Mise en danger des minorités en Syrie et garanties de protection
Question de :
Mme Élisa Martin
Isère (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Élisa Martin attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les crimes commis envers les minorités religieuses de la côte nord-ouest de la Syrie par le Gouvernement provisoire de ce pays et dans la province du Suweida, ainsi que sur l'ingérence israélienne sur le territoire syrien. Le 8 décembre 2024, la chute de Bachar El-Assad, responsable de la mort de milliers de civils durant deux décennies d'un exercice arbitraire du pouvoir et d'une politique de caste, marque un tournant historique pour la Syrie. Dès la mise en place du nouveau régime, les États-Unis d'Amérique ont retiré la Syrie de la liste des États terroristes. Au début de l'année 2025, M. le ministre et son homologue allemande Annalena Baerbock ont rencontré Ahmed Hussein al-Charaa, normalisant les relations politiques avec la Syrie. Le 12 février 2025, M. le ministre a déclaré à la télévision syrienne que les ressortissants syriens en France pourront se rendre temporairement en Syrie sans perdre leur statut de réfugié en France, actant ainsi le caractère incertain de la situation politique et de la sécurité de ce pays. Le 29 janvier 2025, l'interdiction de plusieurs partis politiques dont le Parti communiste et le Parti socialiste annonce offensivement une nouvelle phase de répression politique. Le jeudi 6 mars 2025 prennent place des soulèvements contre le nouveau pouvoir d'Ahmed Hussein al-Charaa en réponse desquels celui-ci a réprimé indistinctement rebelles et civils, principalement alaouites et chrétiens, entraînant la mort de milliers de personnes sur la côte selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme basé à Londres. Le 9 mars, Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, alerte sur ces massacres qui touchent les femmes et les enfants ainsi que sur différents indices qui laissent transparaître la présence des autorités provisoires. Le 13 juillet 2025, l'enlèvement d'un marchand druze a donné lieu à de nouveaux affrontements dans la province du Suweida. Si le gouvernement syrien a condamné ces violences, les groupes sunnites de Hayat Tahrir al-Sham, milice fondée en 2017 par l'actuel chef de l'État et principal organe directeur du pays, ont commis de nombreuses exactions envers la population locale comme les exécutions sommaires documentées par l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Au moins 350 personnes ont été tuées. Le 15 juillet 2025, Israël commet à son tour des frappes et attaque directement le ministère de la défense et le quartier général de l'armée à Damas, violant la souveraineté de tout le peuple syrien. Les récents évènements de la province du Suweida servent de prétexte à cette ingérence dont l'objectif est en réalité de dissuader le renforcement des forces du régime dans le plateau du Golan où Israël s'est déjà avancée en décembre 2024. Le 14 août, des enquêteurs indépendants mandatés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU établissent que les violences commises par les forces gouvernementales à l'encontre des populations alaouites peuvent constituer des crimes de guerre. Ainsi, Mme la députée requiert des clarifications sur les points suivants : La France exigera-t-elle un processus démocratique et l'amnistie des prisonniers politiques comme garantie de non sanction sur le nouveau Gouvernement syrien ? Comment la France se positionne-t-elle au Conseil de sécurité de l'ONU pour protéger les minorités réprimées ? Compte-t-elle convoquer une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU à ce sujet en tant que membre permanent ? Va-t-elle garantir l'absence de livraison d'armes à la Syrie dans la mesure où d'autres administrations françaises au XXIe siècle ont affiché une coopération avec le régime de Bachar El-Assad ? Quelles sanctions sont envisagées par la France à l'égard d'Israël pour avoir violé la souveraineté de la Syrie et quelle position va-t-elle également adopter vis-à-vis de la livraison d'armes à cet État ? Enfin, elle lui demande si la France aura une position claire quant à sa politique d'accueil des réfugiés syriens et quant à la nécessité d'accorder l'asile en raison des dangers éminents encourus.
Réponse publiée le 9 décembre 2025
En Syrie, la France est attachée à la mise en œuvre d'un processus de transition politique pacifique et inclusif, comme l'a réaffirmé le Président de la République lors de sa rencontre avec le président Ahmad al-Charaa, à Paris le 7 mai dernier. Cette transition politique doit réunir et représenter l'ensemble des composantes de la société syrienne, indépendamment de leur appartenance ethnique, de leur conviction religieuse ou de leur genre. Il en va de la crédibilité du nouveau gouvernement, du succès de la transition politique et de la stabilisation de la Syrie. La France prête la plus grande attention à la situation des minorités en Syrie. S'agissant des épisodes d'affrontements qui ont secoué les régions de la côte et de Souweïda, la France a fermement condamné ces violences, en particulier les exactions visant les civils, et passe régulièrement des messages aux autorités syriennes de transition afin qu'elles garantissent la protection et les droits de tous les citoyens syriens, sans distinction. C'est une condition essentielle à la stabilisation de la Syrie et le seul moyen d'éviter que le pays ne sombre à nouveau dans la fragmentation et la violence. En outre, tous les auteurs de massacres commis contre des civils, quels qu'ils soient, doivent être poursuivis et jugés, dans le cadre d'enquêtes et de procès indépendants, comme les autorités s'y sont engagées. Plus généralement, il est essentiel qu'un véritable processus de justice transitionnelle soit mis en place, élément clef pour la réconciliation des Syriens et le relèvement de la Syrie. Nous soutenons également la poursuite des efforts multilatéraux engagés pour la protection et l'inclusion des minorités, notamment au niveau du Haut-commissariat aux droits de l'Homme. Les populations syriennes menacées peuvent par ailleurs bénéficier du statut de demandeurs d'asile, la Syrie étant toujours classifiée comme pays en guerre. S'agissant de la livraison d'armes à la Syrie, cela reste impossible dans le cadre du maintien des sanctions européennes contre la Syrie visant les biens à double usage, notamment les armes et les technologies susceptibles d'être utilisées à des fins de répression interne. Concernant la présence israélienne sur le territoire syrien, nous appelons au respect de la souveraineté de la Syrie et de son intégrité territoriale, conformément à la Charte des Nations unies et aux principes du droit international. La France appelle Israël à mettre fin à ses activités militaires sur le territoire syrien et à se retirer de la zone de séparation établie par l'accord de désengagement de 1974. Nous avons porté ces messages publiquement, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies, et auprès des autorités israéliennes. La France soutient en outre le dialogue en cours entre responsables syriens et israéliens, qui se sont rencontrés à deux reprises à Paris sous médiation américaine en vue d'identifier un arrangement qui tienne compte des préoccupations sécuritaires de chacun.
Auteur : Mme Élisa Martin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 2 septembre 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025