Situation financière des universités françaises et de Nantes Université
Question de :
M. Karim Benbrahim
Loire-Atlantique (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Karim Benbrahim appelle l'attention de M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation financière des universités et sur la situation financière de Nantes université en particulier. Investir dans les universités publiques, c'est-à-dire dans l'enseignement et dans la recherche c'est investir dans la France de demain. Pourtant, les universités françaises doivent aujourd'hui faire face à une crise financière historique qui met en difficulté l'exercice même de leurs missions. Pour l'année 2025, Nantes université prévoit un déficit de 15,9 millions d'euros. Une part importante de ce déficit est liée à l'envolée des factures énergétiques. Mais d'autres facteurs viennent expliquer cette situation financière. 4,3 millions d'euros sont liés à des charges nouvelles non compensées par l'État, comme la réforme du compte d'affectation spéciale des pensions (CAS). Et Nantes université fait face à une sous-dotation chronique en comparaison des autres universités françaises. Ce sont ainsi plus de 20 millions d'euros par an de dotations manquantes, du fait d'un mode de répartition budgétaire national obsolète et injuste. Nantes université a pourtant déjà procédé à d'importantes mesures d'économies : limitation des recrutements, réduction des dépenses jugées les moins essentielles et rationalisation des espaces utilisés. Cependant, ces efforts ne suffisent plus à compenser les manques structurels de financement. La situation financière de Nantes université pourrait ainsi mettre en péril la diversité de l'offre de formation, le nombre d'élèves accueillis ou encore la présence d'antennes dans différents territoires de la région. C'est la qualité de l'enseignement qui pourrait être touchée mais aussi la qualité de la recherche qui pourrait être fragilisée. Et ce sont les innovations technologiques, humaines et sociales qui seraient à terme impactées. M. le député appelle ainsi l'attention de M. le ministre sur la nécessité de repenser le modèle de financement des universités françaises pour le rendre davantage en adéquation avec les besoins des territoires. Il l'interroge sur les mesures qu'il entend prendre pour compenser les charges nouvelles, telles que celles liées à la réforme du compte d'affectation spéciale des pensions ou à la hausse des coûts de l'énergie, qui mettent en péril l'équilibre financier de nombreuses universités. Il l'interroge enfin sur les mesures qu'il entend prendre pour rattraper la sous-dotation financière dont pâtit Nantes université.
Réponse en séance, et publiée le 22 janvier 2025
NANTES UNIVERSITÉ
M. le président . La parole est à M. Karim Benbrahim, pour exposer sa question, no 96, relative à Nantes université.
M. Karim Benbrahim . Investir dans l’enseignement supérieur et la recherche, c’est investir dans ce qui fera la France de demain. Pourtant, les universités françaises font face à une crise financière historique, qui les met en difficulté dans l’exercice de leurs missions. Et la coupe budgétaire de 630 millions d’euros, que vous avez fait adopter hier au Sénat, aggrave encore leur situation.
Nantes université prévoit pour l’année 2025 un déficit de 15,9 millions, dont une part importante est due aux effets de l’inflation. Mais d’autres facteurs contribuent à expliquer cette situation financière : 4,3 millions découlent de charges nouvelles non compensées par l’État, comme celles liées à la réforme du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions.
La compensation, pour moitié seulement, de la hausse du taux du CAS Pensions, adoptée hier par le Sénat, reste insuffisante au regard des charges nouvelles pesant sur les universités. Nantes université fait face à une sous-dotation chronique par rapport aux autres universités françaises, du fait d’un mode de répartition budgétaire national obsolète et injuste. Ce sont ainsi plus de 20 millions d’euros qui lui manquent chaque année ; le déficit pour l'année 2025 est estimé, je le répète, à 15,9 millions.
Cette université a déjà pris d’importantes mesures d’économies, telles que la limitation des recrutements, la réduction des dépenses les moins essentielles et la rationalisation des espaces utilisés. Mais ces efforts ne suffisent plus à compenser les manques structurels de financement ; l’université pourrait désormais se voir contrainte de limiter son offre de formation, de réduire le nombre d’étudiants accueillis ou encore de fermer des antennes dans différents territoires de la région des Pays de la Loire.
La qualité de l’enseignement et de la recherche, et donc, à terme, nos innovations technologiques, humaines et sociales, pourraient être affectées. Le modèle de financement des universités françaises doit être repensé pour le mettre davantage en adéquation avec les besoins des territoires. Quelles évolutions envisagez-vous pour corriger ces inégalités territoriales ? Quelles dispositions prendrez-vous pour rattraper la sous-dotation financière dont pâtit Nantes Université ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . Je vous remercie pour votre question relative à la situation financière des universités, en particulier celle de Nantes, qui offre l'occasion de revenir sur l'évolution législative récente – le Sénat a adopté hier les crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires). Le gouvernement et mon ministère ont entendu les inquiétudes de certaines universités qui font face à des hausses de dépenses dues aux coûts énergétiques et aux charges non compensées, telles que les mesures dites Guerini et l'augmentation du CAS Pensions, que vous avez mentionnées.
Pour remédier à cette situation, nous avons proposé une compensation pour moitié de l'impact de la hausse du CAS Pensions pour les universités, soit une hausse de 100 millions d'euros par rapport à la copie initiale du projet de loi de fnances pour 2025. Votre question traduit une confusion entre le périmètre de la Mires, dont le crédit global connaît certes une baisse de 630 millions, et les programmes Formations supérieures et recherche universitaire et Vie étudiante, qui sont des priorités du gouvernement et pour lesquels le budget, je tiens à le signaler, est en augmentation nette – en particulier pour les universités, qui ont bénéficié d'un effort très significatif dans le contexte actuel.
Quant à la situation financière de l'université de Nantes, elle est à ce jour relativement solide. À la fin de l'année 2024, la trésorerie de l'établissement, dont le niveau sera confirmé dans le compte financier, devrait s'établir autour de 60 millions d'euros, soit l'équivalent de 56 jours de fonctionnement – le double du seuil d'alerte, fixé à trente jours par le nouveau décret financier qui s'applique aux universités. Le taux d'encadrement des étudiants est par ailleurs nettement supérieur à la moyenne des établissements de même catégorie, alors qu'il était nettement en deçà en 2020. C'est la conséquence directe d'un effort d'accompagnement significatif consenti à cet établissement, qui a vu sa subvention pour charges de service public (SCSP) par étudiant progresser de 1 881 euros entre 2020 et 2024, ce qui est considérable – ce n'est malheureusement pas le cas de toutes les universités françaises, je vous le garantis.
Je suis prêt à engager un travail autour de la réouverture du dossier de l'allocation des moyens aux universités et de la répartition de cette allocation. Je le répète, les mécanismes d'allocation budgétaire aux universités reposent avant tout sur l'histoire, pour le dire vite. Il faut repenser ce système. Ce chantier devra être mené en étroite coopération avec l'ensemble de l'écosystème.
M. le président . La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim . Vous connaissez au moins aussi bien que moi la situation financière des universités françaises. Les annonces budgétaires ne sont pas à la hauteur des enjeux ; les compensations adoptées hier par le Sénat ne couvrent pas l'intégralité des charges supplémentaires pour les universités. Par ailleurs, s'agissant de l'université de Nantes, la dotation financière par étudiant a diminué de 15 % depuis 2017. Un effort important est nécessaire pour cette université. J'entends que vous êtes ouvert à retravailler les règles de dotation budgétaire. Vous pouvez compter sur ma disponibilité pour mener ce travail avec vous.
Auteur : M. Karim Benbrahim
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 janvier 2025