Application de l'article 432-12 du code pénal
Question de :
M. David Habib
Pyrénées-Atlantiques (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. David Habib attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la dérogation prévue par l'article 432-12 du code pénal. En effet, ce dernier dispose que « Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 euros ». Il lui demande si ce montant de « 16 000 euros » doit s'entendre toutes taxes comprises (TTC) ou hors taxes (HT).
Réponse publiée le 8 avril 2025
A titre liminaire, il convient de rappeler que les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire interdisent au ministre de la Justice de commenter ou d'interférer dans les décisions de l'autorité judiciaire. De même, en application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013, il n'appartient pas non plus au ministre de la Justice de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre de dossiers individuels. L'article 432-12 du code pénal dispose en son premier alinéa que « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. » Cet article prévoit en son deuxième alinéa une exonération de responsabilité pénale pour les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire ; qui peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus, si cette commune compte 3500 habitants au plus, pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 euros. La loi ne précise pas si ce montant de 16 000 euros est prévu hors taxe (HT) ou toutes taxes comprises (TTC). Si la Cour de cassation a pu juger que ce plafond de 16 000 euros devait s'entendre du montant total prévu au marché de travaux ou de fournitures et non du montant du lot confié à l'élu municipal bénéficiant de cette dérogation (Cass. crim., 4 juin 1996), elle n'a, à notre connaissance, jamais eu à se prononcer sur le caractère HT ou TTC de ce montant. La doctrine ne semble pas non plus s'être penchée sur la question. Plusieurs arguments nous paraissent néanmoins plaider en faveur d'un montant entendu HT. En premier lieu, il y a lieu de rappeler que cette « dérogation » au délit de prise illégale d'intérêt a été à l'origine introduite par la loi n° 67-467 du 17 juin 1967 qui fixait le plafond à 10 000 francs. Or, à l'époque, la taxe sur la valeur ajoutée n'était pas applicable à l'ensemble des activités économiques. En effet, créée par la loi du 10 avril 1954, elle ne s'appliquait qu'aux grandes entreprises. Elle n'a été étendue à l'ensemble des activités commerciales que par la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966, entrée en vigueur en 1968, et à l'ensemble des activités économiques, notamment certaines activités libérales, que par la loi du 29 décembre 1978 transposant la directive N°77/388/CEE du 17 mai 1977. Il se déduit ainsi de ces éléments que le plafond de 10 000 francs, prévu par le législateur, était nécessairement HT lors de l'entrée en vigueur du deuxième alinéa de l'article 432-12 du code pénal. En deuxième lieu, il convient de constater que les personnes assujetties à la TVA peuvent être soumises à des taux différents en fonction de leur secteur d'activité, bénéficier d'une franchise de TVA (293 B du CGI) ou même être exonérées de TVA (articles 256 B ou 261 du CGI). Dès lors, retenir un plafond TTC donnerait lieu à une application différenciée de cette exonération en fonction des justiciables et viendrait contredire le principe constitutionnel d'égalité devant l'application de la loi pénale. En troisième lieu, dans le silence de la loi, une interprétation in favorem au justiciable doit être privilégiée. Par conséquent, pour l'ensemble de ces raisons et sous réserve d'un avis contraire et souverain des juridictions judiciaires, le montant de 16 000 euros susmentionné doit s'entendre HT.
Auteur : M. David Habib
Type de question : Question écrite
Rubrique : Communes
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025