Prise des décrets d'application portant sur les compétences des Ccapex
Question de :
Mme Eva Sas
Paris (8e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Eva Sas appelle l'attention de Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur l'application de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite et plus particulièrement sur ses dispositions visant à accroître et harmoniser les compétences des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex). Plus d'un an après l'adoption de cette loi, les décrets d'application de son deuxième et troisième volet, c'est-à-dire ses articles 9 à 13, n'ont pas été pris, les rendant inapplicables. Ces dispositions font partie des rares visant à accompagner les locataires en difficulté ; il est fondamental de les rendre effectifs pour donner à cette loi un semblant d'équilibre. Systématiser le signalement des impayés de loyers à la Ccapex dès le commandement de payer, étendre ses prérogatives, procéder à sa refonte et rendre obligatoire la réalisation du diagnostic social et financier (DSF) dès le commandement de payer sont un premier pas vers la prise en compte de la situation dans laquelle se trouvent les locataires en difficulté. L'agence national pour l'information sur le logement (ANIL) précise que 58 % des situations d'impayés locatifs qu'elle a été amenée à rencontrer découlent d'une diminution des ressources, elle-même liée à un évènement imprévu comme la perte d'un emploi, un problème de santé ou une séparation. Mener une réelle politique d'accompagnement de ces locataires permettrait d'éviter dans de nombreuses situations d'arriver au stade de l'expulsion. Par exemple, la Ccapex de Paris estime être saisie dans 70 % des cas au moment où le commissaire de justice sollicite l'octroi du concours de la force publique : son intervention est alors trop tardive. Cette situation est d'autant plus regrettable que 36 % des ménages expulsés ont une dette locative inférieure à dix mille euros, qui aurait donc pu potentiellement être résorbée si un accompagnement social avait été mis en place. Comme le pointait déjà le rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, paru le 15 mai 2024, Mme la députée souhaite savoir quand sera effectivement révisé le décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le décret n° 2016-748 du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement et le décret n° 2021-8 du 5 janvier 2021 relatif au contenu et aux modalités de réalisation du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d'une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail. Enfin, Mme la députée s'interroge sur la revalorisation des moyens alloués aux Ccapex, déjà fortement en difficulté : le ratio le plus élevé entre les situations étudiées et le nombre d'assignations en justice est en dessous de 20 % pour le département avec les meilleurs résultats et de 3,2 % pour le département avec les moins bons. Étendre les prérogatives de ces commissions doit s'accompagner de moyens financiers et humains suffisant, la clé de voûte de l'accompagnement social des locataires en difficulté et de la prévention des expulsions locatives ne peut être une coquille vide. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 18 février 2025
La prévention des impayés locatifs est un enjeu majeur du Logement d'abord décliné dans le cadre du plan d'actions interministériel de prévention des expulsions locatives que pilote mon ministère. La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite est venue renforcer la prévention des expulsions locatives à travers dix-huit évolutions législatives dont l'objectif est à la fois d'éviter la précarisation des locataires et de sécuriser les bailleurs en cas d'impayés de loyers. Ces nouvelles dispositions prévoient pour la majorité d'entre-elles un renforcement des prérogatives des commissions locales de coordination de prévention des expulsions (CCAPEX) en termes d'apurement des dettes locatives, de maintien de l'allocation logement en cas d'impayé de loyer et de coordination des acteurs locaux. Au regard des enjeux liés à la bonne mise en œuvre de cette réforme et de l'importance des CCAPEX pour l'efficacité du dispositif national de prévention des expulsions locatives, le décret d'application les concernant a été rédigé non seulement afin d'intégrer les nouvelles dispositions légales mais également de manière à améliorer structurellement l'organisation et le fonctionnement de ces instances après dix années de leur déploiement dans le cadre du précédent décret les régissant - décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015. L'objectif premier poursuivi dans le cadre de cette rédaction a été d'intégrer l'expertise ainsi que l'expérience d'usage accumulées par les préfectures et les collectivités territoriales qui en assurent localement la gestion depuis leur création et de tenir compte de l'existant sur les territoires. Ce faisant, il s'agissait d'éviter de mettre en place un modèle règlementaire conçu « en chambre » au niveau national par l'administration centrale qui eut été rapidement publié mais dont l'opérationnalité et la pertinence eut été grandement compromises au détriment de la politique publique de prévention des expulsions. A cette fin, la Délégation interministérielle à l'hébergement et l'accès au logement a réalisé de septembre 2023 à janvier 2024 une concertation avec les préfectures et les services déconcentrés en charge de la prévention des expulsions ainsi qu'un bilan de leur déploiement réalisé entre novembre 2023 et février 2024 auprès de l'ensemble des services de l'Etat en charge des CCAPEX. Ce bilan, auxquels 94 départements représentant 95 % de la population française ont participé, a par la suite été consolidé par des entretiens bilatéraux avec différents services déconcentrés. Les résultats obtenus dans le cadre de ces concertations ont par la suite fait l'objet d'un traitement par l'administration centrale durant le second trimestre 2024 et ont permis d'aboutir à la rédaction d'un projet de décret qui a été présentée à mon cabinet. Avant d'être publié, ce projet doit néanmoins recevoir la validation du Conseil d'Etat et faire l'objet de consultations obligatoires, notamment devant le Conseil national de l'évaluation des normes ou encore le Conseil National de l'Habitat. Les services du Ministère ont d'ores et déjà engagé les démarches nécessaires au recueil de ces avis et validations qui devraient permettre une publication du décret d'ici la fin du premier trimestre 2025. Faisant l'objet d'une réalisation complémentaire sur le fond et parallèle dans les formes comme dans le processus de validation à celui relatif aux CCAPEX, la révision du décret n° 2016-748 du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement en lien avec la CNAF et la CCMSA sera également effectif sous le même horizon temporel. Par ailleurs, si les services du Ministère ont bien procédé à la révision du décret n° 2021-8 du 5 janvier 2021 relatif au contenu et aux modalités de réalisation du diagnostic social et financier conformément aux nouvelles dispositions légales, sa publication a cependant été reportée pour faire droits aux recommandations du Haut Comité du Travail Social (HCTS) dont le contenu a été transmis à l'administration centrale le 30 octobre 2024. Un travail d'adaptation règlementaire ainsi que du contenu du formulaire Cerfa sera engagé sur cette base dans les prochaines semaines avec le HCTS afin de permettre la publication d'une version consolidée et opérationnelle du décret début 2025. Enfin, en ce qui concerne les moyens alloués aux CCAPEX pour mettre en œuvre leurs nouvelles missions, le Gouvernement a renforcé substantiellement ces moyens humains entre 2021 et 2022 pour un montant total de 6,6 millions d'euros afin de permettre aux services déconcentrés qui assurent la gestion des CCAPEX de faire face aux défis exceptionnels soulevés par l'état d'urgence sanitaire et la gestion de la sortie de crise. Au vu des nouvelles missions confiées aux CCAPEX par la loi en 2023, ces renforts initialement alloués à titre expérimental et pour une durée de temps limitée dans le cadre de la Stratégie pauvreté ont été pérennisés et augmentés l'année dernière par le Gouvernement pour un montant annuel de 3,7 millions d'euros permettant le financement de 73 ETP au niveau national. 3 millions d'euros supplémentaires ont par ailleurs été mis à disposition dans le cadre du Pacte des Solidarités afin de permettre le financement additionnel de nouveaux renforts d'effectifs à destination des CCAPEX suivant les besoins identifiés localement par les Conseils départementaux et les métropoles. Ces différents éléments témoignent de la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre l'objectif de la politique publique en matière de prévention des expulsions locatives : réduire de manière pérenne et significative le nombre d'expulsions d'impayés locatifs sur l'ensemble du territoire national.
Auteur : Mme Eva Sas
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement et rénovation urbaine
Ministère répondant : Logement
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 18 février 2025