Question écrite n° 975 :
Beauvau de la sécurité - Mesures relatives à la prévention du suicide

17e Législature
Question signalée le 20 janvier 2025

Question de : M. François Jolivet
Indre (1re circonscription) - Horizons & Indépendants

M. François Jolivet interroge M. le ministre de l'intérieur sur les résultats des mesures décidées dans la continuité du « Beauvau de la sécurité » pour prévenir les suicides et mieux appréhender les risques psychosociaux des forces de l'ordre. Impliqué dans les travaux du « Beauvau de la sécurité » en 2021, il souhaiterait pouvoir avoir des éléments concrets sur l'amélioration des conditions de travail des femmes et des hommes qui protègent les Français.

Réponse publiée le 3 juin 2025

La défense des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie constitue une priorité absolue pour le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, qui est également déterminé à poursuivre les efforts engagés pour améliorer leurs conditions de travail. S'agissant de la question du suicide, dramatique et éminemment complexe, elle constitue de longue date une préoccupation majeure pour le ministère de l'intérieur. Dès 1996, la direction générale de la police nationale (DGPN) s'est dotée d'un service de soutien psychologique opérationnel (SSPO), qui compte à ce jour plus de 120 psychologues cliniciens répartis sur tout le territoire, et les dispositifs d'aide et d'accompagnement médico-psychosociaux n'ont cessé au fil des ans d'être renforcés. En gendarmerie, ce réseau regroupe 57 psychologues cliniciens et a vocation à être progressivement renforcé dans le cadre de la loi de programmation du ministère de l'intérieur, qui a fixé la cible à 85 psychologues. Il est piloté par le bureau de la sécurité et de la santé au travail (BSST) de la direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale (DRH-GN), qui dispose d'antennes dans l'ensemble des régions de gendarmerie. Le suicide endeuille trop souvent nos forces. Au sein de la police, même si la tendance observée au cours des premiers mois de 2024 (23 suicides au 8 octobre 2024) laisse espérer une confirmation de la baisse sensible du nombre de passages à l'acte observée en 2023 (35 suicides en 2023 contre 46 en 2022). En gendarmerie, la tendance observée reste stable, avec 27 suicides en 2022, 24 en 2023 et 26 en 2024. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est donc très attaché à ce que le travail de prévention soit poursuivi et renforcé. En 2018, la direction générale de la police nationale s'est dotée d'un nouveau plan d'action spécifique : le « programme de mobilisation contre le suicide » (PMS). Ce programme vise à mieux accompagner les policiers et à promouvoir le « mieux-être au travail ». Il est porté par une cellule spécifique, créée en administration centrale (« cellule analyse prévention suicide » - CAPS), dont les policiers réservistes, spécialement formés, organisent en particulier des sessions de sensibilisation dans toute la France, pour faire progresser la culture de prévention. Des campagnes d'information sur les dispositifs de soutien psychologique sont également régulièrement menées pour toujours mieux faire connaître les dispositifs de soutien psychologique et « dé-stigmatiser » le recours à l'aide psychologique. La direction générale de la police nationale dispose également d'une ligne d'écoute psychologique externalisée au profit des agents de la police nationale et de leur famille (numéro vert). Cette plateforme externe à la police nationale, complémentaire du SSPO, propose un service d'écoute anonyme, confidentiel et gratuit, assuré par des psychologues cliniciens, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Afin d'améliorer la détection des personnes en difficulté, la direction des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale a également lancé en 2022, avec l'appui du groupement d'études et de prévention du suicide (GEPS), le dispositif « sentinelles » dans l'ensemble des services de police. Les « sentinelles » sont des policiers volontaires, formés pour détecter les agents en détresse et agir comme personnes-relais. Ils sont plus de 2 000 à ce jour. D'autres dispositifs d'accompagnement contribuent à la politique de prévention. Une « mission d'accompagnement des blessés » (MAB) a été mise en place pour répondre plus efficacement aux besoins d'accompagnement et de soutien, dans la durée, des policiers blessés physiquement et psychologiquement et de leurs familles. Un « groupe d'assistance aux policiers victimes » (GAPV) s'adresse à tous les agents de la police nationale victimes de violences, d'injures et de menaces dans l'exercice de leurs missions ou dans un cadre privé à raison de leur qualité. Il est joignable à partir d'un numéro vert et d'une messagerie fonctionnelle mis à la disposition de tous les agents victimes, 7 jours sur 7, de 5 h à 23 h. Un réseau de 20 psychologues du travail a par ailleurs été créé pour intervenir sur le fonctionnement des collectifs de travail. Il doit aussi être souligné que la direction générale de la police nationale finance des projets permettant aux services de renforcer la cohésion sur le lieu de travail, avec l'organisation de moments de cohésion autour du bien-être, du sport, etc. Pour la gendarmerie nationale, depuis juillet 2023, des réunions de sensibilisation à la crise suicidaire sont organisées à destination de tous les militaires et agents civils. Plus de 22 000 personnels ont déjà été sensibilisés, tous statuts confondus. La gendarmerie communique régulièrement autour du numéro national de prévention du suicide (3114) et