Lutte contre l'esclavage moderne et immunité diplomatique
Question de :
M. Pierre-Yves Cadalen
Finistère (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Pierre-Yves Cadalen attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'urgence de renforcer les mécanismes de lutte contre l'esclavage moderne en France, en particulier en ce qui concerne les questions liées à l'immunité diplomatique. Bien que la convention de Vienne de 1961 consacre cette immunité pour préserver les représentants diplomatiques des pressions liées à leurs fonctions, cette protection peut conduire à des situations d'impunité, notamment dans des cas graves d'exploitation de personnel domestique. Selon le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), 20 % des victimes identifiées en France depuis 1994 travaillaient pour des diplomates ou assimilés. Ces abus incluent l'absence de rémunération, des horaires de travail excessifs, des conditions de vie indignes et, dans certains cas, des violences psychologiques et physiques. Ces pratiques d'esclavage domestique visent souvent des employés particulièrement vulnérables, issus du pays d'origine des diplomates, ne maîtrisant pas la langue et n'ayant pas à accès à leurs droits fondamentaux. Cependant, ces victimes se heurtent à un véritable déni de justice puisque les immunités empêchent l'exercice normal des voies de recours judiciaires. Des pays européens, comme la Belgique, commencent à reconsidérer le caractère absolu de cette immunité face à des violations flagrantes des droits humains. À partir de ces éléments, il lui demande quelles mesures celui-ci prévoit de mettre en œuvre pour garantir une meilleure protection des travailleurs domestiques employés par les agents diplomatiques en poste en France ainsi que le respect des droits fondamentaux, quelles que soient les circonstances.
Réponse publiée le 21 octobre 2025
Le statut de « personnel privé » au service d'un diplomate est prévu dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961. Selon l'article 1 de la convention, « l'expression "domestique privé" s'entend des personnes employées au service domestique d'un membre de la mission qui ne sont pas des employés de l'Etat accréditant ». En pratique, ils sont rémunérés directement par le diplomate qui les emploie. Ce « personnel privé », qui arrive en France avec un visa diplomatique, bénéficie, une fois installé en France, d'un titre délivré par le Protocole. Il s'agit d'un Titre de séjour spécial (TSS), les personnels sous Convention de Vienne séjournant en France en dérogation du droit commun. Pour limiter au possible les cas d'esclavage moderne de ces domestiques privés, la Sous-direction des privilèges et immunités diplomatiques et consulaires (Protocole) a, de longue date, pris des mesures visant à circonscrire le recours à ces personnels (un à deux personnels pour un chef de mission diplomatique, un personnel pour un chef de mission adjoint). Il a ainsi créé une procédure spécifique pour l'octroi du visa diplomatique et la délivrance du TSS à ces personnels privés, soumis à un certain nombre de conditions. Cette procédure a été communiquée en 2015 aux représentations diplomatiques étrangères en France par une note verbale circulaire sur « l'emploi des personnels privés ». En application de cette procédure, il n'est délivré de visa pour venir en France à ce personnel privé que si un certain nombre de mesures sont respectées : - l'existence d'un contrat de travail correspondant aux exigences du droit du travail français pour l'emploi de personnel à domicile (en termes de nombre d'heures, de salaire, de jours de repos etc. ; le contrat doit être fourni au Consulat compétent et au Protocole qui étudie sa conformité avec le droit français) ; - le paiement d'une assurance santé par l'employeur au bénéfice du personnel privé (en effet les personnels sous TSS ne relèvent pas du système de protection sociale français) ; - l'existence d'une langue commune entre l'employeur et le personnel privé ; - l'entretien d'un agent du Consulat avec le personnel privé pour s'assurer qu'il a bien connaissance de ses futures conditions de travail. Si l'entretien n'est pas concluant ou si l'une des conditions indiquées n'est pas respectée, le visa ne sera pas accordé. Par ailleurs, la note verbale circulaire de 2015 rappelle l'introduction dans le droit pénal français, depuis 2013, de « dispositions visant à réprimer les conditions de travail relavant de l'esclavage moderne, les délits de servitude et de travail forcé ». Une fois le personnel privé arrivé sur le territoire français, une demande de TSS doit être faite dans la période de validité du visa d'entrée (trois mois). Avant de délivrer le TSS à un personnel privé, un agent du Protocole s'entretient avec celui-ci de façon individuelle pour vérifier que les dispositions du contrat sont bien respectées, en lui posant une liste de questions précises pour s'assurer qu'il ne soit pas victime d'abus (par exemple : passeport toujours en sa possession, nombre d'heures effectuées conforme au contrat, logement digne, etc.). Si le TSS est octroyé, il est limité à une durée d'un an et toute prolongation n'est accordée qu'après nouvel entretien.
Auteur : M. Pierre-Yves Cadalen
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droits fondamentaux
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 21 octobre 2025