Précarité de la jeunesse
Question de :
M. Boris Tavernier
Rhône (2e circonscription) - Écologiste et Social
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2024
PRÉCARITÉ DE LA JEUNESSE
Mme la présidente . La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier . Monsieur le Premier ministre, avez-vous déjà sauté un repas faute d’argent ?
M. Pierre Cordier . Parce que vous l'avez fait, vous, peut-être ?
M. Boris Tavernier . Un tiers des étudiants doit s’y résoudre. Avez-vous déjà fait la queue à une distribution alimentaire ? Un étudiant sur cinq y a déjà eu recours. Avez-vous déjà dû mentir pour louer un appartement ? Avez-vous déjà commencé le mois avec 50 euros en banque ? Avez-vous déjà renoncé à chauffer votre logement ? Près d’un étudiant sur quatre y est contraint : c’est le chauffage ou le porte-monnaie. Ici, nulle sobriété heureuse, nulle conviction écologique. On parle d’avoir froid en hiver. On parle crûment de pauvreté.
Savez-vous ce que signifie la privation, qu'elle soit matérielle, culturelle ou sociale ? C’est se priver de recevoir des amis à dîner ou de se rendre à un anniversaire par crainte de ne pas pouvoir l’assumer financièrement.
Car oui, ce qu’on appelle pudiquement précarité étudiante, c’est de la pauvreté. Or la pauvreté, c’est de la violence – sur les corps, sur les esprits, sur la vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Vous me répondrez certainement : « Crous à 1 euro » ou « logements étudiants ». Très bien mais alors allez-y franco ! Étendez l'accès aux repas à 1 euro. Faites en sorte que ce soit bon. Construisez massivement des logements étudiants, salubres et accessibles. (Mêmes mouvements.)
Une fois qu'on a dit cela, quid des autres jeunesses : ouvrière, employée, privée d’emploi, rurale, autant de populations qui ne fréquentent pas les Crous ? (Mêmes mouvements.) Les jeunesses sont différentes mais ont un point commun : la précarité, aussi bien en matière d’emploi que d'accès au logement de finances.
Au fond, que vous ayez vécu ou non ces précarités n'est pas la question. Ces violences sont le quotidien de millions de jeunes en France. Dès lors, il nous faut une véritable politique universelle à destination des jeunes ; oui, une politique qui ne fasse pas d'eux la variable d’ajustement de la société.
Alors je vous le demande : que proposez-vous à la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes . Votre question mériterait une réponse de bien plus de deux minutes – vous me l'accorderez. La lutte contre la pauvreté est primordiale pour mon ministère et je n'entends pas me dérober en la matière. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a parlé de fraternité,…
M. Louis Boyard. Mais il n'a pas parlé de la jeunesse !
M. Paul Christophe, ministre . …un mot qui s'applique tout particulièrement à ce sujet.
Je m'engage tout d'abord à appliquer le pacte des solidarités dont je rappellerai deux des axes les plus importants.
Le premier est l'accès aux justes droits. Tel est le sens de la déclaration préremplie, expérimentée dans cinq départements ces derniers mois et qui sera généralisée à l'horizon 2025.
L'autre axe est la sortie de la pauvreté par l'emploi. La loi pour le plein emploi, présentée il y a un an, prévoit ainsi un meilleur accompagnement pour que chacun se tourne vers l'emploi. Cela passe notamment par l'écoute, un mot que j'emploie souvent car, vous le savez, les allocataires du RSA, en particulier, veulent être écoutés. Il faut aussi prendre en considération l'ensemble des freins périphériques à l'emploi – je pense au logement ou à la garde d'enfants, un sujet que j'ai abordé hier ici même en évoquant la réforme du complément de libre choix du mode de garde – et toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les allocataires.
Vous avez raison, il faut aussi adresser des messages à la jeunesse. Puisqu'il a été question du budget, je vous invite à être attentif à nos débats lorsque nous aborderons les dépenses prévues par le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes consacré à la lutte contre la pauvreté – je vois que vous hochez la tête. Des augmentations de budget notables y figurent, par exemple des dispositions concernant la restauration avec le dispositif de cantine à 1 euro pour les plus fragiles ou encore le petit-déjeuner. Il faudra absolument soutenir de telles mesures budgétaires – je compte sur vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente . La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier . L'écoute ne sera pas suffisante. Nous attendons des actes. N'insultez pas l'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Auteur : M. Boris Tavernier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Jeunes
Ministère interrogé : Solidarités, autonomie et égalité entre femmes et hommes
Ministère répondant : Solidarités, autonomie et égalité entre femmes et hommes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2024