Question écrite n° 9207 :
Application de la réglementation européenne relative au TPO

17e Législature

Question de : M. Didier Lemaire
Haut-Rhin (3e circonscription) - Horizons & Indépendants

M. Didier Lemaire alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les conséquences économiques engendrées par l'application au 1er septembre 2025 du règlement européen 2025/877, interdisant l'usage du trimethylbenzoyl diphenylphosphine oxide (TPO) dans les produits cosmétiques. Aucun délai d'écoulement des stocks de produits présents sur le marché, quel que soit leur stade de détention (fabricants, grossistes, détaillants et utilisateurs professionnels) n'est prévu. De nombreux professionnels du secteur de l'esthétique et de l'onglerie qui sont souvent des artisans ou des petites entreprises sont très inquiets face à la soudaineté de cette décision et à l'échéance à très court terme du retrait des produits contenant du TPO. En effet, le texte prévoit un retrait du marché au 1er septembre 2025 de l'ensemble des produits cosmétiques contenant du TPO, alors même qu'ils ont été achetés en toute légalité et peuvent encore l'être jusqu'au 31 août 2025. Cette situation est aberrante, car des produits achetés légalement jusqu'au 31 août devront être détruits ou retirés de la vente dès le lendemain, sans possibilité de les utiliser dans un délai raisonnable. Une perte financière conséquente est imposée aux professionnels du secteur de l'esthétique et de l'onglerie, alors même que dans la prothésie ongulaire, des microgrammes seulement de TPO sont utilisés, et le produit ne reste actif que quelques secondes, puisqu'à partir du moment où la polymérisation démarre, le produit est consommé : il s'agit d'un photo-initiateur qui disparaît puisqu'il est utilisé pour la polymérisation. De plus, les canaux qui existent entre les différentes cellules des ongles sont extrêmement sélectifs donc aucun produit ne passe au travers pour joindre le système sanguin général. L'urgence sanitaire n'est ainsi pas clairement identifiée. Il souhaite savoir si une intervention auprès des instances européennes est envisagée, afin qu'un délai d'écoulement des stocks puisse être mis en place. Il souhaite également interroger le Gouvernement sur la possibilité d'instaurer des mesures d'accompagnement ou de clémence administrative pour prévenir les sanctions à l'encontre des professionnels concernés lors des contrôles, surtout s'ils ont agi de bonne foi dans un cadre réglementaire incertain et soudainement modifié.

Réponse publiée le 9 décembre 2025

L'interdiction prochaine de l'oxyde de diphényl triméthylbenzoyl phosphine (TPO) dans les produits cosmétique résulte de la publication, le 12 mai 2025, du règlement européen (UE) 2025/877 qui interdit l'usage du TPO dans tous les produits cosmétiques depuis le 1er septembre 2025 (mise sur le marché et mise à disposition sur le marché), en raison de sa classification comme toxique pour la reproduction. Cette interdiction résulte d'un processus engagé en 2020, à l'initiative de l'Agence des produits chimiques suédoise, proposant le reclassement du TPO de reprotoxique de catégorie 2 (suspecté) à reprotoxique de catégorie 1B (présumé). En 2021, le Comité d'Evaluation des risques de l'ECHA (Agence européenne des produits chimiques) s'est prononcé en faveur de cette classification. La 21ème ATP (Adaptation aux progrès technique) du règlement CLP (Classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges), confirmant cette nouvelle classification, a ensuite été publiée en 2024 (règlement (UE) n° 2024/197 du 19 octobre 2023 publié le 5 janvier 2024). Cette substance n'ayant pas fait l'objet d'une demande de dérogation par l'industrie, elle a été interdite dans tous les produits cosmétiques (inscription en annexe II du règlement (CE) n° 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques par le règlement (UE) n° 2025/877 adopté en mai 2025) depuis le 1er septembre 2025. Ce délai de transition long entre la classification CMR (cancérigène, mutagène, reprotoxique) d'une substance et son interdiction effective dans les produits cosmétiques permet aux industriels et aux opérateurs dans toute la chaine de commercialisation d'anticiper ces évolutions réglementaires afin de reformuler leurs produits, adapter les chaines d'approvisionnement et gérer les stocks existants. La DGCCRF accompagne les opérateurs afin de leur permettre d'anticiper cette échéance et a engagé des actions de communication auprès des professionnels concernés ainsi que sur son site internet (https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/actualites/produits-cosmetiques-compter-du-1er-septembre-2025-loxyde-de-diphenyl). Elle continuera à le faire dans les mois à venir ; néanmoins, le cadre réglementaire étant européen et directement applicable, une dérogation nationale ou un délai d'écoulement ne peut être envisagé en droit, même à titre exceptionnel. Les professionnels doivent rester vigilants quant aux évolutions réglementation applicables à leur secteur et à ce titre, ils doivent assurer une veille par l'intermédiaire des sites de veille réglementaire spécialisés ou des fédérations et organisations professionnelles lorsqu'ils y sont affiliés. Si les professionnels utilisant ces produits estiment que la vente de ces vernis a été réalisée dans un délai trop court par leur fournisseur avant l'entrée en vigueur de l'interdiction du TPO, ils sont en droit de saisir les juridictions compétentes afin de solliciter réparation du préjudice subi. Le Gouvernement demeure néanmoins attentif aux conséquences économiques de ces évolutions, et reste mobilisé pour faire remonter, à l'échelle européenne, les difficultés rencontrées par les petites entreprises afin que la concertation et l'anticipation soient renforcées à l'avenir. Il est important de souligner que l'objectif du règlement cosmétique, en établissant un principe d'interdiction des substances CMR sauf si une demande de dérogation déposée par l'industrie permet de conclure à l'utilisation sans risque d'une substance au regard de critères réglementaires, est de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine. Cette interdiction permet non seulement de protéger les consommateurs mais également de limiter l'exposition des professionnels aux substances CMR. Comme mentionné précédemment, cette substance n'a pas fait l'objet d'une demande de dérogation par l'industrie. En conséquence, aucune évaluation de cette substance classée comme reprotoxique 1B n'a été réalisée par Comité Scientifique européen pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC). La dernière évaluation du CSSC, qui concernait alors le classement de la substance en tant que CMR2, avait toutefois mis en évidence un risque prévisible d'absorption cutanée, au niveau des cuticules et du pourtour de l'ongle, au moment de l'application du produit. S'agissant de l'absorption à travers la plaque cutanée, cet avis précise qu'il n'existe aucun test normalisé ou validé pour étudier la pénétration à travers la plaque de l'ongle.

Données clés

Auteur : M. Didier Lemaire

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : PME, commerce, artisanat, tourisme et pouvoir d’achat

Dates :
Question publiée le 5 août 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025

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