Fonds d'intervention régional
Question de :
M. Stéphane Viry
Vosges (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Stéphane Viry interroge Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur le Fonds d'intervention régional. L'accès à la santé est une priorité pour les Français. Pourtant, près d'un Français sur deux déclare avoir un accès compliqué, long ou partiel aux services de soins et près d'un sur dix n'y a tout simplement aucun accès. Ce constat est incompréhensible dans un pays comme la France. En juin 2023, le Gouvernement lançait un plan ambitieux, sur le papier : celui des 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles. Ce plan devait répondre à la désertification médicale. La promesse du Gouvernement allait dans le bon sens pour répondre aux aspirations des nouvelles générations de médecins, qui privilégient ces structures collaboratives pour s'installer. Mais, alors que l'ambition affichée semblait à la hauteur des enjeux, la réalité du financement laisse un goût amer et ne respecte pas ses promesses. Par exemple, le Fonds d'intervention régional est sous-employé et est trop complexe, freinant les innovations dans les territoires. Le modèle de financement n'a pas évolué et repose toujours sur des enveloppes déjà saturées, comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) gérée par les préfectures. Pire, cette politique nationale est, en réalité, largement financée par les collectivités locales (régions, départements, communes) qui se retrouvent à pallier les carences de l'État, une nouvelle fois. Les agences régionales de santé, pourtant dotées de moyens comme le Fonds d'intervention régional, semblent en être désormais dépourvues, comment expliquer cela ? Et surtout, pourquoi les acteurs de terrain se heurtent-ils à la rigidité administrative dans l'utilisation de fonds destinés à être souples et adaptés aux territoires ? Lorsque l'État veut agir, il sait simplifier les procédures pour porter des projets innovants. Pourquoi ce secteur, pourtant vital, reste-t-il enlisé dans des lourdeurs bureaucratiques ? Le temps de l'administration n'est pas celui des patients. Derrière les effets d'annonce, ce sont des Français qui attendent et des professionnels de santé qui désespèrent. Dans le département des Vosges, une trentaine de maisons de santé sont opérationnelles en 2024. Mais pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement, il en faudrait dix de plus. Or les collectivités, déjà noyées sous les contraintes budgétaires, n'ont tout simplement plus les moyens de suivre. À Châtel-sur-Moselle, Saint-Nabord, Plombières-les-Bains, Moyenmoutier, ce sont autant de projets de maisons de santé qui peinent à boucler leur financement. Alors il pose la question : la création de maisons de santé pluriprofessionnelles est-elle encore une véritable priorité pour le Gouvernement ? Ou bien l'État a-t-il décidé, sans le dire, de transférer cette responsabilité aux collectivités locales, qui n'en ont ni les moyens ni les ressources ? Si la priorité affichée est réelle, alors qu'attend l'État pour agir ? Qu'entendent faire les agences régionales de santé pour garantir que les objectifs fixés soient atteints et que l'accès aux soins devienne enfin une réalité pour tous les Français ? À force de discours pleins d'espoir qui ne dépassent jamais le stade des promesses, ce sont les Français qui perdent espoir, sombrent dans le désenchantement et voient leur confiance en la parole politique s'effriter, nourrissant ainsi une défiance grandissante envers l'État. Il souhaite connaître sa position sur ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 22 janvier 2025
MAISONS DE SANTÉ PLURIDISCIPLINAIRES
M. le président . La parole est à M. Stéphane Viry, pour exposer sa question, no 87, relative aux maisons de santé pluridisciplinaires.
M. Stéphane Viry . Les gouvernements successifs, depuis plusieurs années, ont déclaré faire de l’accès aux soins une priorité des politiques publiques. En 2023, le gouvernement avait notamment lancé le plan d’action « 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles ». C’était un plan utile pour lutter contre les déserts médicaux, pour favoriser l’installation de nouveaux médecins et pour permettre l’intervention de nouveaux praticiens, de manière groupée : chacun sait bien désormais qu’il est nécessaire que les médecins exercent collectivement, tant pour la qualité de leur pratique professionnelle que pour l’efficience de leurs actes.
Ce plan reposait, entre autres, sur un volet immobilier tendant à la construction des équipements et des structures nécessaires, au moyen notamment de la création du fonds d’intervention régional.
