Pénurie de médicaments sur le territoire français
Question de :
M. Anthony Boulogne
Meurthe-et-Moselle (6e circonscription) - Rassemblement National
M. Anthony Boulogne alerte Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la pénurie de médicaments qui touche les pharmacies françaises. L'accroissement des difficultés d'approvisionnement, constaté par de nombreux pharmaciens du pays, se traduit par une hausse des signalements de ruptures de stocks et de risques de rupture : l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a indiqué, en 2024, avoir enregistré 4 925 signalements de ruptures en 2023, soit une hausse de 30.9 % par rapport à 2022 et de 128 % en comparaison à 2021. Selon le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française, 37 % des Français ont été confrontés à des pénuries de médicaments. Ces difficultés d'approvisionnement ont donc une incidence importante sur l'accès aux soins, menaçant directement la capacité des compatriotes à se soigner correctement. Ces pénuries ont également, selon les rapporteurs, « un impact majeur sur les conditions d'exercice des médecins, pharmaciens et professionnels de santé ». Dans le département de Meurthe-et-Moselle, département de M. le député, certaines pharmacies sont confrontées à des pénuries de vitamine B12, d'autres établissements manquent de produits pour traiter l'asthme ou le VIH. De nombreux antibiotiques restent aux abonnés absents, au préjudice direct de la santé des Français. Les causes du déclin de la production pharmaceutique française sont connues : la désindustrialisation, qui a fait passer la France de premier producteur européen à la cinquième place. Aujourd'hui, la part des médicaments produits sur le territoire français ne dépasse pas un tiers de consommation, tandis que l'immense partie des principes actifs sont produits hors d'Europe et principalement en Asie, créant une situation de dépendance qui menace la souveraineté sanitaire de la France. Au-delà de la relance d'une politique industrielle permettant de reconstituer des capacités nationales de production, il est nécessaire de pourvoir au plus urgent. Il lui demande donc quelles mesures elle compte mettre en place afin d'assurer, pour l'hiver 2024-2025, les approvisionnements de médicaments et limiter les pénuries dans les pharmacies françaises.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
Compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, indépendamment de la pandémie de Covid-19, le ministère du travail, de la santé et des solidarités a réuni un nouveau comité de pilotage le 21 février 2024, lequel a acté une nouvelle feuille de route 2024-2027 pour garantir la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle. Depuis 2019 et à plus forte raison pendant la crise sanitaire, les travaux entrepris par les ministères chargés de la Santé et de l'Industrie, notamment dans le cadre de la feuille de route précédente ont permis de renforcer la lutte contre les pénuries de produits de santé dans le prolongement de la précédente feuille de route 2019-2022 qui a marqué des avancées majeures (plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, obligation de détention de stocks de sécurité notamment). En outre, une liste de 450 médicaments dits « essentiels » car stratégiques pour la santé des patients a été établie sur la base des recommandations des sociétés savantes. Cette liste, publiée le 13 juin 2023, est évolutive. À partir de cette liste, des travaux spécifiques ont été engagés pour mieux garantir la disponibilité des médicaments concernés (suivi renforcé sur les capacités d'approvisionnement, analyse des pratiques de prescription et des tendances d'achat, cartographie et renforcement des chaînes de production, mise en œuvre de solutions de production de secours, actions de prévention, etc.). Le Président de la République a également annoncé, le 13 juin 2023, la relocalisation de la production d'une partie de ces médicaments essentiels. Par ailleurs, une charte d'engagement initiée conjointement par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a été signée le 22 novembre 2023 par les acteurs de la chaîne du médicament pour un accès équitable des patients aux médicaments faisant l'objet de tensions d'approvisionnement. De plus, l'ANSM en lien avec la direction générale de la santé a établi un plan hivernal (sécurisation des stocks de médicaments majeurs de l'hiver, amélioration de la mise à disposition des données, responsabilisation de l'ensemble des acteurs du soin et des patients, etc.) pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Ce plan hivernal inclut une phase d'anticipation qui vise à sécuriser les approvisionnements afin de garantir la couverture des besoins et à communiquer sur les gestes barrières et les règles de bon usage des médicaments. Sur le plan législatif, la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a prévu plusieurs mesures pour lutter contre les tensions d'approvisionnement, notamment l'obligation, sous peine de sanction financière, pour les laboratoires pharmaceutiques de chercher un repreneur en cas d'arrêt de commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur. La LFSS pour 2024 renforce également les pouvoirs de l'ANSM pour ce qui concerne la requalification d'un médicament en médicament d'intérêt thérapeutique majeur et pour réguler les tensions, en lui permettant, par exemple, de privilégier un circuit de distribution ou des contingentements. Par ailleurs, elle crée un statut de préparations officinales spéciales permettant aux pharmaciens de pallier les pénuries. Enfin, au niveau européen, le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments est entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne. De même, dans le cadre du projet de révision de la législation pharmaceutique présenté par la Commission européenne, des mesures visant à anticiper et réduire les tensions d'approvisionnement sont prévues, reprenant une partie des dispositions françaises (obligation d'avoir des plans de prévention et de gestion des pénuries pour les laboratoires, liste de médicaments critiques, obligation de déclaration des ruptures notamment).
Auteur : M. Anthony Boulogne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024