Question écrite n° 8535 :
Ampleur des émissions d'ammoniac et manque de transparence des données

17e Législature

Question de : M. Damien Girard
Morbihan (5e circonscription) - Écologiste et Social

M. Damien Girard alerte Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'ampleur des émissions d'ammoniac en France, leurs effets délétères sur la santé publique et l'environnement ainsi que sur le manque de transparence dans la publication des données relatives à ces émissions. L'ammoniac est un gaz toxique, produit à 94 % par les activités agricoles (97 % en Bretagne, selon Air Breizh, association agréée de surveillance de la qualité de l'air), en particulier les élevages industriels et l'usage excessif d'engrais azotés. Il contribue fortement à la formation de particules fines (PM2.5), qui favorisent le développement de maladies respiratoires et cardiovasculaires et sont responsables de 48 000 décès prématurés par an en France métropolitaine. L'ammoniac est également nocif pour l'environnement. Il favorise non seulement la pollution de l'air, mais aussi l'acidification des sols et l'eutrophisation des milieux aquatiques, mettant en péril la biodiversité. En Bretagne, où la densité d'élevages est particulièrement élevée, les émissions d'ammoniac représentent 18 % du total national, plaçant la région parmi les plus polluées d'Europe. Cette pollution contribue à des concentrations de particules fines (PM2.5) qui dépassent largement les seuils recommandés par l'Organisation mondiale de la santé, exposant les Bretonnes et les Bretons à des niveaux susceptibles d'altérer leur santé de manière significative. La loi du 22 août 2021 prévoit un plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), avec un objectif de baisse de 13 % des émissions d'ammoniac d'ici à 2030 par rapport à 2005. Pourtant, le rapport du CITEPA publié le 16 juin 2025 révèle une hausse de 0,8 % des émissions d'ammoniac entre 2023 et 2024. Par ailleurs, des lacunes en matière de suivi empêchent d'évaluer précisément l'évolution de ces émissions et l'efficacité des politiques mises en œuvre. Actuellement, les élevages de porcs et de volailles soumis à la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles doivent déclarer et rendre accessibles au public leurs émissions atmosphériques si celles-ci dépassent 10 000 kg/an. Ainsi, seules 7 % des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) relevant de la rubrique élevages intensifs de volailles et de porcs rendent accessibles au public leurs émissions sur le site Géorisques. Les 93 % restantes, bien que cumulant des rejets significatifs, échappent à toute obligation de publication, rendant impossible un diagnostic territorial fiable. En outre, plusieurs manquements ont été relevés dans la publication des données via le registre Géorisques. Les émissions atmosphériques de 2021 et 2022 ont été supprimées du site en janvier 2025 pendant plusieurs mois et les données de 2023 ont été rendues publiques uniquement sous une forme fragmentée par établissement, compliquant toute analyse d'ensemble. Cette situation contrevient à l'article 14 de la directive (UE) 2016/2284, qui impose aux États membres une diffusion active et systématique des inventaires d'émissions. La population se trouve ainsi privée d'une information essentielle sur les risques qu'elle encourt du fait des émissions d'ammoniac. Pourtant, le Gouvernement possède les estimations nationales précises dès la première tonne d'ammoniac émise pour évaluer l'atteinte des objectifs de réduction fixés. M. le député demande donc à Mme la ministre si elle compte garantir la publication complète, claire, accessible et cartographiée des données relatives aux émissions d'ammoniac, dès la première tonne émise, pour l'ensemble des élevages, afin d'assurer une réelle transparence à l'égard de la population. Il lui demande également quelles mesures le Gouvernement entend mettre en place pour encadrer plus strictement le développement des élevages industriels afin de respecter ses engagements de réduction des émissions d'ammoniac. Il lui demande notamment si elle va étudier la possibilité d'instaurer un moratoire sur les nouveaux projets ou extensions d'élevages intensifs dans les zones où les concentrations en particules fines dépassent les seuils recommandés par l'Organisation mondiale de la santé.

