Dégradation de l'inclusion scolaire des enfants en situation de handicap
Question de :
Mme Élise Leboucher
Sarthe (4e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Élise Leboucher souhaite interroger Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les orientations politiques de son ministère en matière d'inclusion et d'accompagnement des élèves en situation de handicap (ESH) au sein des établissements scolaires. En l'état actuel de la législation, l'organisation de l'inclusion scolaire des ESH s'organise au sein d'un double degré de compétences. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) disposent du pouvoir d'attribution du droit à une aide humaine et les services de l'éducation nationale doivent mettre à disposition une accompagnante d'élève en situation de handicap (AESH), financée pour partie par le ministère et pour le reste par les collectivités locales. Toutefois, le statut des AESH est très précaire. Dans l'écrasante majorité des cas, ce sont des contractuelles de l'éducation nationale, soumises à des temps partiels contraints, rémunérée en moyenne de 800 à 1000 euros net et suivant plusieurs enfants aux besoins différents et parfois répartis sur plusieurs établissements scolaires. Ce statut précaire et la dégradation continue des conditions de travail, entraîne une forte difficulté de recrutement dans la profession, laissant de nombreuses familles démunies avec des enfants qui pourraient être scolarisés mais qui se retrouvent sans solution d'accompagnement. En 2019, dans l'objectif de renforcer l'efficacité de l'inclusion scolaire, le Gouvernement a mis en place les pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) réorganisant l'organisation du travail et la mutualisation des AESH au sein d'un secteur géographique scolaire donné. Dans les faits, avec l'insuffisance des moyens et la pénurie de professionnels, ce dispositif n'a pas permis d'améliorer la situation mais a, au contraire conduit à une dégradation de l'inclusion scolaire et des conditions de travail des AESH et du personnel scolaire dans son ensemble. Ce constat est partagé par l'ensemble des acteurs du secteur : tant par les syndicats d'AESH et d'enseignants, par les professionnels du médico-social, par les représentants des familles et que par les acteurs du handicap. Pour endiguer cette régression et enclencher une véritable dynamique d'amélioration de l'inclusion scolaire, les mesures qui seraient nécessaires sont connues et partagées par tous. Elles se résument en deux points : des moyens supplémentaires qui soient véritablement à la hauteur des besoins et la création d'un véritable statut protecteur pour les AESH, reconnaissant le caractère essentiel de leur profession d'intérêt général. C'est le sens de la proposition de loi (PPL) qu'avait portée Mme la députée avec son groupe parlementaire et sa collègue Mme Muriel Lepvraud en 2022 et qui visait à créer pour les AESH, un statut de fonctionnaire de catégorie B avec une formation renforcée, une rémunération digne et une possibilité d'évolution de carrière. En septembre 2024, l'ancienne ministre de l'éducation nationale, Mme Nicole Belloubet, avait lancé une expérimentation dans quatre départements : l'Aisne, les Côtes-d'Armor l'Eure-et-Loir et le Var, avec la mise en place d'un nouveau dispositif, les « Pôles d'appui à la scolarité » (PAS). Ces PAS visent à terme à remplacer les PIAL avec l'objectif annoncé de renforcer l'implication du secteur médico-social dans l'inclusion des ESH, en créant un binôme composé d'un coordinateur de pôle rattaché à votre ministère et d'un professionnel médico-social mis à disposition par les ARS. Ce dispositif doit permettre, sur demande des familles ou des personnels éducatifs, d'identifier et de proposer des mesures d'aménagement pour les élèves concernés, en s'appuyant sur les ressources existantes (AESH, enseignants spécialisés, RASED). Cette expérimentation s'est cependant faite à moyens constants et force est de constater, qu'au regard des remontées de terrain faites par les professionnels et les familles, cela n'a pas permis ni d'endiguer la pénurie d'AESH, ni de limiter le recul de l'inclusion handicap en milieu scolaire. Or dans le cadre l'examen de la PPL portée par Mme la députée Julie Delpech, « visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins particuliers », Mme la ministre de l'éducation nationale a déposé un amendement visant à généraliser ce dispositif sur l'ensemble du territoire. Le texte amendé de cette PPL venait aussi restructurer l'organisation globale de l'inclusion scolaire en dessaisissant les MDPH de leur compétence d'attribution des droits à une AESH, en rattachant cette attribution aux services du ministère. Le texte amendé portait aussi une autre perspective inquiétante : la fusion des missions d'AESH et d'AED (assistants d'éducation), ce qui aurait pour effet de précariser encore davantage la possibilité pour les AESH d'accompagner les enfants suivis dans de bonnes conditions. En commission mixte paritaire (CMP), après des débats parlementaires qui ont permis de mettre en avant le risque d'un tel changement global d'organisation sans une réelle étude d'impact, l'article visant à généraliser les PAS a été rejeté et compte tenu de l'absence de consensus, le texte reviendra à l'Assemblée nationale pour une seconde lecture. Sans attendre ce nouvel examen, les services du ministère ont pourtant annoncé élargir l'expérimentation en créant dès la prochaine rentrée scolaire, 500 dispositifs PAS dans d'autres départements. Comme nombre de professionnels scolaires et médico-sociaux et nombre de familles, Mme la députée doute fortement de l'efficacité de ce dispositif. Sans un octroi notable de moyens financiers supplémentaires et sans création d'un réel statut sécurisant de l'AESH en capacité de susciter des vocations et de favoriser les recrutements, la réalité quotidienne de l'inclusion scolaire restera des plus précaire. Les AESH continueront d'avoir un nombre trop important d'enfants à suivre, au détriment de la qualité de l'accompagnement. Tandis qu'un nombre croissant d'enfants continueront de se retrouver sans solutions ou seront privées d'une partie de leurs temps de scolarisation à cause de l'impossibilité que toutes les heures d'accompagnement nécessaires leur ayant été notifiées, ne puissent être assurées en totalité par leur AESH. Mme la députée doit enfin faire part à Mme la ministre de sa grande crainte sur l'éventualité de voir les MDPH dessaisies de leur pouvoir d'attribution du droit d'accompagnement par un AESH et du transfert de cette compétence aux services de l'éducation nationale. Le financement des AESH reposant pour large partie sur le ministère, il est légitime de redouter que dans la tendance politique générale qui vise à réaliser des économies budgétaires, cela puisse conduire à une politique plus restrictive en matière d'attribution d'accompagnement par une AESH et que cela vienne une fois de plus, contribuer au recul de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Elle lui demande donc ce qu'elle compte mettre en œuvre pour garantir la progression de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap et connaître les moyens financiers supplémentaires qu'elle prévoie d'y consacrer pour ce faire.
Auteur : Mme Élise Leboucher
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Date :
Question publiée le 22 juillet 2025