Question écrite n° 9071 :
Homicides entre codétenus et saisine de l'inspection générale de la justice

17e Législature

Question de : Mme Andrée Taurinya
Loire (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Andrée Taurinya alerte M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la succession ininterrompue d'homicides violents entre codétenus dans les prisons françaises faisant l'objet d'enquêtes administratives opaques – si ce n'est inexistantes – laissant ainsi les familles endeuillées dans l'incompréhension la plus totale. Parmi les dizaines d'homicides violents en cause chaque année dans les établissements pénitentiaires, Mme la députée attire en particulier son attention sur la situation du jeune Robin Cotta, 22 ans, assassiné brutalement au sein du quartier arrivant de la maison d'arrêt des Baumettes. Le 9 octobre 2024, le jeune homme a été placé en détention provisoire. Il a par la suite été assommé par son codétenu puis égorgé avec des morceaux d'un récipient en porcelaine, malgré ses multiples alertes ignorées par l'administration pénitentiaire en amont de son agression. Ce cas tragique est loin d'être isolé. Il s'inscrit dans la série noire des morts violentes intervenant annuellement en prison qui s'ajoutent aux passages à l'acte suicidaire et autres morts suspectes. Les mois de mai et juin 2025 ont été particulièrement marqués par ces meurtres compte tenu de l'augmentation de la tension en prison liée notamment à l'accroissement de la densité carcérale. Ainsi, le mardi 6 mai 2025, un jeune homme de 21 ans a été poignardé par son codétenu à la prison de Bois-d'Arcy. La victime s'était inquiétée auprès d'autres prisonniers de l'attitude étrange de son codétenu arrivé le matin même dans la cellule. La densité carcérale de cet établissement était alors de 206 % au 1er du mois. Le samedi 14 juin 2025, un détenu de 25 ans a été tué dans sa cellule à la prison de Rennes-Vezin par son codétenu. Il avait demandé à changer de cellule, terriblement gêné par les problèmes d'incontinence de ce dernier. Enfin, le 19 juin 2025, un homme manifestement atteint d'un trouble psychologique grave a égorgé son codétenu à la maison d'arrêt de Vivonne avec un morceau de verre dans une cellule occupée par trois personnes. La CGT pénitentiaire s'est fait l'écho du traumatisme généré au sein de la population pénale comme du personnel pénitentiaire en regrettant les alertes « restées sans réponse » : « sans limite quant au nombre, on nous impose d'entasser des gens les uns sur les autres, ce qui devait inévitablement déboucher un jour sur une situation [de ce] genre ». Ces tragédies font écho au sort du jeune Mehdi Berroukeche, 25 ans, tué le 29 décembre 2022 par son codétenu au centre pénitentiaire de Saint-Étienne dans le quartier semi-liberté (QSL). La procédure pénale est toujours en cours pour analyser le discernement de son meurtrier au moment des faits, mais divers témoignages affirment que cet acte est intervenu dans une bouffée délirante. Il « entendait des voix, cela faisait des mois qu'il appelait au secours. Il prenait de l'alcool, des médicaments, pour calmer les voix. Il ne se rappelle pas des faits, mais personne ne le croit », rapporte ainsi un article de C. Becker dans le n° 112 de la revue Dedans Dehors (avril 2023). Comme dans de nombreux cas similaires, des alertes avaient été émises par des détenus comme par les surveillants sur l'état de dangerosité de cette personne. Mme la députée rappelle à M. le garde des Sceaux qu'il n'a toujours pas répondu à sa question écrite n° 2767 en date du 10 décembre 2024 demandant l'ouverture d'une enquête administrative menée par l'IGJ sur les circonstances ayant entraînée la mort du jeune Mehdi Berroukeche au sein du quartier semi-liberté du centre pénitentiaire de la Talaudière. Le ministère a été relancé à deux reprises et n'a pas jugé nécessaire de la tenir informée de l'ouverture d'une telle enquête. Depuis de trop longues années, l'administration pénitentiaire éponge malgré elle les conséquences des renoncements relatifs au traitement de la santé mentale en France. La prise en charge des personnes souffrantes de troubles psychiques – qui n'ont rien à faire en prison – y est catastrophique. La prison ne saurait être considérée comme un hôpital psychiatrique de substitution. Aujourd'hui, elle est pourtant conçue comme telle. L'affectation des détenus dans des cellules collectives est un exercice périlleux pour l'administration qui doit essayer de composer entre différents critères pour prévenir l'émergence de tension. La surpopulation carcérale endémique rend cette mission d'autant plus complexe dans les établissements pénitentiaires placés sous la responsabilité du ministère de la Justice. Le personnel en sous-effectif, épuisé, peu formé, en perte de sens, n'est plus en état de prévenir ces drames lorsqu'ils surviennent, un manque de vigilance des agents pouvant devenir fatal. À défaut de mettre en œuvre des politiques de déflation carcérale et compte tenu de l'augmentation des tensions au sein des établissements pénitentiaires, produits d'une politique pénale que le ministère de la justice assume, elle lui demande donc, en vertu du principe d'indépendances des procédures et indépendamment de l'ouverture d'une enquête pénale, de bien vouloir saisir automatiquement l'IGJ pour chaque situation où un meurtre entre codétenu a lieu, afin de mesurer si une faute de service a été commise dans l'affectation des codétenus et si les nombreuses alertes bien souvent énoncées par la personne détenue victime ont été prises en compte par l'administration pénitentiaire. Elle lui demande également, le cas échéant, de prendre attache avec les familles des personnes détenues décédées afin de les tenir informées de l'avancement des inspections après saisine de l'IGJ, le manque d'information disponible empêchant les proches de la victime de faire leur deuil.

Données clés

Auteur : Mme Andrée Taurinya

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date :
Question publiée le 29 juillet 2025

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