Question écrite n° 8217 :
Mesures de protection des troupeaux contre la prédation des loups

17e Législature

Question de : Mme Sandra Regol
Bas-Rhin (1re circonscription) - Écologiste et Social

Mme Sandra Regol attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les incohérences relevées dans la modification de l'arrêté du 21 février 2024 relatif aux dérogations à l'interdiction de « destruction » des loups, puisque ce sont des animaux d'une espèce protégée. Ce nouvel arrêté vient préciser certaines dispositions de l'arrêté modificatif du 7 février 2025, en introduisant une liste de mesures de « réduction de vulnérabilité » applicables aux troupeaux bovins et équins, tout en maintenant la disposition antérieure selon laquelle il n'existe pas de « référentiel de protection valide techniquement » pour ces types de troupeaux. Cette position apparaît contradictoire et injustifiable. D'un côté, le Gouvernement reconnaît, par cette liste, l'existence de mesures concrètes pour limiter la prédation ; de l'autre, il persiste à nier la faisabilité d'un référentiel de protection, alors qu'il pourrait être établi à partir de ces mêmes mesures. Le Conseil national de protection de la nature (CNPN) a d'ailleurs relevé cette incohérence, en rappelant que l'existence de telles mesures justifie pleinement la création d'un référentiel et l'ouverture d'un financement public. L'association One Voice rappelle également que le rapport IGEDD-CGAAER de 2023 indiquait clairement que la notion de « non-protégeabilité » des bovins et équins ne repose sur aucun fondement technique et que le même rapport recommandait expressément son abandon. L'introduction récente de la notion de « vulnérabilité », jusqu'alors absente du droit et des dispositifs d'indemnisation, semble constituer un contournement de cette recommandation. Ce contournement ouvre de facto la voie à une multiplication des tirs d'abattage de loups, sans encourager le recours à des solutions de protection pourtant disponibles et efficaces lorsqu'elles sont correctement mises en place, comme le reconnaissent de nombreuses études françaises et européennes. En outre, l'arrêté ne précise toujours pas quelles entités seront chargées de réaliser les « analyses technico-économiques territoriales » prévues par l'arrêté modificatif du 7 février, alors que ces analyses conditionnent l'octroi de dérogations sur les territoires à risque. En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement entend établir un référentiel de protection dédié aux troupeaux bovins et équins, fondé sur les mesures identifiées, afin de permettre leur reconnaissance et leur financement public et si les analyses technico-économiques territoriales seront bien confiées à des organismes indépendants, garantissant leur objectivité.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

La ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire est pleinement consciente de l'importance de ce sujet, qui frappe au premier chef les éleveurs. Les attaques par le loup ont un impact conséquent sur leur activité, en termes économiques, mais aussi psychologiques et impliquent une adaptation subie de leurs pratiques agricoles. Dans ce contexte, si la population lupine semble se stabiliser selon les estimations élaborées en 2024 par l'office français de la biodiversité (OFB), établie à un effectif moyen de 1 013 individus, elle a toutefois connu, durant ces dernières années, une augmentation ainsi qu'une expansion géographique. En conséquence, un nombre élevé de dommages aux troupeaux ont été dénombrés, dont le bilan provisoire pour 2024 est chiffré à environ 12 000 animaux prédatés, en hausse sur le front de la colonisation. Si les animaux prédatés sont majoritairement des ovins, le nombre de bovins victimes de prédation est également en augmentation. Pour renforcer les mesures à la disposition des éleveurs bovins, le IV de l'article 47 de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture prévoit que des tirs contre les loups peuvent être autorisés de manière dérogatoire. Ainsi, le législateur a prévu que dans le cadre de la gestion des risques de la prédation sur les troupeaux, compte tenu de l'absence de moyens de prévention efficaces disponibles, des tirs contre les loups peuvent être autorisés pour la protection des troupeaux de bovins, d'équins et d'asins, sous réserve que des démarches en matière de réduction de la vulnérabilité de ces troupeaux aient été engagées par les éleveurs. Le référentiel des mesures pour les troupeaux d'ovins et de caprins a fait ses preuves autour du triptyque : parcs électrifiés, gardiennage, chiens de protection. Toutefois, pour les troupeaux de bovins et d'équins, il n'existe pas de référentiel de cet ordre et seules des mesures permettant de réduire la vulnérabilité existent. Dans ce contexte, un arrêté modifiant l'arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) pour encadrer les tirs de défense contre le loup pour la défense des troupeaux de bovins et d'équins a été publié au Journal officiel de la République le 22 juin 2025. Cet arrêté modificatif introduit une liste de mesures de réduction de la vulnérabilité des troupeaux, identifiée après consultation des parties prenantes et après des retours d'expérimentation qui ont eu lieu dans certains territoires. Des mesures de plusieurs ordres sont possibles : les vêlages en bâtiment ou en parcs renforcés, ou à proximité immédiate, l'élevage d'animaux de moins de douze mois en parcs renforcés proches des bâtiments d'exploitation ou en bâtiment, le regroupement nocturne dans une enceinte protégée, l'utilisation d'un système d'alerte et intervention humaine, appui sur des animaux moins vulnérables à la prédation pour la conduite du troupeau (cornes), renforcement de la présence humaine, recours aux chiens de protection, etc. Si l'arrêté permet des dérogations à une plus large typologie d'élevage, il n'engendre pas d'augmentation du plafond de loups pouvant être détruits. Pour l'année 2025, à la suite de la dernière estimation établie par l'OFB, le plafond de spécimens pouvant être détruits est fixé à 192 soi un plafond de tir de 19 % de la population de loup estimée à 1013 individus. L'évolution organisée dans cet arrêté offre un cadre renforcé pour permettre aux éleveurs de défendre leurs troupeaux, notamment de bovins, qui représentent désormais près de 8 % de la totalité des attaques répertoriées sur des troupeaux domestiques.  Par ailleurs, dans le cadre du reclassement du statut du loup de « strictement protégé » à « protégé » dans la directive « Habitats » au niveau européen en juin 2025, les travaux relatifs à la transposition de cette directive en droit national sont actuellement conduits par la préfète coordinatrice du plan national loup en collaboration avec les membres du groupe national loup (GNL). L'objectif de ces travaux est de garantir un état de conservation favorable de l'espèce tout en garantissant la protection des troupeaux contre la prédation lupine.

Données clés

Auteur : Mme Sandra Regol

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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