Question écrite n° 8500 :
Valorisation de la venaison : un potentiel bridé par la réglementation

17e Législature

Question de : M. Pascal Markowsky
Charente-Maritime (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Pascal Markowsky appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les lourdeurs administratives persistantes qui entravent la valorisation de la venaison française, levier pourtant important de souveraineté alimentaire et de développement territorial. Le 15 novembre 2021, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publiait un rapport intitulé « Valorisation de la venaison : vers une filière alimentaire durable », soulignant que le gibier constitue une ressource alimentaire locale, saine et durable, propice au développement des circuits courts et à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ce rapport recommandait notamment de favoriser ces circuits par le biais d'une expérimentation nationale. Il aura toutefois fallu attendre la saison de chasse 2024-2025 pour qu'une première expérimentation soit engagée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, avec le concours de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Quinze associations devaient initialement participer à ce dispositif. Or en raison d'un cahier des charges jugé particulièrement complexe, seule une structure a pu mener à bien la démarche. Malgré ce constat d'échec, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a publié en mai 2025 une nouvelle instruction pour la saison 2025-2026, alourdissant encore le cadre réglementaire applicable. Une telle complexification risque de décourager davantage les acteurs de terrain et de compromettre les objectifs initiaux de relocalisation et d'accessibilité de la venaison. Il apparaît paradoxal que, dans un contexte où la simplification administrative est constamment proclamée comme un objectif prioritaire du Gouvernement, les initiatives visant à favoriser la valorisation d'une ressource alimentaire durable se heurtent à des contraintes procédurales toujours plus lourdes. Cette situation est d'autant plus préoccupante que 70 % du gibier consommé en France provient actuellement de Nouvelle-Zélande et d'Europe de l'Est, alors même que le territoire français offre une ressource précieuse, issue d'une gestion raisonnée et durable. Le recours massif aux importations contribue à fragiliser l'économie cynégétique locale et à déconnecter le consommateur de l'origine des produits. Dans des départements comme la Charente-Maritime et plus largement en région Nouvelle-Aquitaine, où la chasse représente une activité importante - la Nouvelle-Aquitaine comptant environ 200 000 chasseurs actifs selon la Fédération nationale des chasseurs (source : FNC, rapport d'activité 2024) - la venaison constitue un atout économique et environnemental majeur. La filière cynégétique y joue un rôle essentiel dans la gestion durable des territoires et son potentiel de contribution à la souveraineté alimentaire locale reste aujourd'hui sous-exploité en raison de freins bureaucratiques inadaptés. Alors que les circuits courts et la relocalisation de l'alimentation figurent parmi les priorités affichées par les pouvoirs publics, la situation actuelle nuit à la valorisation de milliers de tonnes de venaison produites chaque année en France. À l'échelle nationale, ce potentiel est estimé à près de 25 000 tonnes par saison (source : ONCFS, étude sur la venaison 2023), dont une part significative demeure non commercialisée ou faiblement valorisée, en raison notamment des contraintes administratives qui pèsent sur les circuits de distribution directe. Ainsi, il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour alléger dès la saison de chasse 2025-2026 les contraintes réglementaires pesant sur la valorisation de la venaison dans les circuits courts. Il lui demande également quels sont les engagements que le Gouvernement est prêt à prendre afin de garantir que les futures instructions de la DGAL concilient exigences sanitaires et accessibilité effective pour les acteurs de terrain. L'annonce d'un futur outil national (Zacharie) ne peut justifier le gel actuel des initiatives de terrain. Il est impératif que l'élan existant puisse se traduire dès à présent par des expérimentations souples, pour que l'innovation continue sans attendre la mise en place complète du dispositif national. Enfin, il lui demande de préciser les raisons pour lesquelles les demandes de dérogation temporaire, strictement limitées dans le temps et destinées à expérimenter sur le terrain des outils numériques facilitant la traçabilité, la conformité sanitaire et la valorisation locale du gibier, ne reçoivent aucune suite favorable de la part de l'administration.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

