Question écrite n° 93 :
Cadre légal des activités dans le prolongement de l'acte de production agricole

17e Législature
Question signalée le 9 décembre 2024

Question de : M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. Paul-André Colombani interroge Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, sur la cohérence du cadre légal en vigueur relatif aux activités dans le prolongement de l'acte de production agricole, à savoir les activités de transformation, de conditionnement et de commercialisation qui s'exercent sur des produits animaux ou végétaux de l'exploitation à l'exclusion de toute autre origine. En effet, depuis l'élargissement des règles de construction en discontinuité de l'existant apporté par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN », le règlement national d'urbanisme (RNU) distingue dans le cadre des autorisations en dehors des parties urbanisées de la commune (article L. 111-4 du code de l'urbanisme) les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production (alinéa 2 bis). Cette modification n'a pas été retranscrite dans les articles L. 122-11 et L. 121-10 du code de l'urbanisme portant respectivement sur l'aménagement et la protection de la montagne et du littoral et précisant les conditions de dérogation à la règle d'extension de l'urbanisation en continuité avec les formes existantes. Ainsi, ces deux articles ne visent que les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières, sans citer les activités qui en constituent le prolongement. Cette absence de retranscription s'avère problématique en Corse notamment, où de nombreuses communes sont soumises à la fois à la loi littoral et à la loi montagne ; cet état de fait conduit par exemple à permettre à un éleveur ovin installé dans une de ces communes de bénéficier d'une autorisation à réaliser des constructions et installations nécessaires à son exploitation agricole en dérogeant donc à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, alors même qu'il ne bénéficiera pas d'une dérogation lui permettant de réaliser des constructions et installations de transformation et de conditionnement de sa production agricole. Cela implique, au cas d'espèce, d'autoriser l'implantation d'un bâtiment abritant une salle de traite, car nécessaire à la production agricole, tout en refusant l'implantation d'une fromagerie, puisque qu'il s'agit d'une construction visant transformation de cette production, qui est pourtant constitutive de l'activité agricole pratiquée par l'éleveur. Dès lors, il lui demande si elle entend clarifier le cadre légal actuel relatif aux règles de constructibilité des installations nécessaires aux activités constituant le prolongement de l'acte de production agricole.

Réponse publiée le 11 février 2025

Pour répondre à la préoccupation de maintenir des activités agricoles en zone littorale, la loi Littoral a prévu une dérogation au principe de l'extension de l'urbanisation en continuité. Avant la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN », cette dérogation était soumise à une double contrainte : la construction ou l'installation devait être liée aux activités agricoles ou forestières et être incompatible avec le voisinage des zones habitées. Par ailleurs, les cultures marines n'entraient pas dans le champ d'application de cette dérogation, ce qui faisait obstacle au développement de cette activité. La loi ELAN a donc assoupli la loi Littoral à deux titres : d'une part, en supprimant la condition selon laquelle les constructions en cause doivent être incompatibles avec le voisinage des zones habitées ; et, d'autre part, en étendant le bénéfice de cette dérogation aux activités de culture marine, y compris dans les espaces proches du rivage. Il s'agit là d'assouplissements importants qui ont justifié, en contrepartie, que la loi ELAN circonscrive le bénéfice de cette dérogation aux constructions ou installations réellement nécessaires, et non à celles qui sont simplement liées aux activités agricoles ou forestières, ou aux cultures marines. Toute construction ou installation indispensable aux activités mentionnées à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime entre bien dans le champ d'application de la dérogation de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, et qu'un local destiné à la transformation en fromages est bien une construction considérée comme nécessaire à l'activité agricole. À titre d'illustration, la jurisprudence confirme cette interprétation en considérant, en tenant compte du cas d'espèce, que la construction d'une serre de stockage de matériel agricole, d'une serre à usage de chèvrerie et d'un laboratoire de chèvrerie sont indispensables à l'activité agricole de fabrication de fromage (Cour administrative d'appel de Marseille, 10 novembre 2011, n° 09MA02839). En revanche, il est important de rappeler que les locaux prévus pour la dégustation ou la valorisation de produits issus de l'activité de production ne bénéficient pas de la dérogation permise par l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme. Par exemple, un local de vente de miel n'est pas une « construction nécessaire à l'activité agricole » (Cour administrative d'appel de Marseille, 23 septembre 2004, n° 00MA00726). Cette jurisprudence établie au regard des dispositions du règlement national d'urbanisme peut être transposée dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme.

Données clés

Auteur : M. Paul-André Colombani

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 9 décembre 2024

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 11 février 2025

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