Pollution dans la Vallée de la chimie à Saint-Fons : il est temps d'agir !
Question de :
M. Idir Boumertit
Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Idir Boumertit attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur une situation de pollution industrielle persistante et alarmante dans la Vallée de la chimie, à Saint-Fons, au cœur de la 14ème circonscription du Rhône. Un rapport commandé par la société Kem One, spécialisée dans la production de plastiques de base, révèle que cette même entreprise est à l'origine de rejets atmosphériques de chlorure de vinyle monomère (CVM) – un gaz classé cancérogène certain pour l'être humain depuis 1987 par le Centre international de recherche sur le cancer. Ces émissions sont détectées à proximité immédiate des zones d'habitation, à des concentrations largement supérieures aux seuils recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'exposition prolongée à de tels niveaux représente un risque sanitaire majeur, notamment en matière de développement de cancers. Selon les données disponibles, Kem One a rejeté jusqu'à 500 tonnes de CVM par le passé. En 2024, ses émissions s'élevaient encore à 20,3 tonnes, frôlant le seuil autorisé de 21 tonnes par an, fixé par arrêté préfectoral. Ce respect de la limite « au milligramme près » révèle une gestion permissive, presque cynique, de la pollution. Une telle tolérance est incompatible avec le principe de précaution inscrit dans la Constitution et interroge sur les choix politiques qui autorisent encore la diffusion de substances hautement cancérogènes dans l'environnement. Ce gaz est utilisé notamment pour la fabrication du PVC, y compris dans les canalisations, soulevant également la question de la contamination potentielle de l'eau potable, en particulier via des réseaux anciens ou dégradés. La Vallée de la chimie est déjà exposée à de multiples polluants industriels, notamment les PFAS, surnommés « polluants éternels », qui aggravent encore la situation. Ce cumul de pollutions crée une injustice environnementale manifeste, d'autant plus inacceptable qu'il touche des populations qui subissent déjà d'importantes inégalités sociales. Les habitants de Saint-Fons, Feyzin, Solaize et des environs, en grande majorité issus de milieux modestes, n'ont bien souvent pas les moyens de déménager loin de ces zones polluées. Ils vivent au quotidien dans un environnement saturé de substances toxiques et ce, sans avoir d'autre choix. Ce sont eux qui développent le plus souvent des pathologies graves, en particulier des cancers, dans l'indifférence générale. Encore une fois, ce sont les plus précaires qui paient le prix fort de décisions industrielles et politiques prises sans eux et contre leur droit fondamental à vivre dans un environnement sain. Il l'interroge donc sur les mesures concrètes que le Gouvernement entend prendre pour contraindre la société Kem One à réduire ses rejets de chlorure de vinyle monomère (CVM) à des niveaux non seulement conformes aux normes réglementaires, mais également sans danger pour la population. Il lui demande également quelles actions seront mises en œuvre pour renforcer l'encadrement des émissions industrielles dans la Vallée de la chimie et surtout, pour assurer une protection durable des populations exposées. Enfin, il souhaite savoir si le Gouvernement envisage de revoir à la baisse les seuils fixés par les arrêtés préfectoraux, afin de mieux répondre aux impératifs de santé publique et de justice environnementale dans ce territoire déjà lourdement impacté.
Réponse publiée le 29 juillet 2025
L'usine de Saint-Fons exploitée par KEM ONE est un établissement Seveso Seuil haut et relève des obligations fixées par la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (dite directive IED). En tant qu'établissement présentant de nombreux enjeux, celui-ci fait l'objet d'une forte mobilisation de la part de l'inspection des installations classées. Ainsi, l'inspection réalise plusieurs contrôles chaque année (7 en 2024 et 5 en 2023), y compris sur la thématique des rejets atmosphériques de chlorure de vinyle monomère (CVM). Le chlorure de vinyle monomère (CVM) est reconnu comme cancérogène certain pour l'être humain (CIRC, 1987) et classé substance de catégorie 1A au sens du règlement CLP. Ce classement lui confère un encadrement réglementaire strict au niveau européen, tant en termes d'émissions que de conditions d'utilisation. En ce qui concerne les rejets de CVM, les prescriptions applicables au site imposent, depuis 2013, des valeurs maximales de flux journaliers et mensuels. En complément, une obligation supplémentaire a été imposée à l'exploitant en 2019 afin d'abaisser les quantités émises annuellement, dont l'objectif de baisse a été déterminé à partir des conclusions de l'étude des risques sanitaires réalisée en 2017. L'inspection des installations classées a effectué, le 4 avril 2025, un contrôle spécifique sur la thématique des rejets CVM. Ce contrôle n'a pas relevé de non-conformité, mais l'administration reste pleinement mobilisée pour encadrer les émissions à un niveau compatible avec la protection de la santé. La valeur actuelle de 21 tonnes par an correspond au plafond réglementaire fixé à l'issue de l'étude de 2017. L'évolution de ce plafond fait partie des éléments susceptibles d'être revus à court terme, dans le cadre du réexamen actuellement conduit par l'inspection des installations classées. Ce réexamen vise à actualiser les prescriptions de l'exploitant en s'appuyant sur les meilleures technologies disponibles, conformément aux obligations prévues par le BREF WGC publié en 2022. L'établissement a ainsi déposé un dossier complet, accompagné d'une actualisation de l'étude de risques sanitaires. Cette instruction est en cours. Elle pourrait aboutir à un abaissement du plafond d'émission, voire à des obligations techniques plus contraignantes. S'agissant des données historiques de concentrations atmosphériques évoquées dans la question, leur interprétation nécessite de connaître précisément les conditions de mesure (lieu exact, durée, méthodologie), pour permettre une comparaison rigoureuse aux valeurs sanitaires de référence. En complément de ces mesures, une surveillance des rejets dans l'environnement est en place depuis 2002, et a été pérennisée par arrêté préfectoral en 2011. S'agissant des autres pollutions identifiées dans la vallée de la chimie, notamment les PFAS, plusieurs démarches de surveillance et d'instruction sont en cours, en particulier autour du site d'Arkema. Une approche plus coordonnée des différents types de pollution est actuellement à l'étude, afin d'évaluer au mieux les expositions cumulées et de renforcer les actions publiques si nécessaire. Sur le plan sanitaire, le suivi de la santé des riverains relève du ministère chargé de la santé. Le Gouvernement réaffirme sa détermination à renforcer la protection des populations exposées.
Auteur : M. Idir Boumertit
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pollution
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 29 juillet 2025