. Ces accidents mortels concernent principalement des secteurs exposés, tels que le travail temporaire, les transports et le BTP. Parallèlement, les accidents non mortels ont diminué de 13 % pour le régime agricole et de 15 % pour le régime général entre 2019 et 2023, malgré une hausse du nombre de salariés, marquant ainsi une rupture statistique dont les causes sous-jacentes sont en cours d'analyse par les organismes de sécurité sociale. La France est souvent citée comme le second pays européen avec le plus d'accidents du travail mortels. Toutefois, les comparaisons sont difficiles en raison des différences de systèmes d'assurance et de reconnaissance des accidents, notamment sur la prise en compte des malaises mortels au travail, que d'autres pays européens ne comptabilisent pas. Conscient de cet enjeu, le ministère chargé du travail a engagé des travaux pour que le décompte statistique des accidents du travail soit harmonisé à l'échelle européenne. Grâce aux données de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), la France dispose de données fiables et complètes sur les accidents du travail, notamment graves et mortels, des salariés des régimes général et agricole. Les enquêtes menées par l'inspection du travail permettent par ailleurs d'obtenir une analyse précise des circonstances de chaque accident mortel. En outre, des travaux de recherche sont réalisés par les organismes de prévention pour mieux comprendre les facteurs de sinistralité grave et mortelle et ainsi préconiser des mesures de prévention adaptées à l'attention des acteurs de l'entreprise et appuyer la décision publique. Lors du conseil national d'orientation des conditions de travail du 3 février 2025, la ministre chargée du travail et de l'emploi a réaffirmé sa volonté de renforcer la lutte contre les accidents du travail graves et mortels. À cette occasion, elle a annoncé la création de l'Equipe d'analyse des accidents du travail (EAAT), composée de préventeurs et d'agents de contrôle et rattachée à la direction générale du travail. Cette équipe a pour mission d'analyser les accidents graves et mortels récurrents, d'en identifier les causes, de proposer des évolutions réglementaires et de diffuser les mesures de prévention. Dès lors, la plus-value d'un observatoire dédié à la sinistralité mortelle n'apparaît pas évidente. Le 4e Plan santé au travail (PST4) et le Plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM) visent à prévenir efficacement les accidents du travail graves et mortels en mobilisant l'ensemble des acteurs de la santé au travail et en sensibilisant le grand public. Ces dispositifs ciblent prioritairement les populations les plus exposées, notamment les jeunes, les travailleurs indépendants, détachés et saisonniers. Des mesures ambitieuses sont en cours de mise en œuvre. Des actions de sensibilisation à destination des jeunes et des entreprises ont été déployées, en partenariat avec des organismes spécialisés tels que l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), qui accompagnent les établissements d'enseignement secondaire et supérieur. Par ailleurs, le modèle de convention de stage pour les élèves de lycées professionnels a été révisé afin d'intégrer davantage les enjeux de santé et sécurité au travail et les actions de sensibilisation des agents de contrôle de l'inspection du travail en lycée professionnel seront prochainement renforcées. Des actions spécifiques ont également été conduites en faveur des publics les plus vulnérables, avec notamment une campagne multilingue destinée aux travailleurs allophones, détachés et saisonniers. Des partenariats sectoriels ont été engagés dans des secteurs prioritaires tels que l'intérim, les travaux en hauteur ou le transport routier, incluant la signature d'une convention DGT/CNAM/DSR relative à la prévention du risque routier. Par ailleurs, un décret publié en mai 2025 et entré en vigueur au 1er juillet 2025 renforce les dispositions de prévention dans le code du travail et le code rural afin d'assurer la protection des travailleurs durant les épisodes de vigilance canicule. Enfin, une campagne de communication grand public d'ampleur a été lancée en 2023 et renouvelée en 2024. Elle vise à sensibiliser aux enjeux liés aux accidents du travail graves et mortels, à informer sur les principaux risques et mesures de prévention, ainsi qu'à responsabiliser les entreprises. Afin de lutter efficacement contre les accidents graves et mortels, de nouvelles mesures ont été annoncées récemment, dont la mise en œuvre a d'ores et déjà commencé. Le 10 juillet 2025, une instruction conjointe a été signée par les ministères chargés du travail et de la justice afin de renforcer la coopération entre les services judiciaires et l'inspection du travail, notamment en matière de sanctions à la suite d'accidents du travail graves et mortels.  