Question écrite n° 8250 :
Aléas climatiques en Gironde : dédommagement et réforme du système assurantiel

17e Législature

Question de : Mme Mathilde Feld
Gironde (12e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Mathilde Feld attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur la situation d'abandon dans laquelle se trouvent de nombreux viticulteurs, viticultrices, agriculteurs, agricultrices de Gironde, frappés de plein fouet par les orages violents de mai et juin 2025. Grêle, vent, mini-tornades et pluies diluviennes ont ravagé des centaines d'hectares, provoquant des pertes de récolte à venir parfois totales. Pourtant, la majorité des exploitants sinistrés n'auront pas accès à une indemnisation à la hauteur des dégâts, faute de couverture assurantielle ou de dispositifs publics adaptés. Le constat est implacable : le système actuel ne protège plus celles et ceux qui produisent, nourrissent, entretiennent les territoires. Pour les non-assurés du secteur viticole, l'indemnisation n'intervient qu'au-delà de 50 % de pertes, à hauteur de 20 à 35 % seulement et dans des délais totalement incompatibles avec les urgences de terrain (à N+1). Le coût des assurances privées, les seuils inatteignables et les « moyennes olympiques » absurdes font du dispositif actuel une machine à exclure. Cette situation est connue, documentée, dénoncée depuis des années, sans réponse structurelle. Cette impasse révèle une double carence de l'État : celle de ne pas agir sérieusement contre les causes du dérèglement climatique et celle de ne pas prendre ses responsabilités face aux conséquences concrètes pour les agriculteurs. L'urgence impose désormais une réponse politique à la hauteur. Mme la députée demande à Mme la ministre de venir en aide aux agriculteurs sinistrés en procédant à la reconnaissance immédiate de la situation comme un évènement climatique exceptionnel, ouvrant droit à un dédommagement public exceptionnel pour les exploitants touchés, en dehors des conditions assurantielles actuelles. Elle lui demande également d'utiliser le fonds d'urgence viticole de 20 millions d'euros promis en 2024, mais jamais utilisé, et de mettre en chantier un nouveau système de gestion des risques climatiques, fondé sur une solidarité publique réelle, accessible à toutes les exploitations et non sur la seule logique assurantielle privée. Il est urgent de mettre en place une politique climatique cohérente pour ne pas laisser se multiplier les catastrophes, ainsi que des mesures d'indemnisation pour celles et ceux qui en subissent les effets. Il est de la responsabilité de l'État de garantir à ses paysans un droit fondamental : celui d'être protégés face à l'imprévisible afin de pouvoir continuer à exister. En conséquence, elle lui demande enfin quelles mesures elle va mettre en place pour assurer le dédommagement des viticulteurs et agriculteurs touchés durement par les aléas climatiques, d'une part, et pour engager la réforme du système assurantiel, d'autre part.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

