Question écrite n° 8436 :
La situation préoccupante des professionnels du secteur social et médico-social

17e Législature

Question de : M. Romain Eskenazi
Val-d'Oise (7e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Romain Eskenazi attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la situation préoccupante des professionnels du secteur social et médico-social, notamment les éducateurs spécialisés, confrontés à un fort turnover et pénalisés par une reconnaissance salariale largement inférieure à l'engagement qu'exige leur métier. Ces professions sont aujourd'hui à un point de bascule. Pourtant, elles constituent une double réponse stratégique à deux enjeux majeurs pour la société : endiguer durablement la délinquance juvénile et offrir un véritable horizon d'émancipation aux publics fragilisés. Le travail des éducateurs spécialisés, des professionnels de la prévention et de l'insertion permet au quotidien de désamorcer les conflits à la racine, de prévenir les ruptures scolaires et familiales et d'accompagner les jeunes dans des parcours de reconstruction. Ce sont des métiers de lien, d'écoute et d'exigence. Ils interviennent également auprès des personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse d'enfants, d'adolescents ou d'adultes, pour les accompagner dans leurs projets de vie, favoriser leur autonomie et leur inclusion. Là où la réponse répressive échoue à traiter les causes structurelles de la délinquance, leur présence sur le terrain agit en amont - dans les quartiers, les foyers, les centres d'action sociale ou les établissements socio-éducatifs - avec une efficacité reconnue, mais encore trop peu soutenue. En parallèle, ces professionnels jouent un rôle fondamental d'accompagnement à l'insertion sociale et économique. Leur action quotidienne – vers l'autonomie, l'accès à la formation, à l'emploi, au logement ou à la citoyenneté – constitue un véritable outil de justice sociale. Ils rendent possible l'émancipation de personnes que le modèle français laisse trop souvent à la marge et incarnent ainsi l'incapacité collective à ne laisser personne de côté. Pourtant, malgré cette utilité cruciale pour la société, leurs conditions salariales restent indignes d'un tel engagement humain, social et éthique. Un éducateur spécialisé débutant perçoit en moyenne 1477 euros nets par mois, soit un revenu à peine supérieur au SMIC, bien éloigné de la reconnaissance que devrait appeler la technicité, la responsabilité et la pénibilité de sa mission. Ce décrochage de rémunération, qui touche de plein fouet des professionnels pourtant détenteurs de diplômes d'État et souvent engagés dans une démarche vocationnelle, engendre un désenchantement profond, un découragement massif et un exode silencieux vers d'autres secteurs. Il alimente un déficit d'attractivité structurel, aux conséquences particulièrement graves : près de 50 000 postes sur 850 000 seraient aujourd'hui vacants dans le secteur social, médico-social et de l'insertion, soit environ 6 % des effectifs, avec des taux de vacance allant jusqu'à 17 % dans les dispositifs d'accueil et d'hébergement. Ce chiffre n'est pas seulement un indicateur statistique : il signifie que des milliers de personnes vulnérables, souvent en situation d'urgence sociale, ne sont tout simplement plus accompagnées. Et la situation risque d'empirer, avec 150 000 départs à la retraite prévus d'ici 5 ans, soit 200 000 postes vacants potentiels à la fin de la décennie. Finalement, le manque d'attractivité de la branche se fait sentir dès la formation, avec parfois 10 % des étudiants qui abandonnent avant même d'entrer dans la profession. Dans ce contexte, il lui demande si elle envisage de garantir un financement intégral, stable et pérenne par l'État des revalorisations salariales décidées dans les conventions collectives, de manière à ne pas fragiliser davantage les associations délégataires de service public qui assurent des missions essentielles. Il souhaite également connaître les mesures structurelles que le Gouvernement prévoit pour revaloriser substantiellement les salaires, stabiliser les effectifs et offrir des perspectives de carrière à la hauteur de l'importance sociale et républicaine de ces métiers. Il l'interroge enfin sur sa volonté de reconnaître officiellement ces professions comme des leviers stratégiques de prévention de la délinquance et d'émancipation sociale et de les intégrer pleinement aux politiques de sécurité globale, de cohésion territoriale et de lutte contre les inégalités. Il souhaite savoir quels dispositifs de suivi, d'évaluation et de concertation avec les acteurs de terrain seront mis en place afin d'adapter les politiques publiques aux réalités locales, d'objectiver l'impact des revalorisations engagées et d'améliorer durablement les conditions d'exercice de ces métiers essentiels.

Données clés

Auteur : M. Romain Eskenazi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions et activités sociales

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date :
Question publiée le 8 juillet 2025

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