Question de : Mme Christine Loir
Eure (1re circonscription) - Rassemblement National

Mme Christine Loir attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les tensions pesant actuellement sur l'approvisionnement en engrais azotés, en particulier dans le département de l'Eure. Depuis plusieurs mois, les agriculteurs font état de graves difficultés pour sécuriser leurs besoins en ammonitrate, urée et solutions azotées, tant en volume qu'en prix. D'après les retours des coopératives locales, malgré que 80 % des besoins azotés sont actuellement couverts, les semis d'automne se préparent dans un contexte de reliquats azotés au sol historiquement faibles, principalement dû à une forte pluviométrie durant l'hiver 2024-2025, supérieure aux moyennes saisonnières. Cette situation intervient dans un contexte de forte instabilité des marchés mondiaux, marqués par une hausse du prix du gaz au premier trimestre 2025, des tensions géopolitiques persistantes (conflit au Moyen-Orient, annonces américaines sur les droits de douane), la mise en place progressive par l'Union européenne d'une taxation des engrais russes et biélorusses à compter du 1er juillet 2025, et la perspective d'une taxe carbone européenne sur les engrais produits à partir d'énergies fossiles dès 2026. Malgré un recul récent du prix de l'urée, le cours de l'ammonitrate 33,5 % reste supérieur de 47 % à son niveau d'avant 2021. Les trésoreries des exploitations sont mises à rude épreuve et les pratiques d'achat classiques, notamment en morte saison, ne permettent plus de sécuriser des conditions favorables. Par ailleurs, les températures fraîches, les excès de pluie et les dates de semis tardives ont freiné le développement des cultures céréalières, avec des conséquences déjà visibles sur les rendements. Aussi, Mme la députée souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour sécuriser l'approvisionnement en engrais azotés à des prix soutenables dans les zones les plus exposées, comme l'Eure. Elle lui demande quelles solutions sont envisagées pour soutenir les exploitations agricoles confrontées à une hausse brutale de leurs charges de production et, enfin, si le Gouvernement prévoit d'adapter le calendrier et les modalités des taxations européennes à venir sur les engrais azotés, afin d'éviter une chute des rendements et une déstabilisation économique du monde agricole.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

Le règlement européen visant à relever les droits de douane applicables à certains produits agricoles non encore sanctionnés ainsi qu'à certains engrais importés de Russie et de Biélorussie est entré en vigueur le 1er juillet 2025. L'Union européenne (UE) ayant révoqué le statut de la nation la plus favorisée applicable à ces deux pays dans le sillage de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, elle est libre de fixer les droits de douanes à l'importation de produits originaires de Russie et de Biélorussie à un niveau plus élevé que celui applicable aux importations des autres pays. Il peut être constaté, chaque jour, le danger que représente l'agression russe, la situation périlleuse dans laquelle elle plonge l'Ukraine mais aussi l'UE, ainsi que l'efficacité des sanctions européennes, dont les effets se font de plus en plus sentir sur l'économie russe. Ce règlement sur les importations d'engrais russes et biélorusses a pour objectif de rendre l'UE moins dépendante à l'égard de ces importations, et de réduire les recettes que la Russie tire de ses exportations, de manière à limiter sa capacité à financer sa guerre d'agression contre l'Ukraine. Afin de renforcer la souveraineté alimentaire européenne, la France a soutenu avec force tout au long des négociations l'importance de préserver, en parallèle, pour les agriculteurs, un accès prévisible et suffisant aux engrais, et à des prix abordables. Grâce notamment à cette mobilisation, plusieurs garde-fous ont été intégrés dans le texte pour limiter son impact sur les prix des engrais. D'abord, seuls les engrais contenant de l'azote sont concernés par la proposition alors que d'autres États membres souhaitaient élargir le champ des produits concernés. Ensuite, il est prévu qu'un contingent avec des droits plus faibles soit introduit et qu'il soit dégressif pendant trois ans jusqu'au 1er juillet 2028. Le niveau des droits intra-contingentaires appliqués aux engrais en question sera également progressif. Cette période de montée en charge progressive du dispositif doit permettre de laisser du temps pour la recomposition des chaînes logistiques en diversifiant les origines des importations d'engrais. Cela peut dans le même temps redonner des perspectives pour la relance de l'outil productif sur le territoire européen. Par ailleurs, la Commission européenne s'est engagée à mettre en place une surveillance renforcée du marché des engrais pendant quatre ans. En cas de hausse substantielle des prix par rapport aux niveaux de 2024, la Commission européenne s'est engagée à évaluer la situation et à prendre, le cas échéant, toute mesure de remédiation, y compris une suspension des droits de douane erga omnes appliqués aux importations d'engrais azotés depuis les pays tiers, à l'exception de la Russie et la Biélorussie. Cela permettra de maîtriser les prix des engrais pour les agriculteurs européens. Concernant le développement de la production nationale d'engrais, alors qu'aujourd'hui plus des deux tiers des engrais utilisés en France sont importés et que 80 % sont produits à partir de gaz fossile, le Gouvernement a décidé, lors du dernier conseil de la planification écologique qui s'est réuni le 31 mars 2025, la préparation d'un plan de souveraineté « engrais » pour l'agriculture et l'alimentation visant à renforcer l'autonomie stratégique en la matière. C'est la seule solution pour préserver la France et l'UE de cette dépendance inacceptable.

Données clés

Auteur : Mme Christine Loir

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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