Face aux risques de canicules, protégeons les travailleurs !
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social
M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les conditions de travail des salariés en période de fortes chaleurs. Depuis près de dix jours, la France subit une vague de chaleur intense, qualifiée de canicule par les spécialistes. Or d'après les données du service météorologique français, ces épisodes caniculaires sont de plus en plus fréquents. Ainsi, Météo-France en a dénombré 26 au cours des quinze dernières années contre 24 les six décennies précédentes, entre 1947 et 2009. Le réchauffement climatique représente désormais un nouveau risque pour les salariés de tous âges. Météo-France a placé 16 départements en vigilance rouge canicule pour la journée du mardi 1er juillet 2025 et 68 départements sont en vigilance orange. Le même jour, un décret pour préciser les obligations des employeurs en matière de prévention des risques lors des épisodes de chaleur intense est entré en vigueur. Pourtant, celui-ci est encore bien en-deçà des espérances pour les syndicats de travailleurs. En effet, il n'est nullement contraignant pour les entreprises ne respectant pas le bien-être de leurs salariés en période de canicule. Autre manque flagrant de ce texte « cosmétique », le ministère refuse toujours d'indiquer les températures « adaptées » aux différents travails. Ainsi, cela limite la possibilité de constater une infraction de la part de l'employeur, de suspendre l'activité par un inspecteur du travail ou encore d'exercer leur droit de retrait pour les travailleurs. Par exemple, dans le BTP, les obligations des employeurs se limitent à fournir de l'eau en quantité suffisante, des équipements contre la chaleur, voire un local de repos adapté. S'y ajoute, en cas d'alerte rouge lancée par Météo-France, la nécessité d'ajuster l'organisation du travail, notamment les horaires, mais aucune température maximale n'oblige à renvoyer les salariés chez eux. Enfin, le texte prévoit que les mesures ne s'appliqueront qu'en cas de vigilance jaune, orange ou rouge décrétée par Météo-France. Pourtant, l'été dernier, des sept accidents mortels au travail liés à la chaleur, quatre sont survenus en vigilance verte ! Depuis 2018, 50 travailleurs sont morts dans des accidents de travail liés aux fortes chaleurs. Pour la grande majorité d'entre eux, ils travaillaient dans le BTP, étaient manutentionnaires ou encore intérimaires. Ce chiffre, malheureusement déjà trop élevé, serait pourtant sous-estimé selon Santé publique France, alors que ce risque professionnel est amené à prendre de plus en plus d'importance avec le réchauffement climatique. Selon l'Institut national de recherche et de sécurité, un risque peut apparaître à partir de 30 °C pour une activité sédentaire et de 28 °C pour un travail physique. Si l'âge moyen des victimes est de 47 ans, tout travailleur, quel que soit son âge, peut subir un accident mortel lié à la chaleur. Par exemple, un jeune saisonnier de 19 ans est décédé d'une crise cardiaque en septembre 2023 alors qu'il faisait les vendanges. Le 20 juin 2025, un ouvrier du bâtiment de 50 ans est mort en Gironde à la suite d'un malaise sur un chantier, qui pourrait être dû à la chaleur. Le lundi 30 juin 2025, un homme de 35 ans est décédé d'un arrêt cardio-respiratoire sur la voie publique à Besançon, alors qu'il venait de quitter le chantier de travaux publics sur lequel il travaillait. En théorie, les salariés peuvent exercer leur droit de retrait, mais lorsque ceux-ci travaillent pour des sous-traitants ou des agences d'intérims, c'est-à-dire qu'ils ont des conditions de travail fortement dégradées, la précarité de leur statut les dissuade bien souvent de faire valoir ce droit. Mme la ministre, l'arsenal juridique pour protéger les salariés en cas de périodes de canicule est quasi inexistant et non contraignant pour les entreprises. En effet, pour celles-ci, la survenue d'un accident mortel lié à la chaleur n'entraîne aucune sanction directe, mais déclenche uniquement l'ouverture d'une enquête judiciaire, avec la lenteur des procédures, pouvant parfois prendre plusieurs années. Là encore, publié avec plus d'un an de retard il y a quelques mois, le plan d'adaptation au changement climatique ne dispose d'aucune mesure contraignante – sur les 52 que contient le texte – pour les entreprises en cas de fortes chaleurs les obligeant à protéger leurs salariés. Les employeurs ne risquent donc pas grand-chose au vu de la faiblesse de l'arsenal législatif, si l'un de leur employé venait à décéder de la chaleur sur son lieu de travail. De même, le plan n'a pas pour vocation à être traduit de manière légale, ce qui démontre le peu d'intérêt que porte le Gouvernement à protéger l'ensemble des salariés, notamment pour les métiers les plus vulnérables aux canicules. M. le député souhaite que le Gouvernement fasse évoluer la législation pour inscrire des températures maximales dans le code du travail en cas de fortes chaleurs, comme cela est d'ailleurs demandé par de nombreux syndicats de travailleurs. De plus, des moyens additionnels doivent être mis en place pour que l'inspection du travail puisse exercer un contrôle renforcé au sein des entreprises. Ainsi, il lui demande quelles mesures concrètes supplémentaires le Gouvernement compte mettre en place pour permettre aux salariés d'avoir droit à des aménagements concrets et protecteurs sur leur lieu de travail en cas de canicule.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date :
Question publiée le 8 juillet 2025