Vagues de licenciements ou la conséquence des politiques néolibérales
Question de :
M. Raphaël Arnault
Vaucluse (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Raphaël Arnault alerte Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, sur les licenciements qui sont prévus dans le groupe Auchan qui impacterait des milliers de travailleurs. Dans le département de Vaucluse où il est élu, 50 salariés d’Auchan sont menacés de licenciement dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui concernerait 2 389 postes en France. Les salariés touchés travaillent dans les magasins d'Avignon Nord-Le Pontet, d'Avignon Sud-Mistral 7 et de Cavaillon. Derrière ces chiffres, ce sont autant de vies et de familles détruites par les politiques néolibérales, avec des Gouvernements qui n'ont rien mis en œuvre ces dernières années pour protéger les emplois contre la désindustrialisation et les délocalisations. Pour ces salariés, aucune solution n'est présentée pour éviter les impacts conséquents sur leur vie et leur carrière, puisque la direction ne propose aucun reclassement dans d'autres enseignes du groupe Mulliez. Pourtant, selon la Confédération générale du travail (CGT), le groupe Auchan a réalisé 1,5 milliard de bénéfices en 2023 et 300 millions pour le seul premier trimestre de 2024. Pire encore, le groupe aurait bénéficié de près de 500 millions d'euros d'aides publiques dans le cadre du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), entre 2013 et 2018, ainsi que de nombreuses autres aides de l'État et d'allègements de cotisations. Le groupe Mulliez détenu par la famille du même nom, qui est la huitième fortune de France, possède de nombreuses enseignes en France, dont Auchan et Décathlon. Alors que Décathlon va verser 1 milliard d'euros de dividendes, les plans de licenciements sont toujours en cours et aggravent encore davantage les inégalités et l'accaparement de la richesse produite par les salariés par une minorité de très grandes fortunes propriétaires de grands groupes. Les salariés d'Auchan de Vaucluse ne sont pas un cas isolé : Michelin, Valeo, General Electric, Sanofi, Auchan, MA France, sont le début d'une longue liste d'enseignes où des plans de licenciements sont annoncés. Cela s'inscrit dans un contexte global de plan de licenciements massifs dans le pays, dû aux politiques néolibérales des précédents Gouvernements et de l'abondance d'aides publiques versées aux grandes entreprises sans contreparties. Ainsi, au regard de ces différents éléments, il souhaiterait connaître les mesures à court et long terme que le Gouvernement compte prendre pour maintenir l'emploi. Il lui demande également si le Gouvernement s'engage à interdire les licenciements boursiers et à faire la lumière sur l'utilisation des aides publiques des entreprises qui annoncent des plans de licenciement.
Réponse en séance, et publiée le 22 janvier 2025
VAGUES DE LICENCIEMENTS
M. le président . La parole est à M. Raphaël Arnault, pour exposer sa question, no 86, relative aux vagues de licenciements.
M. Raphaël Arnault . Si je m’adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi, c'est pour rendre compte d'une situation alarmante de licenciements à la chaîne, une violence sociale qui touche de plein fouet des milliers de travailleurs et leurs familles.
Symptômes d’une crise beaucoup plus profonde, alimentée par des décennies de politiques néolibérales d’une brutalité sans nom, ces licenciements massifs concernent particulièrement le groupe Auchan, avec un prétendu plan de sauvegarde de l'emploi qui menace environ 2 400 postes en France, dont 50 dans le département de Vaucluse, notamment au Pontet.
On l’a bien compris, ce plan ne sauvegarde rien du tout, puisqu’aucune solution de reclassement n'est proposée. Les salariés d’Auchan ne sont même pas invités à retrouver un poste au sein des autres enseignes du groupe Mulliez, qui n’hésitent pourtant pas à travailler en synergie lorsqu’il s’agit d’optimiser les profits.
Derrière ces chiffres se trouvent des vies et des familles. Et cette tragédie ne touche pas seulement les employés, mais aussi toutes ces villes, ces villages et ces quartiers entiers dévastés par les fermetures de magasins, les suppressions de postes et les réductions de surfaces.
Pour mémoire, Auchan a engrangé en 2023 près de 1,5 milliard d’euros de bénéfices et 30 milliards de chiffre d’affaires, tout en bénéficiant de centaines de millions d’euros d’aides publiques – provenant de nos impôts – et d’exonérations fiscales.
