Question orale n° 85 :
Fermeture de centres de santé à Paris

17e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Danièle Obono interroge M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur les annonces de fermetures de centres de santé à Paris. La pénurie de professionnels de santé touche de plein fouet l'Île-de-France, qui est, selon l'Union régionale des professionnels de santé (URPS), le premier désert médical français en 2022. À Paris, le manque d'offre de soins accessibles est alarmant. Malgré cette situation, les fermetures ou annonces de fermetures de centres de soins accessibles, qu'ils soient associatifs ou publics, se succèdent ces derniers mois. Elle lui demande, alors que le Gouvernement est représenté au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie, si elle valide ces choix de politique sanitaire qui vont accentuer les difficultés d'accès aux soins de la population.

Réponse en séance, et publiée le 22 janvier 2025

CENTRES DE SANTÉ À PARIS
M. le président . La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, no 85, relative aux centres de santé à Paris.

Mme Danièle Obono . Pour 2025, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) souhaite une mauvaise santé aux habitants du 19e arrondissement et, au-delà, de tout le Nord-Est parisien.

Ces derniers mois, la population de Paris a subi la disparition de plusieurs centres de santé associatifs. En novembre, la Cnam a annoncé la fermeture du centre de la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de Réaumur, et celle de la moitié des services du centre de la caisse régionale de l'assurance maladie d'Île-de-France (Cramif) de Stalingrad dans le 19e arrondissement, qui va provoquer le licenciement de trente et un soignants.

Ces annonces constituent une injustice doublée d’un scandale. Les personnels soignants et administratifs, les syndicats, les usagers et les élus du territoire la refusent catégoriquement.

Injustice, car en 2022, selon l’union régionale des professionnels de santé (URPS), l’Île-de-France était le premier désert médical français. À Paris, seuls 20 % des spécialistes acceptent les consultations sans dépassements d’honoraires, et après un délai d’attente de trois à six mois.

Dans le Nord-Est de la capitale, qui accueille les populations parisiennes les plus précaires et les plus vulnérables, cette inaccessibilité rime avec mauvaise santé. Plus de 40 % des habitants renoncent à se soigner. Or, le centre Cramif de Stalingrad est l’un des derniers centres de santé conventionnés en secteur 1 – sans avance de frais. Il accueille près de 30 000 patients, pour plus de 100 000 passages par an.

Scandale, ensuite, car face à l’enjeu sanitaire, les arguments avancés pour justifier la réduction de l’offre de soins sont fallacieux et inacceptables. Le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie argue ainsi d’impératifs de redressement, de gestion et d'un déficit.

D’un point de vue purement budgétaire, un déficit ne peut justifier une procédure de licenciement : ces centres dépendent de l’assurance maladie, financièrement capable de les combler.

En outre, il est moralement et politiquement inadmissible de justifier le sacrifice de la santé des plus fragiles sur l’autel de la rentabilité financière. La santé est un bien commun, pas une marchandise. Sa protection est un service public, pas un marché.

Alors que 2025 marquera le quatre-vingtième anniversaire de la création de la sécurité sociale, ces projets de fermeture sont inacceptables. Les centres de santé de l’assurance maladie sont une conquête des luttes ouvrières et du Conseil national de la Résistance. Depuis le milieu des années 1960, à Paris, ils offrent une gamme de soins variés pour tous nos concitoyens, quels que soient leurs moyens.

La France insoumise défend leur renforcement dans les déserts médicaux, notamment par la création de réseaux de centres de santé pluridisciplinaires, en lien avec les hôpitaux publics.

Nous nous opposons résolument à la politique de marchandisation menée ces dernières décennies, qui substitue progressivement aux centres de santé publics ou associatifs non lucratifs des établissements à but lucratif, instaurant ainsi une médecine à deux vitesses.

Avec ma collègue Sarah Legrain, nous appelons toute la population à se joindre au rassemblement unitaire organisé mardi 28 janvier prochain à midi devant la Cramif, et à la réunion publique du jeudi 30 à dix-huit heures trente à la mairie.

« J’habite le 19e, le quartier va mourir si ce centre part. Mon père, handicapé, ne pourra même plus se soigner car je devrais payer un taxi pour l’accompagner à chaque fois », explique Aida, signataire de la pétition lancée par un soignant contre la fermeture du centre de Réaumur et des services de Stalingrad.

Monsieur le ministre, ma question est simple ; j’espère que votre réponse le sera également. Le gouvernement est représenté au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Validerez-vous ces fermetures qui vont accentuer les difficultés d’accès aux soins de la population ?

M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Je vous remercie pour cette question sur les centres de santé. Une de mes priorités en tant que ministre de la santé et de l'accès aux soins, c'est justement que nous ne fassions plus d'économies sur le dos de la santé des Français.

Je partage votre analyse sur les acquis du Conseil national de la Résistance, qui ont permis à notre pays de sortir de situations complexes à la fin de la guerre, dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la sécurité – nous devrions tous nous en souvenir.

Les centres de santé jouent un rôle important en France, et particulièrement en Île-de-France, les déserts médicaux se situant parfois en zone urbaine ou métropolitaine.

Leur rôle est fondamental dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce qui semble ici être le cas. On y applique le tiers payant intégral et on y déploie des actions de prévention particulièrement importantes.

L'Île-de-France compte environ 1 000 centres de santé, et ce nombre est en forte augmentation. Nous avons accentué les contrôles pour éviter les dérives ou les fraudes constatées dans certains centres dentaires ou ophtalmologiques.

S'agissant des centres que vous citez, je vais analyser les points que vous soulevez avec précision car les éléments qu'on m'a fournis ne sont pas suffisants pour vous répondre.

Je peux déjà affirmer qu'on ne ferme pas un centre de soins pour des raisons financières. Il convient plutôt d'accompagner ces centres, en mobilisant éventuellement les collectivités, pour envisager un retour à l'équilibre.

Comme à l'hôpital, seule l'absence de professionnels peut conduire à fermer un tel centre – à l'hôpital, on ne ferme jamais de lits pour des raisons financières, mais parce qu'on manque de professionnels de santé. C'est pourquoi je souhaite qu'on forme plus de professionnels médicaux et paramédicaux.

Je vais analyser ce dossier en détail afin de vérifier qu'il ne s'agit pas de fermetures liées à un déficit de professionnels de santé.

J'ai bien conscience que quand on ferme un centre de santé de proximité, on éloigne les patients des soins ; c'est pourquoi je souhaiterais une expertise des structures financières. Je reviendrai ensuite vers vous.

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 janvier 2025

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