Absence de conditions de paiement claires pour les interprètes judiciaires
Question de :
M. Philippe Bolo
Maine-et-Loire (7e circonscription) - Les Démocrates
M. Philippe Bolo alerte M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation préoccupante des traducteurs et interprètes judiciaires, collaborateurs essentiels du service public, qui continuent de travailler sans cadre légal clair en matière de rémunération. Ces professionnels interviennent quotidiennement auprès des tribunaux et des forces de l'ordre, mais sont soumis à un système de rémunération reposant sur le dépôt d'un « mémoire de frais » qui, contrairement à une facture émise dans le cadre d'une relation contractuelle classique, n'a pas de valeur juridique contraignante. En effet, un mémoire de frais n'établit pas de créance exigible, ne permet pas de bénéficier des garanties du droit commercial (comme les pénalités de retard ou le recouvrement par voie judiciaire rapide) et ne constitue pas une preuve opposable de l'exécution d'un service dans les mêmes conditions qu'un contrat de droit privé. Cette absence de reconnaissance légale place les traducteurs et interprètes judiciaires dans une zone grise juridique, où leur travail, pourtant accompli à la demande et pour le compte de l'État, ne donne lieu à aucune obligation ferme de paiement dans des délais raisonnables. Cette situation les expose à une précarité économique persistante. À cela s'ajoute un paradoxe juridique : bien que la directive européenne 2011/7/UE impose aux États membres de garantir des conditions de paiement claires, équitables et proportionnées, la France, en les transposant de manière restrictive, a exclu ces collaborateurs occasionnels du service public (COSP) du champ d'application des dispositions protectrices. Par ailleurs, l'introduction en 2021 d'un délai de forclusion d'un an pour déposer les mémoires de frais a aggravé leur précarité : passé ce délai, les professionnels perdent tout simplement leur droit à rémunération, alors que l'État peut, de son côté, effectuer les paiements bien au-delà de N+1, sans encourir de sanction. Cette problématique, ancienne et largement documentée, a déjà fait l'objet de nombreuses questions écrites, restées sans réponse satisfaisante. Les rares éléments apportés se limitent le plus souvent à des considérations techniques, comme l'utilisation de la plateforme Chorus Pro, sans jamais traiter le fond du problème : l'absence d'un cadre juridique clair et d'une véritable reconnaissance contractuelle de ces professionnels. Les difficultés perdurent, comme en témoignent les alertes régulières adressées aux élus par des traducteurs et interprètes judiciaires, concernés dans toutes les régions de France. Face à cette impasse juridique et humaine, il lui demande quelles mesures concrètes il entend prendre pour garantir aux traducteurs et interprètes judiciaires des conditions de paiement claires, équitables et protectrices, conformément au droit européen et dans le respect du principe d'égalité devant les charges publiques.
Auteur : M. Philippe Bolo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date :
Question publiée le 29 juillet 2025