Arts de la rue en danger
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 novembre 2025, page 9152
Question de :
M. Hadrien Clouet
Haute-Garonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Hadrien Clouet attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la faiblesse des subventions accordées au secteur des arts de la rue. En effet, l'évaluation de la situation économique des arts de la rue s'avère assez douteuse, celle-ci étant fondée sur les recettes des billetteries. Or ce système n'est pas généralisé dans le secteur et paraît inadapté à l'évaluation des besoins réels de financements du secteur en chute libre. En témoigne la naissance avortée du CNAREP La Paperie à Laval, alors que le secteur des arts de la rue constitue un véritable levier des politiques culturelles, notamment dans une logique de rééquilibrage territorial. Par ailleurs, ce secteur connaît des coûts spécifiques, dont l'obligation de s'acquitter en partie ou en totalité des frais liés à la sécurité de certains évènements. Aux termes de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure, les organisateurs sont bien souvent dans l'obligation de recourir aux subventions pour payer le service d'ordre. Or ces spectacles sont généralement gratuits ou à prix modique et ne génèrent donc guère de revenu. Si la loi indique que cette facturation n'est applicable qu'aux manifestations à caractère lucratif, ce n'est plus le cas depuis l'instruction du 15 mai 2018 qui indique qu' « il est indifférent [...] que la manifestation ait ou non un but lucratif. Cette dernière caractéristique a, en revanche, des conséquences sur l'application d'un coefficient multiplicateur ». Cela constitue dès lors une contrainte budgétaire spécifique, alors que le secteur des arts de la rue joue un rôle essentiel de démocratisation culturelle, principalement en vertu de la gratuité les spectacles, véritables moments de partage et de citoyenneté, qui tranche avec d'autres secteurs culturels dont le public est sélectionné par ses capacités financières. Au vu des données lacunaires, de son intérêt en terme de culture populaire, de la nécessité d'un véritable maillage territorial des arts et de la demande populaire croissante, il lui demande donc comment elle entend rattraper ce définancement par voie de subventions et réviser les règles en vigueur sur la facturation des dispositifs de sécurité, largement injustifiée lorsque ces manifestations n'ont pas de but lucratif.
Réponse publiée le 11 novembre 2025
Le secteur des arts de la rue et de l'espace public bénéficie de soutiens financiers croisés de l'État et des collectivités territoriales, qui en sont le premier financeur. Ce soutien permet le déploiement d'une politique ambitieuse, au plus près des territoires, de ses publics et de ses habitants. L'attention du ministère de la culture à ce secteur se traduit par l'accompagnement financier des 13 centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public - CNAREP (5,4 millions d'euros en 2024) et des équipes artistiques (79 équipes aidées en 2024 par les directions régionales des affaires culturelles dans le cadre des aides déconcentrées au spectacle vivant, pour un montant global de 2,85 millions d'euros en 2024). Les festivals, dont les plus importants en termes de visibilité internationale comme Chalon dans la rue ou le Festival d'Aurillac, ont vu leur soutien renforcé par l'État depuis 2022, notamment par l'attribution de moyens spécifiquement destinés à leur sécurisation ; en 2024, 68 festivals ont été accompagnés pour un montant total de 1,16 millions d'euros. En 2024 et 2025, des moyens nouveaux ont été octroyés aux arts de la rue dans le cadre du Plan « Mieux produire, mieux diffuser ». « Lieux publics », CNAREP de Marseille, a été reconnu Pôle international de production et de diffusion (PIPD) et dispose à ce titre d'un soutien spécifique de l'État à hauteur de 80 000 euros. La mise en place de cette politique volontariste de l'État en faveur des arts de la rue et de l'espace public tient compte de ses spécificités, notamment du principe de gratuité des spectacles pour le public, ce qui limite fortement ses capacités à conforter ses budgets par des recettes propres, mais aussi du coût important que représente la sécurisation des sites et des personnes lors des manifestations en espace public. Outre les coûts de sécurisation directement pris en charge par les organisateurs, l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure dispose que : « Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'État les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt ». Le souci d'appliquer au mieux ces dispositions, qui s'imposent aux arts de la rue et plus largement à l'ensemble du secteur du spectacle vivant, ont conduit en 2022 à la révision de leur circulaire d'application, matérialisée par la circulaire dite « Darmanin », publiée le 13 avril 2022. Cette révision a permis le gel du tarif des prestations établi en 2014, ce qui représente un effort budgétaire notable de l'État en faveur du secteur et notamment de ses structures les plus faiblement dotées financièrement, telles que celles des arts de la rue. Il résulte de cette décision que les coûts sont contenus, y compris dans un contexte d'inflation. De plus, les services des préfectures ont été sensibilisés au travail à conduire en amont des événements avec les différentes parties prenantes, afin de « garantir le plus possible la prévisibilité de la facturation ». À cet effet, le rôle des directions régionales des affaires culturelles est renforcé : sur demande des organisateurs ou de l'administration centrale du ministère de l'intérieur, elles peuvent contribuer au dialogue en amont de l'événement avec les services préfectoraux en charge des services d'ordres. Elles veillent notamment, à cette occasion, à l'égalité de traitement des événements sur le territoire, et à faciliter la discussion sur d'éventuelles facilités de paiement, les modalités de paiement étant désormais définies lors des discussions préalables. Sur ce sujet de l'indemnisation, comme sur celui très actuel de la liberté de création, le dialogue entre le ministère de l'intérieur et celui de la culture est constant et se décline d'abord à l'échelon préfectoral.
Auteur : M. Hadrien Clouet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Arts et spectacles
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 20 octobre 2025
Dates :
Question publiée le 12 août 2025
Réponse publiée le 11 novembre 2025