Question écrite n° 9070 :
Protection des créanciers de bonne foi face à la fraude en procédure collective

17e Législature

Question de : M. Jean Moulliere
Nord (6e circonscription) - Horizons & Indépendants

M. Jean Moulliere attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de l'inopposabilité des créanciers à la procédure collective lorsque le débiteur ne fait pas preuve de bonne foi. Un citoyen retraité de la 6e circonscription du Nord, après avoir prêté 113 000 euros à une amie via une reconnaissance de dette notariée, s'est retrouvé dans l'impossibilité de recouvrer sa créance en raison de l'ouverture, peu après, d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la débitrice, dont il n'a pas été informé. N'ayant pas été inscrit sur la liste des créanciers et ignorant la publication au BODACC, il n'a pu déclarer sa créance dans le délai légal de deux mois prévu à l'article L. 622 24 du code de commerce, ni obtenir de relevé de forclusion tel que prévu à l'article L. 622 26, faute d'avoir été mis en mesure de prouver que cette omission ne lui était pas imputable. Dans ce contexte, il lui demande dans quelle mesure les créanciers de bonne foi, titulaires d'un titre authentique, peuvent être mieux protégés contre les effets rigides des délais de déclaration de créance en procédure collective. Il lui demande s'il est envisageable de réformer les conditions de relevé de forclusion, notamment lorsque le créancier a été volontairement dissimulé par le débiteur, et de mettre en place des mécanismes juridiques renforcés pour sanctionner les débiteurs malhonnêtes ou protéger les victimes de fraudes.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

Afin de rendre opposable leurs créances à la procédure collective, et sauf exceptions, il appartient aux créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, d'adresser la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), délai pouvant être augmenté de deux mois supplémentaires au regard de la domiciliation du créancier hors de la France métropolitaine (articles L. 622-24 et R. 622-24 du code de commerce). À défaut de déclaration dans les délais prévus, les créanciers sont considérés comme forclos, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes, à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. L'action en relevé de forclusion doit alors être exercée dans un délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance (article L. 622-26 du même code). Concernant le motif lié au retard non imputable au créancier, les juges du fond apprécient souverainement les éléments apportés par ce dernier justifiant le relevé de forclusion, pouvant notamment tenir compte du fait que le créancier est un simple particulier n'ayant pas une lecture quotidienne du BODACC et que le débiteur avait omis de lui signaler qu'il n'était plus in bonis (Cour d'appel d'Orléans, 4 février 1999, 97/01704). Toutefois, le seul fait que la créance résulte d'un titre authentique ne suffit pas à établir un relevé de forclusion fondé sur ce motif (Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 octobre 1996, 93-20.537). S'agissant du motif tenant à l'omission de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6, les créanciers n'ont plus à démontrer le caractère volontaire de l'omission par le débiteur depuis le 1er juillet 2014 (ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, article 29). Par ailleurs, la jurisprudence a précisé que le créancier qui sollicite un relevé de forclusion n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre son omission de la liste et la tardiveté de sa déclaration de créance (Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 janvier 2012, 10-28.501). Enfin, le défaut de déclaration ou de demande de relevé de forclusion n'empêche pas le créancier d'être indemnisé du préjudice lié à l'extinction de sa créance au titre de l'action en responsabilité de droit commun (Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 octobre 2008, 07-16.983). De même, un créancier forclos, victime de la fraude du débiteur, peut également reprendre les poursuites individuelles à son encontre après le jugement de clôture pour insuffisance d'actif, sans avoir à démontrer l'intention de nuire de celui-ci (Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2019, 17-31.236). Le groupe de travail sur la simplification du droit des entreprises en difficulté, installé depuis le 27 mai 2025 par le ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et la ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Economie sociale et solidaire, a notamment pour mission de simplifier le régime de certaines procédures, en particulier les règles sur la déclaration et la vérification des créances. Ses conclusions, attendues pour la fin de l'année 2026, serviront à bâtir un droit des entreprises en difficulté plus accessible et efficace pour l'ensemble des parties.

Données clés

Auteur : M. Jean Moulliere

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 29 juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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