Impact des pesticides génétiques sur les pollinisateurs
Question de :
M. Sylvain Carrière
Hérault (8e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Sylvain Carrière attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les nouveaux pesticides émergents. L'ONG Pollinis a publié le 20 juin 2023 un nouveau rapport à l'encontre des nouveaux pesticides génériques émergents. En effet, suite au nouveau règlement sur l'usage durable des pesticides présenté en juin 2022 par la Commission européenne, les pesticides chimiques que l'on connaissait depuis les années 1970, sont voués à voir leur usage réduit à hauteur de 50 % d'ici 2030. Cependant, les géants de l'industrie des produits pesticides ne comptent pas perdre un marché aussi juteux et s'adaptent à la réglementation, proscrivant uniquement les pesticides chimiques, en développant de nouveaux produits dits à ARN interférents (ARNi). Ces derniers ont pour vocation de détruire peu à peu l'organisme des insectes ciblés en s'attaquant à l'expression génétique des fonctions vitales de certains insectes catégorisés comme « ravageurs ». Trois méthodes d'application sont ainsi utilisées : la diffusion par pulvérisation, son injection directement dans la sève des cultures ciblées par l'intermédiaire des plantes génétiquement modifiées (OGM) et sa transmission par des micro-organismes au contact de la plante ou des insectes ciblés. Un ciblage des insectes à tuer afin de continuer le business as usual de l'agriculture intensive nécessaire à l'agro-industrie donc. Mais cette méthode, au-delà de perpétuer une vision anthropocentrée de la biodiversité, avec une sélection des insectes bons et de ceux ravageurs, est en réalité trompeuse. En effet, selon le rapport de l'ONG Pollinis, « ces nouveaux pesticides génétiques pourraient éliminer indistinctement de nombreux insectes pollinisateurs et précipiter leur déclin tout aussi efficacement que les pesticides chimiques qu'ils sont censés remplacer ». Un consortium d'experts de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) alerte également sur les risques d'effets hors-cible et de modification des intéractions avec les pollinisateurs que représentent ces nouvelles techniques génomiques (NTG). Suite à une analyse bioinformatique réalisée par l'ONG Pollinis sur les 26 produits pesticides à ARNi et sur 2 500 espèces de pollinisateurs, le bilan est alarmant. 136 espèces de pollinisateurs pourraient être victimes d'effets hors cible en raison d'une similarité génétique supérieure à 80 % avec les insectes ciblés. Parmi elles 65 espèces de papillons, 33 espèces d'abeilles solitaires, 18 espèces de diptères et 10 espèces de bourdons dont certaines menacées d'extinction, ainsi que 5 espèces d'abeilles mellifères. Alors que 70 à 90 % des plantes à fleur et 75 % des cultures alimentaires mondiale dépendent de la pollinisation animale et alors que sont quantifiées par des études depuis de nombreuses années la corrélation entre déclin des populations de pollinisateurs et perte de rendement agricole, la mise sur le marché de nouveaux pesticides s'attaquant à ces espèces est une aberration. En ce sens, début 2025, quatorze organisations environnementales ont coécrit une lettre ouverte au Premier ministre pour l'alerter sur les risques liés à la déréglementation des nouveaux OGM et lui demander de rejeter la proposition de la Commission européenne. Pire, dans la nouvelle typologie des pesticides, ceux-ci pourraient être qualifiés de produits de « biocontrôle » à « faible risque », alors même que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) n'a pu étudier la dangerosité potentielle. On ouvre donc la porte à des réactions en chaîne dont la dangerosité n'est pas correctement évaluée, dans une opacité permanente et continue sur les compositions des produits pesticides. Alors que les votes en faveur d'une dérégulation des nouveaux OGM et d'un assouplissement des règles au sujet des NTG se succèdent au sein de l'Union européenne, il lui demande si elle compte suivre les recommandations de l'ANSES et ainsi faire valoir le principe de précaution des Nations Unies afin que de réelles évaluations des risques, strictes et rigoureuses, soient réalisées. Il lui demande également d'engager une suspension immédiate de tous les essais en plein champ tant que les processus d'évaluation des risques ne seront pas effectifs.
Auteur : M. Sylvain Carrière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Biodiversité
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Date :
Question publiée le 29 juillet 2025