Stratégie nationale face au développement de l'IA
Question de :
M. René Pilato
Charente (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. René Pilato attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur la nécessité, non seulement d'anticiper un choc potentiel sur l'emploi lié à l'automatisation par l'intelligence artificielle (IA), mais aussi de préciser l'orientation technologique que la France souhaite poursuivre. Premièrement, des signaux concrets apparaissent déjà : Microsoft (9 000 suppressions en 2025), British Telecom (-55 000 prévues d'ici 2030) ou Salesforce - qui affirme que « 30 à 50 % » de son activité interne est déjà assurée par des agents d'IA - restructurent leurs effectifs pour financer le déploiement de l'IA générative. Deuxièmement, les études économiques dressent un tableau incertain mais potentiellement grave : selon le FMI, SDN 24/001 (2024) : 60 % des emplois exposés dans les économies avancées et 30 % potentiellement supprimés. Pour l'OCDE, Employment Outlook 2023 : 27 % des emplois à « haut risque ». Pour Goldman Sachs Research (2023) : 300 millions d'emplois équivalents temps plein menacés (jusqu'à 1/4 du travail mondial). Selon Korinek et Suh, NBER WP 32255 (2024) : dans un scénario d'automatisation rapide, le salaire compétitif converge vers zéro. Troisièmement, à l'inverse, plusieurs économistes régulièrement auditionnés par l'exécutif - notamment M. Philippe Aghion - affirment, sur la base de données 2014-2020 pré-IA générative, que l'adoption de l'IA « fait croître l'emploi » (étude How Different Uses of AI Shape Labor Demand). Or ces données ne capturent pas la vague actuelle de Large Langage Model et ne permettent pas d'extrapoler à une éventuelle intelligence artificielle générale (IAG), définie par OpenAI comme « un système capable d'exécuter toute tâche économique de valeur qu'un humain peut accomplir » et que les estimations médianes d'experts jugent possible avant la fin de la décennie. Face à ces constats : premièrement, sur quelles analyses empiriques récentes le Gouvernement fonde-t-il sa stratégie : celles du FMI/OCDE ou celles, plus anciennes, de M. Aghion ? Compte-t-il mandater une évaluation indépendante post-2023 intégrant l'IA générative ? Deuxièmement, le Gouvernement juge-t-il souhaitable de poursuivre une trajectoire menant à une IAG capable de substituer la quasi-totalité du travail humain, ou envisage-t-il de fixer un cap technologique alternatif privilégiant les usages complémentaires à l'emploi ? Quelles incitations (subventions, crédits d'impôt, conditionnalités) traduisent ce choix ? Troisièmement, indépendamment du cap retenu, dispose-t-il d'un plan de contingence macro-social en cas de perte nette supérieure à 10 % de l'emploi salarié sur moins de cinq ans ? Quels indicateurs publics déclencheurs activeraient ce plan et quelles mesures budgétaires automatiques sont envisagées pour préserver le pouvoir d'achat et la protection sociale si le travail venait à se raréfier massivement ? Enfin, il lui demande à quelle échéance ces éléments (base d'études, cap technologique, plan de contingence) seront rendus publics afin que le Parlement et les partenaires sociaux puissent se préparer à la hauteur des enjeux.
Auteur : M. René Pilato
Type de question : Question écrite
Rubrique : Numérique
Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique
Ministère répondant : Fonction publique et réforme de l'État
Date :
Question publiée le 9 septembre 2025