En plus d’Auchan, le groupe Mulliez, car il est bon de nommer ces grands artistes, propriétaire de nombreuses enseignes, continue d’accumuler des profits colossaux en rinçant toujours plus ses actionnaires.
Decathlon, par exemple, va verser 1 milliard d'euros de dividendes à ses actionnaires, pendant que des milliers de travailleurs sont poussés vers le chômage. Quel beau résumé du macronisme !
Il ne s’agit donc pas d'une réponse à des problèmes économiques auxquels l’entreprise serait confrontée, mais de choix purement politiques : baisser le plus possible les coûts de personnel en abaissant les salaires, en remplaçant des travailleurs qualifiés par des personnes au smic pour effectuer les mêmes tâches, en fermant des postes – des hôtes de caisse jusqu’aux cadres.
Tout ça pour s’aligner sur la concurrence, mais à quel prix ? Les travailleurs sont finalement considérés comme de simples outils qu’on bouge ou qu'on jette au gré des profits. Le capitalisme est inhumain et profondément irrationnel.
Une bataille se déroule sous nos yeux, et que fait le gouvernement ? Toujours plus de liberté pour les exploiteurs ; toujours plus de brutalité pour les travailleurs. La ministre est censée protéger les emplois, pas engraisser ceux qui licencient.
À longueur de journée, les travailleurs de ce pays sont méprisés par une classe politique déconnectée, mais aussi par le président lui-même. Finalement, tout le monde l'a compris : les plus grands assistés de ce pays sont ceux qui vivent sous perfusion de politiques publiques visant à financer les groupes privés.
Je souhaiterais une Assemblée nationale et des ministères remplis de travailleuses et travailleurs. Vous y perdriez votre poste, mais en attendant que nous vous censurions, que comptez-vous faire pour les emplois et à l'égard du groupe Auchan et des propriétés de la famille Mulliez ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Monsieur le député, je n'attends pas d'être censuré ou maintenu ; je suis là pour m'occuper de la santé des Français, des soignants en particulier.
Si l'on veut réellement s'occuper des questions de santé, il faut s'inscrire dans la durée, car on ne peut pas correctement prendre en charge la santé des Français, ni celle des soignants, en quatre mois – qu'importe le ministre.
La ministre du travail, ainsi que le gouvernement, soutiennent les salariés et leurs familles.
La priorité de la ministre est la continuité salariale et professionnelle de tous les salariés touchés par le plan de sauvegarde, en particulier les seniors.
Elle souhaite simplifier les dispositifs de reconversion pour éviter le chômage et contribuer à l'emploi dans les territoires.
Nous voulons relancer le dispositif d'activité partielle de longue durée rebond, qui privilégie la formation et maintient l'emploi. Cette mesure faisait partie du projet de loi de finances qui n'a pas été voté. Pourtant, les entreprises et les salariés l'attendent ; j'espère qu'elle sera adoptée dans le cadre du prochain budget.
La ministre du travail suit de près le plan de sauvegarde en cours de négociation avec les partenaires sociaux et a demandé à Auchan de faciliter le retour à l'emploi des salariés concernés.
La grande distribution est en crise et Auchan subit des pertes importantes chaque année. Le modèle des hypermarchés ne fonctionne plus. Auchan France a enregistré une perte de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires ces dix dernières années.
Ce plan doit suivre les mêmes exigences que le précédent, avec des solutions de reclassement interne et externe, des congés de reclassement rémunérés et des financements pour des formations et des projets professionnels. Les négociations sont en cours. Lors du précédent plan en 2021, les 1 500 postes supprimés se sont traduits par 80 licenciements contraints.
Certes, chacune des entreprises de la famille Mulliez est autonome, mais la ministre du travail a demandé à Auchan d'accompagner les candidatures dans les autres entreprises du groupe. Le groupe financera aussi l'accompagnement pour rechercher des solutions de reclassement et contribuera financièrement à la revitalisation des bassins d'emploi concernés.
Concernant le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, une commission d'enquête sur l'utilisation des allégements fiscaux a été créée par le Sénat le 15 janvier.
Nous devons être plus efficaces pour accompagner la transformation des différentes filières affectées dans leur modèle économique par la concurrence. Les restructurations doivent s'accompagner du maintien dans l'emploi et de reconversions réussies.
Je transmettrai vos éléments à ma collègue ministre du travail.
Auteur : M. Raphaël Arnault
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Travail et emploi
Ministère répondant : Travail et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 janvier 2025