Question écrite n° 8844 :
Accessibilité dans les politiques de la ville et des transports

17e Législature

Question de : M. Sylvain Carrière
Hérault (8e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Sylvain Carrière interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'accessibilité de la ville et des transports en commun aux personnes en situation de handicap. La France compte en 2025 14,5 millions de personnes en situation de handicap, selon un rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et des millions d'autres qui éprouvent des difficultés d'accessibilité. C'est le cas des personnes âgées, des femmes enceintes, des familles avec poussettes ou encore des personnes en surpoids. Ces personnes plaident pour une meilleure accessibilité au sein de la ville mais aussi dans tous les espaces et services publics. Ainsi, dans une enquête réalisée par l'Association des paralysés de France (APF-France Handicap), 9 personnes sur 10 éprouvent des difficultés d'accessibilité lors de leurs déplacements. Dans la ville cela se traduit par des trottoirs trop hauts, encombrés ou étroits mais aussi par l'absence de bancs publics, des portes trop lourdes dans les établissements recevant du public (ERP). La conséquence est terrible tant elle entrave les déplacements du quotidien et donc la liberté de se déplacer dans l'espace public. Dans les lieux de santé comme les cabinets médicaux ou paramédicaux, 66 % % des Français en situation de handicap sont insatisfaits de l'accessibilité , ce qui tend à les décourager à bénéficier de soins. Il est urgent de lancer un chantier prioritaire sur la mise en accessibilité universelle des lieux de soins ! Concernant les transports, les avancées de l'État en la matière sont insuffisantes. Parmi les 3 000 gares SNCF seulement 482 sont accessibles aux personnes à mobilité réduite en France et seulement 736 du réseau SNCF sont inscrites au programme d'accessibilité. Dès avril 2014 et la publication du rapport « Campion » du Sénat sur l'accessibilité, était pointée du doigt l'impossibilité pour les ERP de se conformer à l'accessibilité dans les délais de 10 ans prévus par la loi du 11 février 2005. Cependant, depuis cette date et le franchissement du délai de 10 ans, aucune avancée notable n'a été faite. L'ordonnance en date du 26 septembre 2014 a permis la mise en place d'agendas d'accessibilité programmés (Ad'AP) afin de permettre aux ERP de planifier leur mise en accessibilité. Pourtant, à ce jour et alors que le dispositif d'agendas d'accessibilité programmé est clôturé, 55 % des personnes en situation de handicap éprouvent encore des difficultés à accéder aux bars et restaurants ; des chiffres qui alertent sur la non-effectivité du dispositif. Suite à des interpellations par de nombreuses associations, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a dénoncé publiquement le retard de la France. Dans son enquête, le comité a auditionné la défenseure des droits, Mme Claire Hédon, qui a ciblé l'absence de recensement pour les ERP de cinquième catégorie (soit 80 % de l'ensemble des ERP) et ce alors même que c'est obligatoire et pénalement répréhensible. Le 10 février 2025, la défenseure des droits publiait un dossier thématique révélant les échecs de de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances. Alors qu'en 2015, l'obligation d'accessibilité des infrastructures de transport n'incombait plus qu'aux points d'arrêts considérés comme prioritaire, révélateur d'une marche en arrière importante par rapport aux objectifs de 2005, en novembre 2018 la loi portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique (ELAN) réduisait à seulement 20 %, face à 100 % auparavant, le quota de logements accessibles dès la conception. Enfin, à l'ère du tout digital, l'accessibilité numérique demeure faible (seuls 5 % des sites internet sont aujourd'hui aux normes selon l'ARCOM) et de nombreuses démarches administratives indispensables (déclaration d'impôts, demande de bourses étudiantes, etc.) ne sont pas pleinement accessibles, contribuant inéluctablement à une exclusion certaine. En conséquence, les discriminations s'accentuent et dressent encore de nombreux obstacles à l'inclusion des personnes en situation de handicap. Dans une enquête menée par l'APF France Handicap en Pays de la Loire, sur les plus de 400 ERP ayant déclaré sur l'honneur être accessible, 86 % ne le sont pas effectivement. À l'échelle nationale, seulement 900 000 ERP entreprennent une démarche vers l'accessibilité sur près de 2 millions. L'absence de contrôle et de suivi entretiennent la fraude. Malgré la mise en place du plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (PAVE) rendu obligatoire pour toutes les communes de plus de 1 000 habitants avec la loi du 11 février 2005, il demeure difficile, voire impossible de tirer des conclusions quant aux politiques menées : aucune donnée nationale sur la bonne réalisation des PAVE par les collectivités, des ERP qui fraudent dans leur déclaration sur l'honneur et ce sans poursuite, pas de sanctions administratives prononcées par l'État. Dans son enquête de 2020, l'APF France Handicap signalait que parmi les grandes villes françaises, Grenoble était celle qui récoltait le plus d'avis de satisfaction à hauteur de 30 % des répondants, devant plusieurs grandes villes dont Montpellier, qui satisfait 19 % des sondés ou encore la métropole du Grand Paris et ses 9 % de satisfaction (dont seulement 3 % des stations de métro sont accessibles. Ainsi, l'accessibilité reste en France la dernière roue du carrosse, un sujet abordé en campagne électorale mais trop peu pris en compte dans les chantiers réalisés, dans l'action publique et dans les contrôles. C'est pourquoi il lui demande si la « stratégie de contrôle » des collectivités et des ERP ne respectant pas la loi comme énoncée par M. le Premier ministre lors du Comité interministériel du handicap (CIH), prévue pour l'été 2025, sera honorée et si un renforcement national cohérent de moyens humains et financiers sera déployé. Il lui demande également ce qu'elle compte mettre en place afin de suivre l'avancée de la mise en accessibilité des voiries et des infrastructures de transports et si sera programmé dans la loi la mise en accessibilité de l'ensemble des points d'arrêts du réseau de transport.