Le ministère chargé de l'agriculture, en lien étroit avec les services du ministère chargé de l'environnement, suit avec la plus grande attention ce dossier qui revêt à la fois des enjeux de souveraineté alimentaire, de développement rural et de sécurité sanitaire. Conscient du potentiel que représente la venaison en tant que ressource locale, durable et de qualité, le Gouvernement a engagé depuis plusieurs années une démarche structurante visant à mieux organiser cette filière. Le rapport du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de novembre 2021 a constitué un point de départ important, en identifiant, via sept recommandations, des leviers concrets pour améliorer la collecte, la transformation et la commercialisation de la viande de gibier sauvage. Les différentes recommandations de ce rapport ont été travaillées en collaboration avec les acteurs économiques, notamment concernant une meilleure structuration de la filière (recommandation n° 2), le développement des centres de collecte du gibier sauvage (recommandation n° 4), ou la rédaction d'un guide de bonne pratique d'hygiène (recommandation n° 3). Afin de répondre à la recommandation n° 6 de favoriser le développement des circuits courts par le biais d'une expérimentation nationale encadrée, cette expérimentation a été initiée dès la saison de chasse 2024-2025, reconduite pour la saison 2025-2026. Son objectif est de permettre, dans des conditions strictement définies, la dépouille et la découpe du gibier sauvage par certaines associations de chasse, dans des zones éloignées des établissements de traitement de gibier agréés. Cette expérimentation, élaborée avec les représentants de la filière, dont la fédération nationale des chasseurs (FNC), s'inscrit dans un cadre réglementaire européen conçu pour garantir la sécurité sanitaire des denrées alimentaires mises sur le marché. La direction générale de l'alimentation (DGAL) a veillé à assurer un juste équilibre entre exigences sanitaires, faisabilité technique et absence de distorsion de concurrence avec les ateliers agréés de traitement du gibier sauvage. Le cahier des charges applicable à l'expérimentation reprend les seules obligations minimales prévues par la réglementation communautaire. Aucune exigence supplémentaire n'a été imposée par l'administration. La complexité perçue du dispositif tient pour l'essentiel à la nécessaire maîtrise des règles d'hygiène alimentaire, qui conditionnent l'autorisation de mise sur le marché au-delà de la sphère familiale. Le faible nombre d'autorisations délivrées lors de la première phase d'expérimentation s'explique principalement par l'insuffisance des garanties apportées sur les conditions de traitement des viandes. Il ne s'agit nullement d'un échec, mais d'une étape d'apprentissage permettant aux acteurs de terrain de renforcer leurs compétences. Le renouvellement de l'expérimentation en 2025-2026, dans les mêmes conditions que l'expérimentation 2024-2025, vise précisément à accompagner cette montée en compétence. À ce titre, les mesures de flexibilité prévues par les textes européens ont bien été intégrées, notamment s'agissant des locaux et équipements. En revanche, la souplesse documentaire requiert un guide de bonnes pratiques d'hygiène, dont l'élaboration relève des organisations professionnelles, et dont la rédaction est encore attendue. Par ailleurs, l'administration s'efforce de lutter contre les circuits de distribution non conformes, qui représentent aujourd'hui plus de la moitié des volumes de venaison consommés, sans garanties sanitaires ni traçabilité. Concernant l'outil numérique « Zacharie », celui-ci vise à dématérialiser les fiches d'accompagnement du gibier sauvage et à simplifier la transmission des données sanitaires et de traçabilité. Son développement ne constitue pas un obstacle à l'expérimentation locale, cet outil étant un levier complémentaire au service de la modernisation des pratiques. Enfin, s'agissant des dérogations spécifiques à des outils innovants, l'administration demeure ouverte à l'expérimentation, dans le respect des cadres juridiques en vigueur. Toute demande recevable, accompagnée d'un projet solide et conforme aux exigences sanitaires, fait l'objet d'un examen attentif par les services compétents. Le Gouvernement demeure pleinement engagé pour faire progresser la valorisation durable du gibier sauvage, en articulation avec les enjeux de souveraineté alimentaire, de santé publique et de développement territorial. Un dialogue permanent est maintenu avec l'ensemble des parties prenantes pour adapter les dispositifs existants et encourager des solutions de terrain efficaces et responsables.

Données clés

Auteur : M. Pascal Markowsky

Type de question : Question écrite

Rubrique : Chasse et pêche

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 15 juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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