Question écrite n° 9292 :
Soutien français à la justice transitionnelle en Syrie

17e Législature

Question de : M. Jean-Louis Roumégas
Hérault (1re circonscription) - Écologiste et Social

M. Jean-Louis Roumégas interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le soutien que la France entend apporter à la Syrie pour mettre en œuvre un processus de justice transitionnelle. La chute du régime de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024, a laissé un pays meurtri et divisé par la guerre. En 2025, des heurts et violences ont éclaté dans une logique de vengeance et de règlements de compte entre communautés confessionnelles. Près de 1 500 Alaouites ont été tués en mars 2025 sur le littoral syrien. Plus récemment, en juillet 2025, la région de Soueida a été le théâtre d'une flambée de violence : des affrontements opposant Druzes et Bédouins sunnites ont dégénéré en une escalade militaire impliquant les forces gouvernementales et marquée par des bombardements israéliens, avec un bilan de plus de 1 100 morts. Les nouvelles autorités syriennes ont la tâche ardue de répondre aux demandes de sécurité des populations, d'unifier le pays, de réconcilier les différentes communautés et de panser les plaies du passé. Cela ne peut se faire sans la mise en œuvre d'un processus judiciaire ambitieux. Dans cette perspective, le président par intérim Al-Charaa s'est engagé à poursuivre les auteurs des violences interconfessionnelles survenues au cours de l'année. Dans un souci de transparence, il a notamment nommé une commission indépendante chargée d'enquêter sur les violences commises contre les Alaouites, initiative saluée par les ONG syriennes et internationales. Néanmoins, après la publication du rapport d'enquête le 22 juillet 2025, ces dernières ont déploré qu'aucun grief n'ait été retenu contre les chefs militaires. Le 17 mai 2025, la présidence syrienne par intérim a également annoncé la création d'une commission nationale chargée de rechercher les disparus. En effet, on estime qu'entre 2011 et 2024, 130 000 personnes ont disparu. Toutefois, disposant de peu de ressources, les autorités syriennes ne peuvent déployer les moyens nécessaires pour développer des dispositifs de recherche efficaces ni pour protéger les sites où ont été commis les crimes les plus graves, risquant ainsi de perdre irrémédiablement des preuves. Enfin, une commission nationale pour la justice transitionnelle a été mise en place afin de faire la lumière sur les crimes commis par l'ancien régime. Toutefois, cette commission cible exclusivement les exactions de l'ancien régime, en passant sous silence les violations perpétrées par certains groupes d'opposition. Ces différentes initiatives traduisent la bonne volonté des nouvelles autorités syriennes à rendre justice dans une perspective de réconciliation et d'unité nationale, mais elles restent pour l'heure insuffisantes. Cela s'explique aisément par les multiples défis rencontrés et la faible marge de manœuvre dont dispose le gouvernement syrien : l'économie est exsangue et les effectifs des forces gouvernementales très limités (moins de 30 000 hommes). Au-delà de ces difficultés internes, la Syrie subit des attaques régulières de son voisin israélien, qui grignote une partie de son territoire et n'hésite pas à frapper par des bombardements le cœur de son appareil d'État ainsi que ses infrastructures stratégiques, pourtant constitutives d'un État souverain. Ces agressions externes aggravent la situation d'un pays déjà ravagé par la guerre et qui peine à réconcilier les communautés qui le composent. Au vu de ce contexte, il souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour appuyer le processus de justice transitionnelle, indispensable à la reconstruction de l'État syrien et à la mise en place d'une démocratie pérenne, capable de représenter et d'assurer la sécurité de l'ensemble des communautés syriennes. Il l'interroge également sur les mesures que la France envisage face à la politique d'agression israélienne, qui transgresse le droit international et compromet les efforts de stabilisation et de relèvement de l'État syrien.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

Comme elle s'y est engagée lors de la Conférence internationale de Paris pour la Syrie du 13 février dernier, la France apporte son plein appui à la transition politique en cours en Syrie, afin que ce processus puisse répondre aux aspirations du peuple syrien à la liberté et à la dignité, après la chute du régime dictatorial de Bachar al-Assad. La lutte contre l'impunité, pilier de notre politique étrangère vis-à-vis de la Syrie depuis plus d'une décennie, demeure une priorité. La France appelle à la mise en place d'une justice transitionnelle, qui doit permettre de traduire en justice les responsables des crimes commis sous le régime d'Assad, mais aussi après sa chute, notamment les auteurs des exactions commises sur la côte syrienne en mars dernier et dans la province de Souweïda en juillet. C'est un élément essentiel pour la réconciliation des Syriens, le rétablissement de la cohésion sociale et le relèvement du pays. Il ne peut y avoir de paix sans justice. La France salue les engagements pris par les autorités syriennes de transition en ce sens, notamment la mise en place de commissions nationales pour la justice transitionnelle et pour les personnes disparues. La France a également salué la publication le 11 août du rapport de la Commission d'enquête internationale et indépendante sur la République arabe syrienne sur les violations contre les civils sur la côte et dans le centre-ouest de la Syrie entre janvier et mars 2025. Les recommandations du rapport doivent être mises en œuvre, comme s'y sont engagées les autorités syriennes, pour consolider la paix civile, prévenir la répétition de tels actes et protéger la population syrienne. La France continue de se tenir aux côtés des Syriens dans le domaine de la lutte contre l'impunité de tous les crimes commis, et de soutenir le travail mené par les différents acteurs actifs dans ce domaine. Depuis 2011, la France a de manière constante soutenu la société civile syrienne en exil. Cet engagement se poursuit aujourd'hui à l'heure où de nombreux Syriens et Syriennes installés en Europe envisagent un retour dans leur pays d'origine. La France a également poursuivi son engagement sur la question spécifique des disparitions forcées en soutenant le premier Congrès international sur les disparitions forcées (janvier 2025). En coordination avec les autres bailleurs européens, organisations internationales (IIMP - Institution indépendante pour les personnes disparues en République arabe syrienne, M3I - Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie), institutions européennes et organisations de la société civile, la France poursuit aujourd'hui cet appui afin d'accompagner le renforcement de capacités des acteurs syriens en matière de justice transitionnelle. Cet appui se traduira dans un premier temps par la poursuite de notre soutien aux efforts conduits par les acteurs internationaux (dont organisations internationales précitées), le renforcement des capacités de la société civile à travers le financement de formations, avec une attention particulière au besoin de coordination à travers la tenue d'ateliers de dialogue. Ces axes sont fondamentaux dans la quête des Syriennes et Syriens d'un avenir fondé sur la dignité, l'État de droit et le respect des droits humains. La France est également disposée à participer au renforcement des capacités de la justice syrienne, si les autorités de transition en font la demande. S'agissant des actions israéliennes sur le territoire syrien, la France appelle Israël à mettre fin à ses activités militaires sur le territoire syrien et à se retirer de la zone de séparation établie par l'accord de désengagement de 1974. Sur la base de cet accord, la Syrie et Israël doivent identifier un arrangement qui tienne compte des préoccupations sécuritaires de chacun. Nous avons porté ces messages publiquement, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies, et auprès des autorités israéliennes. La France soutient le dialogue en cours entre responsables syriens et israéliens, qui se sont rencontrés à deux reprises à Paris sous médiation américaine.

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Roumégas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 5 août 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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