Réponse publiée le 4 novembre 2025

L'accessibilité est prise en compte dans nombre de politiques publiques. Ainsi, dans les transports, les obligations d'accessibilité sont fixées par la loi d'orientation de 2005 et les schémas directeurs permettant de prioriser les travaux et les investissements découlant de l'ordonnance de septembre 2014. Ces obligations sont mises en œuvre, certes parfois avec retard mais les avancées sont notables comme le prouvent l'enquête annuelle conduite auprès des Autorités organisatrice des transports. De plus, depuis la Loi d'Orientation des mobilités du 24 décembre 2019, il y a plusieurs obligations visant à faciliter l'usage qui peuvent être classées en deux paquets : celles sur les facilités « physiques » : tarif préférentiel pour les accompagnateurs de titulaires de cartes mobilités inclusion, suppression d'obligation de résidence et de dossier pour utiliser les TPMR pour les titulaires d'une CMI inclusion… et celles autour de l'information voyageurs : obligations de collecte de données normalisées décrivant l'accessibilité des transports et de la voirie. L'enquête annuelle montre également que cette politique se met en place, principalement dans les transports avec quelques pionniers qui testent les modalités en voirie. Les premiers jeux de données sont disponibles sur le site du point d'accès national « Transport.data.gouv.fr ». L'organe de contrôle des obligations du secteur des transports (l'ART) veille à ce que cette politique soit mise en œuvre, avec déjà des courriers auprès des principaux acteurs qui auraient pris du retard.  Le suivi de la politique d'accessibilité dans les transports est assuré d'une part, par une enquête annuelle co pilotée par la délégation ministérielle à l'accessibilité et le Cerema auprès des Autorités organisatrices des mobilités régionales et locales et d'autre part, part le nombre de jeux de données disponibles sur le PAN. Les résultats de l'enquête sont disponibles sur la page « Accessibilité des transports individuels et collectifs » et sont présentés sous forme de webinaires à l'occasion de leur publication. Ils donnent lieu à des groupes de travail en fonction des besoins. Le dispositif évolue également en fonction des retours. Ainsi, l'enquête 2026 devrait être plus précise sur le type de réseaux pour mieux distinguer les réseaux urbains des réseaux interurbains. Il n'est pas envisageable de viser à une mise en accessibilité de l'ensemble des points d'arrêts du réseau ferroviaire, pour une question de coût au regard de la fréquentation de nombre de haltes et de gares. L'État et les Régions sont en passe de boucler la mise en œuvre de la programmation de mise en accessibilité des gares prioritaires pour 2030. L'État a mobilisé les moyens financiers nécessaires pour aller jusqu'au bout de l'exercice. Une réflexion est en cours pour potentiellement actualiser la mesure de la fréquentation, à ce jour fixée à 2012. Cela permettrait notamment de prendre en compte des évolutions ayant eu cours depuis et ajouterait une cinquantaine de gares à mettre en accessibilité. En revanche, les budgets nécessaires ne sont pas encore sécurisés. De plus, le déploiement des SERM, ces réseaux express autour des métropoles va augmenter la fréquentation dans d'autres gares. Du côté du cadre bâti, les agendas d'accessibilité programmée instaurés par l'ordonnance de septembre 2014 ont eu un effet boost et ont permis d'accélérer la mise en accessibilité de l'ensemble du patrimoine bâti national, public comme privé. Aujourd'hui, on estime à 1 million le nombre d'ERP entrés dans la démarche. Il est effectivement maintenant temps de passer de l'incitation à la sanction si nécessaire. Depuis juin dernier, les préfets ont reçu une circulaire interministérielle les invitant à définir une stratégie de contrôle annualisée dans leurs départements et, si ce n'était pas déjà le cas, à mettre en œuvre les contrôles administratifs prévus aux articles R165-18 à R165-21 du Code de la construction et de l'habitation. Ainsi, des contrôles seront mis en place sur l'ensemble du territoire avant la fin de l'année et pérennisés les années suivantes.

Données clés

Auteur : M. Sylvain Carrière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transports

Dates :
Question publiée le 22 juillet 2025
Réponse publiée le 4 novembre 2025

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