Question écrite n° 9428 :
Responsabilisation des plateformes sur le décès de Jean Pormanove

17e Législature

Question de : M. Julien Dive
Aisne (2e circonscription) - Droite Républicaine

M. Julien Dive alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur le drame ayant conduit au décès de Jean Pormanove, diffusé en direct sur la plateforme de streaming Kick. En effet, ce drame met en lumière plusieurs défaillances : la participation active de spectateurs ayant encouragé et financé ces violences, l'absence de régulation effective des plateformes de diffusion et la responsabilité d'auteurs déjà connus de la justice. Par conséquent, M. le député souhaite connaître les mesures qui seront prises pour sanctionner les auteurs de ces sévices, y compris ceux qui ont apporté un soutien financier en ligne. Ensuite, il demande à Mme la ministre comment le Gouvernement entend renforcer la régulation des plateformes de diffusion, en particulier celles qui monétisent des contenus violents ou dégradants. Enfin, il souhaite connaître les garanties qui peuvent être apportées pour que les dispositifs existants de lutte contre le cyberharcèlement et la haine en ligne soient appliqués plus efficacement, afin d'éviter la banalisation de telles violences et d'assurer la protection des citoyens vulnérables.

Réponse publiée le 9 décembre 2025

Les évènements tragiques survenus cet été sur la plateforme Kick ont suscité de profondes indignations ainsi que des questionnements légitimes sur la capacité des pouvoirs publics à prévenir et agir efficacement contre la prolifération de contenus violents dans l'espace numérique. Le Gouvernement est activement engagé dans la construction d'un espace numérique sûr, respectueux des lois de la République et protecteur de nos concitoyens. L'adoption du règlement européen sur les services numériques (DSA) en 2022 et de la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) en France en 2024 illustre cette priorité politique forte de l'action gouvernementale dans le domaine numérique. Ce nouveau cadre réglementaire introduit une responsabilisation accrue des plateformes numériques dans la lutte contre la diffusion de contenus illicites ou préjudiciables en ligne. Afin de mettre en pratique le principe selon lequel ce qui est illégal hors ligne est également illégal en ligne, les nouvelles règles font désormais peser sur ces acteurs des obligations précises en matière de traitement des signalements, de modération des contenus, d'atténuation des risques et de protection des utilisateurs. Elles confient également de nouveaux pouvoirs de surveillance, d'enquête et d'exécution à la Commission européenne et aux autorités nationales compétentes pour leur permettre de contrôler et faire respecter de manière adéquate le respect de ces nouvelles obligations. Lors des évènements survenus sur la plateforme Kick, ces différents moyens d'action ont été valablement mobilisés par les autorités concernées : signalement des faits par la plateforme PHAROS, démarches de l'ARCOM auprès de ses homologues européens afin d'identifier l'Etat d'établissement et le représentant légal de Kick dans l'Union européenne, intervention directe de l'ARCOM auprès de la plateforme Kick pour requérir les premiers éléments d'information en ce qui concerne sa conformité aux obligations prévues par le DSA. Sur le plan judiciaire, dès décembre 2024 et la publication de l'enquête de Mediapart sur les scènes de violences physiques et psychologiques diffusées en direct sur la plateforme, le parquet du tribunal judiciaire de Nice a ouvert une enquête préliminaire pour violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables (article 222-13 du code pénal) et diffusion d'images d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne (article 222-33-3 du code pénal). A la suite du décès de Raphaël Graven dans la nuit du 17 au 18 août 2025, une nouvelle enquête a été diligentée par le parquet de Nice sur les circonstances de ce décès. En concertation avec le parquet de Nice, le parquet de Paris a également ouvert, le 25 août, une enquête préliminaire pour fourniture en bande organisée de plateforme en ligne illicite (article 323-3-2 du code pénal) afin de déterminer, d'une part, si la plateforme Kick fournissait, en connaissance de cause, des services illicites en diffusant notamment des vidéos d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et, d'autre part, si elle satisfaisait à ses obligations au titre du DSA, en particulier l'obligation de signaler aux autorités répressives et judiciaires compétentes les risques d'atteintes à la vie ou à la sécurité des personnes susceptibles de constituer une infraction pénale (article 18 du DSA). Les deux parquets ont indiqué être en lien étroit pour se communiquer mutuellement les éléments susceptibles d'éclairer l'une et l'autre des procédures. En parallèle, l'Etat a assigné la plateforme Kick devant le tribunal judiciaire de Paris, sur le fondement de l'article 6-3 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) afin de prévenir et faire cesser les dommages occasionnés par les contenus en lien avec ce drame diffusés sur la plateforme ; et évaluer les risques posés par d'autres contenus eu égard aux signalements reçus. Au-delà du champ judiciaire, dès le 26 août, la ministre en charge du numérique a réuni l'ensemble des administrations et autorités concernées, à savoir l'ARCOM, la CNIL, les services des ministères de la Culture, de l'Économie, de la Justice et de l'Intérieur, ainsi que des signaleurs de confiance. Cette réunion de travail a permis de dresser un état des lieux commun et de définir une série d'actions immédiates et structurelles pour mieux protéger les citoyens dans l'espace numérique. Afin de renforcer les capacités d'intervention des pouvoirs publics, une mission d'inspection a été proposée au Premier ministre. Cette mission, confiée à l'Inspection générale des finances (IGF), l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale de la Justice (IGJ), a pour objectif d'évaluer les dispositifs publics existants en matière de prévention et de répression contre la diffusion en ligne de contenus illicites ou préjudiciables et de proposer des pistes d'évolutions juridiques et opérationnelles. Cette mission des corps d'inspection veillera à s'articuler avec la mission confiée par le Premier ministre à M. le député Arthur Delaporte et M. Stéphane Vojetta, le 1er juillet 2025, sur l'encadrement et la régulation de l'activité des créateurs de contenus, s'agissant en particulier de la lutte contre la monétisation de contenus violents ou portant atteinte à la dignité humaine. Afin d'intensifier la coopération entre acteurs au niveau national, l'ARCOM a par ailleurs relancé, en novembre 2025, son Observatoire de la haine en ligne, lequel anime un travail collectif, associant société civile, plateformes et autorités publiques, sur les pratiques des plateformes en matière de lutte contre la haine en ligne dans le cadre du DSA. Face aux évènements tragiques survenus sur la plateforme Kick, l'ensemble des autorités publiques et judiciaires compétentes ont pris les mesures fortes qui s'imposaient. Le Gouvernement entend bien évidemment poursuivre les efforts et travailler en continu à l'amélioration et à l'efficacité de la réponse des pouvoirs publics pour lutter contre la prolifération des contenus violents et protéger nos concitoyens en ligne.

Données clés

Auteur : M. Julien Dive

Type de question : Question écrite

Rubrique : Harcèlement

Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique

Ministère répondant : Intelligence artificielle et numérique

Dates :
Question publiée le 26 août 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025

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