La loi n° 2022-298 du 2 mars 2022, entrée en vigueur en 2023, a mis en place une réforme structurante des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Ce dispositif rénové offre un cadre de protection reposant sur trois niveaux de couverture : individuel pour les aléas courants, mutualisé via l'assurance récolte multirisques climatiques subventionnée pour les aléas significatifs, et, pour les risques les plus exceptionnels, via une indemnisation directe par l'État. L'ensemble des exploitants, y compris ceux non assurés ont accès à l'indemnité de solidarité nationale (ISN). Pour les parcelles de vigne non assurées, l'ISN intervient en 2025 pour indemniser à hauteur de 35 % les pertes au-delà d'un seuil fixé à 50 %. Ce dispositif améliore la résilience et soutenabilité du système assurantiel, avec une montée en puissance de la couverture, notamment dans le secteur viticole : les surfaces assurées ont progressé de plus de 35 % depuis la mise en œuvre de la réforme, avec des taux de couverture atteignant désormais plus de 35 % des surfaces en viticulture et en grandes cultures, et 23 % à l'échelle de l'ensemble des surfaces agricoles. La moyenne olympique, c'est-à-dire la référence de production historique prise en compte pour le calcul des pertes indemnisables par l'assurance récolte, résulte de règles qui ont été définies au niveau européen, en application des accords agricoles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Les préoccupations légitimes qui s'expriment quant à cette moyenne renvoient ainsi à des discussions qui dépassent le cadre législatif national. Dans le cadre immédiat de la réforme, la loi a toutefois prévu que les exploitants ont le choix pour leur référence de production historique, entre leur moyenne olympique quinquennale ou leur moyenne triennale. Les agriculteurs peuvent ainsi choisir, s'ils le souhaitent, la plus favorable des deux. Par ailleurs, l'encadrement réglementaire de l'assurance récolte offre la possibilité aux entreprises d'assurance de proposer des garanties non subventionnables permettant aux agriculteurs qui le souhaitent de souscrire des contrats pour des rendements assurés plus élevés que ceux qui résulteraient de l'application stricte de la moyenne olympique. Dans une perspective plus large, le Gouvernement porte depuis plusieurs années les préoccupations sur la référence historique auprès des enceintes européennes. Cette action a permis à la France d'obtenir dans le cadre des discussions concernant le paquet simplification de la politique agricole commune l'ouverture de discussions sur la moyenne olympique. La proposition de la Commission européenne vise à étendre la période de référence pour le calcul de la moyenne olympique de cinq à huit ans, en particulier pour les cultures pérennes, mais aussi pour les autres situations où une période de cinq ans est inadéquate. Un allongement de la période de référence utilisée permet un meilleur lissage du rendement historique retenu pour l'exploitation, notamment en cas de succession de mauvaises années. Cette proposition constructive constitue une base de travail intéressante. Elle ouvre une phase de discussion sur ce projet de texte législatif européen, qui devra être soumis au Parlement européen et au Conseil, dans un calendrier qui reste à préciser. Le résultat sera évalué en fonction du texte final. La création de nouveaux fonds publics de dédommagement, en dehors du dispositif assurantiel, irait à l'encontre de la dynamique engagée par la réforme de l'assurance récolte. En concurrence directe de cette dernière, une telle démarche affaiblirait la dynamique mise en place et risquerait de ralentir la progression de l'assurance, pourtant essentielle pour élargir la couverture à tous les exploitants. Enfin, au-delà des outils assurantiels et conscient des difficultés croissantes auxquelles fait face la filière viticole et notamment le vignoble bordelais, le Gouvernement tient à rappeler les mesures concrètes déjà déployées au niveau national mais également plus spécifiquement en Gironde, pour répondre aux besoins urgents des producteurs et pour envisager une sortie de crise durable. Le Gouvernement a notamment mis en place un plan de distillation de crise en 2023-2024, pour 200 millions d'euros (M€) de crédits, contribuant à réduire les stocks excédentaires en vue de rééquilibrer l'offre et la demande tout en soutenant financièrement les producteurs. Dans ce cadre, la Gironde est le département qui a été le plus aidé, avec près de 50 M€ versés à ses producteurs. Par ailleurs, pour les exploitants de la Gironde, particulièrement frappés par la flavescence dorée, une mesure d'arrachage sanitaire de 30 M€ a été deployée. Alors qu'une partie de la filière bordelaise connaît une situation économique difficile, dans un contexte d'accélération de la dé-consommation de vin rouge, le risque est grand qu'un nombre important de surfaces soient mal entretenues, devenant autant de réservoirs pour le phytoplasme, avec une situation phytosanitaire qui deviendrait incontrôlable. Les vignes mal entretenues constituent en outre des réservoirs pour d'autres maladies cryptogamiques comme le mildiou, ce qui peut altérer la protection des cultures et entraîner une plus grande consommation de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif apporte ainsi une réponse concrète à la menace sanitaire à laquelle la viticulture bordelaise fait face. Un fonds d'urgence spécifique pour la filière de 80 M€, à destination des entreprises viticoles des départements les plus affectés par les aléas de l'année 2023, a également été déployé dès février 2024. Ce sont 2 400 viticulteurs de la Gironde qui ont bénéficié de cette aide à la trésorerie, à hauteur de près de 14 M€.

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Feld

Type de question : Question écrite

Rubrique : Catastrophes naturelles

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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