Reconnaissance du statut d'artiste-auteur pour les tatoueurs
Question de :
M. Alexandre Dufosset
Nord (18e circonscription) - Rassemblement National
M. Alexandre Dufosset appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, sur la situation juridique, sociale et économique des tatoueurs professionnels, confrontés à la fois à un statut administratif inadapté et à une concurrence croissante d'acteurs non déclarés opérant hors du cadre légal. La profession de tatoueur connaît depuis plusieurs années une forte croissance en France. Selon l'Ifop, près d'un Français sur cinq est aujourd'hui tatoué, un chiffre qui atteint entre 30 % et 40 % chez les 18-35 ans. Cette démocratisation du tatouage a favorisé l'émergence de nouvelles générations de professionnels, mais aussi le développement de pratiques informelles, à la marge du droit du travail, de la fiscalité et des normes sanitaires. D'un point de vue juridique, les tatoueurs sont aujourd'hui enregistrés sous le code APE 96.09Z - « autres services personnels non classés ailleurs » - classification administrative générique qui regroupe également des activités sans rapport avec la création artistique (toiletteurs animaliers, voyants, spirites, etc.). Cette affectation empêche la reconnaissance de leur activité comme relevant d'une démarche de création et donc comme relevant du régime des artistes-auteurs. Pourtant, plusieurs décisions de justice ont reconnu que les tatouages peuvent bénéficier de la protection du droit d'auteur dès lors qu'ils présentent un caractère original au sens des articles L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. L'activité du tatoueur repose ainsi, dans de très nombreux cas, sur une prestation artistique unique, conçue et réalisée sur commande, avec une implication personnelle comparable à celle des peintres ou des dessinateurs. Cette situation crée un hiatus manifeste : les tatoueurs ne peuvent intégrer la sécurité sociale des artistes-auteurs (SSAA), ni bénéficier de l'exonération de la cotisation foncière des entreprises (CFE) prévue à l'article 1460, 2° du code général des impôts, laquelle ne s'applique qu'aux professions énumérées de manière limitative. Le Conseil d'État, dans une décision du 5 décembre 2022 (n° 467864), a rappelé le caractère strictement limitatif de cette liste, écartant toute possibilité d'assimilation, même pour les tatoueurs ayant une démarche créative manifeste. À cette difficulté statutaire et fiscale s'ajoute une multiplication des tatoueurs non déclarés, souvent auto-formés, opérant à domicile ou lors de conventions, sans enregistrement auprès de l'URSSAF ni respect des obligations liées à la déclaration d'activité auprès des agences régionales de santé (ARS). Ces professionnels, présents principalement sur les réseaux sociaux, échappent à toute traçabilité administrative, à la fiscalité directe locale, aux cotisations sociales et aux contrôles sanitaires. Ce phénomène, documenté par les syndicats de la profession comme le SNAT (Syndicat national des artistes tatoueurs), contribue à une saturation du marché et une baisse généralisée des prix, au détriment de la qualité et de la sécurité des pratiques. Il nuit également à la compétitivité des studios de tatouage déclarés, qui respectent les normes en vigueur. Loin d'un simple enjeu de régulation économique, cette situation soulève également des questions de santé publique. L'absence de formation, de suivi médical ou de respect des protocoles de stérilisation expose les clients à des risques infectieux graves (hépatite B, VIH, infections bactériennes), que la réglementation sanitaire (articles R. 1311-1 et suivants du code de la santé publique) vise précisément à prévenir. En conséquence, il lui demande si elle envisage de réformer le cadre juridique applicable à cette profession en engageant, d'une part, une réflexion sur l'élargissement du régime des artistes-auteurs aux tatoueurs et, d'autre part, une politique de contrôle visant à encadrer la concurrence dans le secteur du tatouage.
Auteur : M. Alexandre Dufosset
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire
Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire
Date :
Question publiée le 22 juillet 2025