Réponse publiée le 23 décembre 2025

La pollution atmosphérique est un enjeu de santé publique majeur en France métropolitaine. D'après Santé Publique France, plus de 40 000 décès annuels sont liés à la pollution aux particules fines (PM2,5) et près de 7 000 décès sont attribuables à l'exposition au NO2. Les données relatives aux émissions d'ammoniac en France sont publiées annuellement dans les rapports Secten du CITEPA, dont la dernière édition date du 16 juin 2025. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 prévoit une trajectoire de réduction des émissions agricoles d'ammoniac de 2022 à 2030, par rapport à 2005. Les estimations d'émissions en 2022 et 2023 respectent cet objectif de baisse de 13 % en 2023, avec une baisse de 15 % estimée en 2024 et ce malgré une relative hausse entre 2022 et 2023. Pour établir les inventaires, le CITEPA estime les émissions en s'appuyant sur des méthodologies reconnues, régulièrement mises à jour par la communauté scientifique tel que le guide « EMEP » de l'agence européenne pour l'environnement ou celui de l'UNECE. Les estimations comportent de fait des incertitudes par exemple sur les facteurs d'émission ou les activités. La dernière évolution méthodologique (édition 2025) implique une hausse en niveau en lien avec de nouveaux facteurs d'émission pour les engrais minéraux, mais une baisse importante en tendance par rapport à 2005. Parmi les données d'activité utilisées, certaines proviennent directement des exploitations agricoles notamment grâce aux enquêtes menées par le Service de la Statistique et de la Prospective (SSP) du Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire disponibles sur la plateforme « Agreste ». C'est le cas des résultats de l'enquête Pratiques culturales en grandes cultures. Les inventaires nationaux d'émissions sont mis à disposition du public tous les ans par le CITEPA en conformité avec l'article 14 de la directive (UE) 2016/2284. En outre, les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) réalisent dans chaque région un inventaire territorial des émissions de polluants atmosphériques, dont l'ammoniac en tant que précurseur de particules fines, qu'elles diffusent gratuitement et librement sur leur site internet conformément à l'arrêté du 16 avril 2021 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l'air ambiant. Le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) relève de la directive (UE) 2016/2284 (dite « NEC ») du Parlement Européen et du Conseil de l'Union Européenne. Cette directive prévoit dans ses articles 6 et 10 l'établissement, l'adoption et la mise en œuvre par les Etats membres de programmes nationaux de lutte contre la pollution atmosphérique devant être mis à jour au minimum tous les quatre ans. Conformément à ces dispositions, la France a élaboré et mis en œuvre son PREPA instauré par l'article L.222-9 du Code de l'Environnement. S'agissant de la directive 2010/75/UE, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à la directive européenne IED 2010/75/UE relative aux émissions industrielles enregistrent leurs données d'émissions sur l'outil GEREP. S'agissant du registre national des émissions polluantes, les données d'émission sont renseignées annuellement par les industriels concernés sur la plateforme de déclaration GEREP, en application de l'arrêté ministériel du 31 janvier 2008 relatif au registre et à la déclaration annuelle des émissions et de transferts de polluants et des déchets. Alors que le secteur agricole est à l'origine de 94 % des émissions d'ammoniac, seuls les plus gros élevages ont une obligation de faire cette déclaration. Le seuil de notification des émissions d'ammoniac dans l'air est actuellement fixé au niveau européen à 10 000 kg/an. Ce qui signifie que seules les activités émettant plus de 10 000 kg/an d'ammoniac sont dans l'obligation de déclarer ces émissions. Les exploitants déclarent parfois des quantités émises qui sont inférieures à ce seuil, elles n'étaient pas mises en ligne car par définition incomplètes et non représentatives de l'ensemble des émissions. Le seuil pour l'ammoniac pourrait être prochainement révisé, au niveau européen, à la baisse en application de l'article 15 du règlement (UE) 2024/1244 du 24 avril 2024 qui prévoit de « fixer et mettre à jour des seuils pour les rejets de polluants de manière à atteindre l'objectif consistant à capturer au moins 90 % du rejet de chaque polluant dans l'air, l'eau et le sol ». Afin d'améliorer l'information du public, un changement de présentation des données a été opéré cette année sur le site Géorisques / registre des émissions polluantes, mais aucune donnée n'a été supprimée. Les données déclarées par les exploitants, même inférieures aux seuils de notification, apparaissent désormais avec la mention « < seuil » pour les années 2021 et postérieures. Auparavant ces données étaient affichées égales à « 0 » laissant croire que les émissions étaient nulles, ce qui n'était pas représentatif de la réalité. L'information publiée est également enrichie par l'ajout des polluants déclarés dans GEREP et n'ayant jamais dépassé le seuil de notification. Auparavant ces polluants n'apparaissaient pas dans le tableau Emissions et polluants. Le public est ainsi informé des substances faisant l'objet d'un suivi par l'exploitant, que ce soit par la réalisation de mesures à l'émission ou de calcul basé sur des facteurs d'émission ou des bilans matière. Enfin, il n'est pas envisagé la mise en place d'un moratoire pour les projets d'extension ou d'installations d'élevages au sein des zones à forte concentration de particules fines.

Données clés

Auteur : M. Damien Girard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Transition écologique

Dates :
Question publiée le 15 juillet 2025
Réponse publiée le 23 décembre 2025

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