L'inspection du travail joue un rôle essentiel dans la prévention des accidents du travail graves en contrôlant le respect des conditions de sécurité au travail et en procédant à des enquêtes à la suite d'accidents du travail graves et mortels. A ce titre, le plan national d'action 2023-2025 fixe la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles comme l'un des sujets incontournables sur lesquels le système d'inspection du travail doit se mobiliser. De fait, en 2024, 60 % des 223 500 suites à intervention réalisées par les inspecteurs du travail portait sur la prévention des risques professionnels. En outre, deux campagnes nationales, en 2023 et 2024, ont porté respectivement sur l'utilisation des équipements de travail mobiles et de levage et la prévention de la récurrence des accidents du travail. Une attention particulière est portée, à l'occasion de ces campagnes mais de manière plus large lors des contrôles aux travailleurs vulnérables, sur les jeunes et les salariés en contrat précaire. Enfin, le 11 juillet 2025, de nouvelles orientations ont été présentées aux membres du comité national de prévention et de santé au travail. Ces orientations, qui seront discutées dans le cadre de l'élaboration du PST5 déclinent plusieurs pistes d'action concrètes. Concernant les difficultés démographiques des professionnels de santé au travail, des mesures spécifiques sont portées conjointement par les ministères chargés de la santé et du travail. Plusieurs dispositifs issus de la loi du 2 août 2021 et de ses décrets d'application répondent à la diminution du nombre de médecins du travail, notamment par l'ouverture des possibilités de délégations de visites aux infirmiers de santé au travail, la création du médecin praticien correspondant, la modernisation des services de santé au travail, la numérisation accrue via la télémédecine et l'accès au dossier médical partagé, tout cela visant à libérer du temps médical pour les visites les plus complexes et la prévention en entreprise. Par ailleurs, des actions sont menées pour renforcer l'attractivité de la profession et le renforcement des liens avec la santé publique par l'extension des missions aux actions de promotion de la santé. S'agissant de la suppression des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), de façon générale, la fusion des instances représentatives du personnel en un Comité social et économique (CSE) a replacé la santé au travail au cœur du dialogue social, en articulant veille de proximité (représentants de proximité), expertise (commission santé, sécurité et conditions de travail) et vision stratégique (CSE). Cette organisation favorise une approche transversale adaptée aux besoins des entreprises et encourage l'implication des employeurs et des représentants du personnel dans la prévention, tout en laissant aux partenaires sociaux une large marge de négociation dans la mise en place, l'organisation et le fonctionnement du comité. Les prérogatives des élus, telles que les consultations récurrentes et ponctuelles, le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, les pouvoirs d'inspection et d'enquête en matière d'accidents du travail ou de maladie professionnelle ou à caractère professionnel ainsi que le droit d'expertise, sont pleinement préservées. La loi du 2 août 2021 a renforcé leur formation et leur rôle dans l'évaluation des risques professionnels. Parallèlement, les recrutements d'inspecteurs du travail ont été significativement accrus, notamment par concours (200 postes offerts aux concours 2022, 2023 et 2024) et détachement (23 recrutements en 2021, 58 en 2022, 101 en 2023 et 12 en 2024). L'ensemble de ces mesures contribue de manière significative à l'amélioration de la prévention des risques professionnels et à la promotion de la santé au travail. Dans le cadre de l'élaboration du PST5, la lutte contre les accidents graves et mortels demeure une priorité majeure pour le Gouvernement.

Données clés

Auteur : Mme Ségolène Amiot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles

Ministère interrogé : Travail et emploi

Ministère répondant : Travail et solidarités

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 3 novembre 2025

Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025

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