Si ce plan était à la hauteur des enjeux, la réalité des financements laisse aujourd’hui un goût amer. Les promesses ne sont pas tenues. Le fonds d’intervention régional (FIR), en particulier, sous-employé et trop complexe, freine les innovations dans les territoires. Le modèle de financement n’a pas évolué à ce jour et repose sur des enveloppes déjà épuisées, à l’image de la DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux – gérée par les préfectures. Pire, cette politique nationale est financièrement compensée par les collectivités territoriales – région, département, commune – qui se retrouvent, encore une fois, à devoir combler les carences de l’État.
Les agences régionales de santé (ARS), qui sont dotées de ce fonds d’intervention régional, semblent cependant en peine de le mobiliser. Pourquoi les acteurs se heurtent-ils à ces rigidités, alors que ces fonds sont censés être souples, à la main des territoires, afin de leur permettre de répondre aux besoins exprimés ici et là par celles et ceux qui veulent s’installer ? Pourquoi de telles lourdeurs bureaucratiques subsistent-elles dans un secteur vital ?
En voici un exemple : sur les trente maisons de santé pluridisciplinaires installées depuis quelques années dans mon département, dix sont en souffrance, noyées sous les contraintes budgétaires, en attente d’une intervention de l’ARS. On a le sentiment d’un défaut de lisibilité et d’agilité dans l’utilisation du fonds.
Ma question est simple : la création de maisons de santé pluriprofessionnelles est-elle encore une priorité de votre gouvernement, ou bien l’État a-t-il, sans le dire, décidé de transférer cette responsabilité aux collectivités locales qui n’en ont – est-il nécessaire de le rappeler ? – ni les moyens, ni les ressources, ni la compétence directe ? Si c’est encore une priorité, qu’attendent les ARS pour mobiliser les fonds qui sont à leur main et permettre ainsi aux territoires d’agir sur le volet immobilier et d’accueillir de nouveaux médecins ?
En Île-de-France, l’ARS a conclu il y a quelques années un protocole d’accord avec l’URPS (union régionale des professionnels de santé), à hauteur de 55 millions d’euros, afin de disposer de cette capacité à innover et à doter le territoire des maisons de santé. Y aurait-il, en France, une disparité territoriale ? Ce fonds d’intervention régional ne devrait-il pas être remobilisé par votre ministère ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Vous savez que l’accès aux soins est une de nos priorités, et qu’elle était une des miennes lorsque je siégeais, comme député, à la commission des affaires sociales. Je vous confirme que nous avons bien la volonté de poursuivre l’installation des maisons de santé pluriprofessionnelles. Il faut prendre en compte le souhait des professionnels de santé de pouvoir exercer de manière coordonnée entre praticiens médicaux et paramédicaux – j’y suis particulièrement attaché.
Sur les 4 000 projets d’installation d'une maison de santé pluriprofessionnelle initiés en juin 2023, 2 641 étaient concrétisés au 30 juin 2024 : c’est un chiffre significatif, et ces installations vont se poursuivre. Le gouvernement a donc bien la volonté de voir s’installer ces maisons qui correspondent aux conditions d’exercice souhaitées par les professionnels de santé.
Je crois personnellement, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la passation de pouvoirs au ministère de la santé, qu’il faut que nous nous appuyions sur les élus locaux et les collectivités locales. La santé ressort du régalien, mais les territoires peuvent utilement y participer, comme j’y veillais dans ma région, en contribuant au financement de ces maisons. À l’État, le régalien, aux collectivités, l’aménagement du territoire.
Je vous rejoins sur la nécessité de la simplification : il faut sans cesse se poser les bonnes questions à ce sujet. Il y aura, d’ici l’été, une loi de simplification globale. Que les experts du domaine de la santé, comme ceux que j’ai devant moi ce matin, n’hésitent pas à porter à ma connaissance tous ces irritants du quotidien, afin que nous puissions simplifier les processus permettant aux ARS de répondre au mieux aux besoins des professionnels de santé.
Quelques données chiffrées : en 2024, 27 millions ont été accordés au titre du FIR pour le financement de ces maisons de santé, et nous disposons encore de 45 millions au titre du fonds pour la modernisation et l'investissement en santé pour la période 2024-2026.
Je souhaite aussi vous indiquer, et c’est tout le sens de certaines discussions que nous avons eues lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), que nous souhaitons sanctuariser ces financements d'investissements régionaux pour permettre le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles.
Auteur : M. Stéphane Viry
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 janvier 2025