Question écrite n° 926 :
Responsabilités pénales s'agissant des victimes de l'amiante

17e Législature

Question de : M. Aurélien Le Coq
Nord (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Aurélien Le Coq interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les responsabilités pénales s'agissant des victimes de l'amiante. L'exposition à l'amiante, matériau naturel fibreux utilisé dans le secteur du bâtiment et l'industrie jusqu'en 1997, peut entraîner des maladies pulmonaires chroniques et causer plusieurs types de cancer. En 2007, soit 10 ans après son interdiction, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) estimait à 2 millions le nombre de travailleurs potentiellement exposés, lors d'activités d'entretien ou de maintenance notamment. Ses effets nocifs étaient déjà documentés depuis plusieurs années. On estime que l'exposition à l'amiante aura à terme causé de 120 000 à 180 000 décès de travailleurs. Pourtant, selon le ministère du travail lui-même, les budgets alloués aux campagnes de sensibilisation et d'information sur les dangers de l'amiante ont diminué de 30 % entre 2017 et 2020. Il se joint à l'Association régionale de défense des victimes de l'amiante du Nord - Pas-de-Calais (ARDEVA) pour demander quelles instructions il a données ou compte donner aux parquets afin d'établir les responsabilités pénales.

Réponse publiée le 8 avril 2025

Prenant toute la mesure des souffrances des victimes de l'exposition à l'amiante, le ministre de la justice, garde des sceaux, partage la légitime préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées en ce domaine traitées avec toute l'attention et l'efficacité requises. D'importants moyens ont été mis en œuvre, dans un souci de bonne administration de la justice, pour aboutir au traitement des plaintes déposées par les victimes de l'amiante et ce depuis 1996. Les dossiers relatifs à l'amiante sont en effet devenus l'une des priorités des pôles de santé publique et de l'environnement de Paris et Marseille, tant du côté du siège que du parquet. Les pôles de santé publique et de l'environnement ont vu depuis leur installation au 1er septembre 2003 augmenter leurs moyens de manière constante. Au sein du pôle de Paris, un inspecteur du travail avait notamment été recruté, en septembre 2012, spécifiquement aux fins d'améliorer le traitement des dossiers relatifs à l'exposition à l'amiante. A la fin septembre 2024, les pôles de santé publique et de l'environnement de Paris et Marseille ont eu à connaître de 76 procédures relatives à l'exposition à l'amiante depuis leur création, dont 33 sont toujours en cours. Parallèlement, les moyens d'enquête ont été durablement renforcés. L'Office central de lutte contre les atteintes environnementales et la santé publique (OCLAESP), principal service d'enquête saisi sur ce contentieux, dispose désormais de dix détachements sur l'ensemble du territoire, qui sont tous en mesure de traiter des procédures relatives à l'exposition à l'amiante. En complément, la gendarmerie nationale a spécialement formé de multiples enquêteurs à ce type d'infractions, qui sont titulaires de qualifications spécifiques en la matière : au sein de l'OCLAESP, mais également au sein d'autres unités ou services, lesquels peuvent être saisis par les magistrats afin d'apporter leur expertise aux enquêtes pénales. Enfin, depuis 2022, l'OCLAESP a développé une capacité d'engagement sur le terrain capable de mener des investigations et constatations en milieu dégradé en liens très étroits avec la Force nationale nucléaire radiologique biologique chimique (F2NRBC) et l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Le garde des sceaux est parfaitement conscient de l'émoi suscité par le traitement judiciaire et administratif de ces dossiers, notamment récemment, à l'occasion des décisions de non-admission rendues par la Cour de cassation à la suite de pourvois formés par les parties civiles à l'encontre d'arrêts de confirmation d'ordonnances de non-lieu dans les dossiers dits « NORMED » et « ETERNIT ». Cependant, il doit être rappelé qu'en application des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire, il n'appartient pas au garde des sceaux de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre d'affaires individuelles, ni d'interférer dans les procédures judiciaires, à quelque stade que ce soit, ni même de les commenter. Monsieur le député doit être convaincu que la mobilisation de l'autorité judiciaire sur ce sujet reste entière et qu'elle n'a d'autre motivation que d'aboutir à des solutions humainement acceptables et incontestables juridiquement. A toutes fins utiles, il est rappelé que les victimes des conséquences d'une exposition à l'amiante, qu'elle soit professionnelle ou environnementale, ainsi que leurs ayant droits en cas de décès, ont la faculté de saisir le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation de leurs préjudices.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Le Coq

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025

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