Exploitants agricoles : obstacles inacceptables lors du départ en retraite
Publication de la réponse au Journal Officiel du 2 décembre 2025, page 9803
Question de :
M. Julien Guibert
Nièvre (2e circonscription) - Rassemblement National
M. Julien Guibert appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur les obstacles inacceptables rencontrés par les exploitants agricoles au moment de leur départ à la retraite, en particulier lorsqu'ils ne parviennent pas à transmettre leur exploitation. Dans la Nièvre, un couple d'éleveurs bovins ayant exercé leur métier avec dévouement depuis 1987 se trouve aujourd'hui confronté à une impasse dramatique. Après des décennies de travail acharné et passionné - sans vacances ni week-end, avec un engagement total au service de la terre et de leurs bêtes - ils se retrouvent empêchés de liquider leurs droits à la retraite au motif qu'aucun repreneur ne s'est encore manifesté. Leur exploitation, pourtant inscrite au répertoire départ installation (RDI), demeure sans successeur, comme une dizaine d'autres dans le département. La situation n'est pas exceptionnelle : elle est le reflet d'un malaise profond du monde agricole, marqué par une baisse constante du nombre d'exploitants et une raréfaction alarmante des installations. Or les règles imposées par la mutualité sociale agricole (MSA) conditionnent le droit à la retraite à la transmission intégrale de l'exploitation au moment du départ, sous peine de suspension ou de réduction du montant versé, voire de maintien de cotisations post-activité. Une telle rigidité administrative s'apparente à une double peine pour ceux qui ont travaillé toute leur vie et cotisé loyalement et qui se voient refuser, à l'heure du repos bien mérité, la juste reconnaissance de la Nation. Il est d'autant plus inacceptable que le montant des pensions agricoles demeure très largement en deçà de ce qui permet une retraite digne, souvent limité à un peu plus de 1 000 euros, complémentaire incluse. Cette précarité organisée, combinée au désintérêt croissant des pouvoirs publics pour la question du renouvellement des générations, alimente un sentiment d'abandon, voire de colère, chez les agriculteurs, dont certains sombrent dans la détresse psychologique. Il lui demande donc si elle entend revoir sans délai les critères encadrant l'accès à la retraite pour les agriculteurs n'ayant pas trouvé de repreneur, alléger les obligations liées à la transmission d'exploitation, revaloriser les pensions au niveau du SMIC net et enfin créer un mécanisme de sécurisation spécifique permettant à ces agriculteurs de partir à la retraite sans être pénalisés par l'absence de successeur.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
Le Gouvernement est très sensible à la nécessité de favoriser la libération des terres agricoles. Fort de ce constat, faciliter la transmission des terres agricoles au profit des nouvelles générations est un des axes clés de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. En effet, l'article 24 de la loi précitée prévoit la création du réseau France services agriculture constitué de points d'accueils départementaux unique, rattachés aux chambres d'agriculture, qui centralisent l'information et l'accompagnement des citoyens pour réaliser diverses formalités administratives et plus spécifiquement pour le secteur agricole. Le réseau France agriculture propose un service d'accueil, d'orientation, de conseil et d'accompagnement à toute personne souhaitant s'engager dans une activité agricole ou envisageant de transmettre son exploitation agricole. Ce service offre des conseils personnalisés, aide à l'élaboration de dossiers de financement, et réalise des diagnostics détaillés des exploitations à vendre, afin de mettre en lumière les opportunités d'installation. L'accompagnement personnalisé que propose ce nouveau dispositif peut être une véritable aide à la transmission et à l'installation. En outre, afin de faciliter le départ à la retraite, le point d'accueil départemental unique informe, cinq ans avant qu'un exploitant agricole du département atteigne l'âge légal de départ à la retraite, de la possibilité de transmettre les caractéristiques de son exploitation et son éventuel projet de cession et de lui indiquer s'il a identifié un repreneur potentiel. Le point d'accueil renouvelle chaque année sa proposition à l'exploitant agricole qui n'a pas déjà transmis les informations concernant sa situation. Par ailleurs, à l'instar de tous les autres régimes d'assurance vieillesse de base, l'article L. 732- 39 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) prévoit que le service d'une pension de retraite non-salariée agricole liquidée par le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles est subordonné à une obligation de cessation définitive d'activité. Néanmoins, si la réglementation impose la cessation définitive de l'activité non salariée agricole, elle ne prévoit pas l'obligation de transmission intégrale de l'exploitation agricole, puisque les retraités non-salariés agricoles sont admis à poursuivre la mise en valeur d'une parcelle réduite de terres, dite superficie autorisée, dans la limite maximale des 2/5ème de la surface minimale d'assujettissement (cf. V de l'article L. 732.39 du CRPM), sans que cela fasse obstacle au service de leur pension de vieillesse de non-salarié agricole. Par ailleurs, afin de prendre en compte les situations des non-salariés agricoles se trouvant dans l'impossibilité de céder leur exploitation, l'article L.732-40 du CRPM prévoit la possibilité pour un exploitant agricole qui ne peut céder, notamment dans les conditions normales du marché, son exploitation en pleine propriété ou en location, de demander une autorisation préfectorale de poursuivre la mise en valeur de son exploitation tout en percevant sa pension de retraite. Les articles D.732-54 et D.732-55 du CRPM précisent que l'autorisation de poursuivre la mise en valeur de l'exploitation peut être accordée à l'assuré, pour une durée ne pouvant excéder deux ans et éventuellement renouvelable, lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité de céder ses terres soit pour une raison indépendante de sa volonté soit lorsque l'offre d'achat ou le prix du fermage qui lui est proposé ne répond pas aux conditions normales du marché dans le département considéré. Dans le cas où la cession de l'exploitation n'a pas été possible, faute de candidat à la reprise, l'assuré doit justifier que l'offre de cession de ses terres a fait l'objet d'une information écrite adressée depuis au moins un mois à la chambre départementale d'agriculture concernant notamment les caractéristiques de l'exploitation ainsi que son prix de location ou de vente. Enfin, une réforme visant à faire converger le mode de calcul des pensions de base des non-salariés agricoles sur celui des régimes alignés (régime général, régime des salariés agricoles et régime des travailleurs indépendants) est prévue par l'article 87 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025. Cette réforme consiste à calculer à terme la pension de base sur les vingt-cinq meilleures années de revenus, en prenant en compte l'ensemble des régimes d'affiliation. Dès le 1er janvier 2026, la mesure prévoit une amélioration concrète des pensions des non-salariés agricoles grâce à la prise en compte des meilleures années de points de retraite proportionnelle pour la partie de carrière antérieure à 2016, la mutualité sociale agricole (MSA) ne disposant de l'historique des revenus que depuis 2016. En outre, la réforme prévoit de relever le plafond d'écrêtement tous régimes de la pension majorée de référence (PMR) au niveau de celui du minimum contributif pour les pensions prenant effet à partir du 1er janvier 2026. Les mesures de revalorisation relatives à la PMR et au complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire seront également étendues aux non-salariés agricoles exerçant cette activité à titre secondaire pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026 et pour les périodes secondaires postérieures à cette date. Cette réforme s'appliquera aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026, mais sera pleinement opérationnelle en 2028, à la suite de travaux d'adaptation du système informatique de la MSA.
Auteur : M. Julien Guibert
Type de question : Question écrite
Rubrique : Retraites : régime agricole
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire
Renouvellement : Question renouvelée le 25 novembre 2025
Dates :
Question publiée le 22 juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025