forme ses communicants à la communication responsable post-suicide. Une étude d'environnement professionnel peut être déclenchée lorsqu'un suicide a manifestement une causalité principalement liée à l'activité professionnelle. Ce dispositif s'inscrit dans le cadre plus global de la politique de prévention des situations de travail fragilisantes. À la suite du premier plan d'action de prévention des risques psychosociaux (RPS) établi en 2013, un deuxième plan d'action a été diffusé pour la période 2020-2024. Un nouveau plan 2025-2029 est en cours de réflexion. Le dispositif existant de prévention contre les addictions (produits psycho-actifs jusqu'à présent) est étendu aux addictions aux jeux d'argent et de hasard, notamment en ligne, et, plus généralement, aux écrans en 2025. Un suivi fin des réunions des commissions locales de prévention (CLP) permet d'avoir une bonne visibilité des situations fragilisantes. Une équipe de 4 psychologues du travail, basée à la direction générale de la gendarmerie nationale, est en mesure d'intervenir pour accompagner les unités les plus impactées. Les membres des CLP sont formés aux RPS de manière à optimiser le fonctionnement des CLP. Une nouvelle version de l'application de prévention des RPS est disponible sur les téléphones portables professionnels du personnel ("NEOGEND") depuis septembre 2024. Elle recense les coordonnées des acteurs de l'accompagnement ainsi que des fiches dédiées au commandement comme aux personnels subordonnés. L'instance de la CNP (commission nationale de prévention) comprend désormais au niveau national une réunion dédiée à la prévention des RPS. La police nationale développe également un réseau de soutien en matière de conseil familial, avec des professionnels extérieurs, parce que les difficultés familiales et les séparations peuvent constituer des facteurs de risque. Une convention a été signée en février 2024 avec l'association nationale des conseillers conjugaux et familiaux, permettant de financer, pour des couples de policiers, des séances auprès de professionnels. En complément, la direction générale de la police nationale travaille avec les associations de soutien aux policiers (PEP'S/SOS policiers en détresse et APS), qui jouent un rôle complémentaire dans la détection des personnes en situation de fragilité et l'orientation vers les dispositifs d'aide. L'importance du sujet exige une rigoureuse et lucide appréciation des dispositifs déployés. Aussi, une évaluation externe du « programme de mobilisation contre le suicide » a été conduite. Ses conclusions, rendues à l'été 2023, soulignent l'approche cohérente et globale menée par la police nationale dans la lutte contre le risque suicidaire, mais pointent un déséquilibre du dispositif, trop orienté vers la crise suicidaire au détriment de la prévention primaire (agir sur les conditions de travail). L'étude souligne également la nécessité de cibler en priorité les populations à risque et de porter une attention soutenue à l'encadrement intermédiaire et à la pratique managériale. Les réflexions sur les suites à donner au « PMS » se sont poursuivies dans le cadre d'un colloque organisé fin 2023 (« Accompagner les personnels de la police nationale : préserver et renforcer leur équilibre psychologique »). Le travail de refonte de la stratégie de prévention des risques psychosociaux et du suicide devrait prochainement aboutir. De même, en gendarmerie, l'accompagnement du personnel et la prévention des risques psycho-sociaux s'opèrent par la mobilisation d'un vaste réseau, couvrant des actions concourantes. Ainsi, le dispositif d'accompagnement psychologique de la gendarmerie, présent en métropole et outremer, a vu ses effectifs de psychologues cliniciens passer de 42 début 2023 à 57 aujourd'hui ; avec un objectif de 85 fin 2025, comme indiqué supra, de façon à optimiser la couverture du territoire et la prise en charge des situations identifiées. Les blessés en service de la gendarmerie peuvent être accompagnés dans le cadre de la reconstruction des blessés par le sport, notamment grâce à des stages adaptés dans différents milieux (montagne, nautique, équestre notamment). Ils pourront aussi prochainement profiter d'une structure dédiée à Fontainebleau : le "Village des blessés". Des journées sont organisées au profit des gendarmes placés en position de non-activité pour raisons de santé (congé de longue durée pour maladie, etc.) afin de maintenir un lien constant avec l'institution et permettre un retour accéléré à l'activité en cas de rétablissement. Le célibat géographique du militaire à l'occasion d'une mobilité peut être un facteur de mal-être, par exemple dans la problématique de maintien de l'emploi du conjoint. C'est pourquoi la création et la mise à disposition de la récente application ORYX optimise désormais la recherche d'un emploi par les conjoints à l'occasion de chaque mobilité. L'indispensable amélioration des conditions de travail constitue en tout état de cause un autre axe majeur de cette action, à laquelle le ministre de l'intérieur sera particulièrement attentif dans le cadre des discussions budgétaires. L'ensemble des politiques d'action sociale (offre de service en matière de logement, facilitation des gardes d'enfants, restauration, etc.) comme les mesures visant les conditions matérielles de travail (immobilier, véhicules, etc.) contribuent en effet à améliorer la qualité de vie des policiers et des gendarmes, notamment en permettant de mieux concilier vie privée et vie professionnelle, alors que les forces de sécurité intérieure travaillent souvent sur la base d'horaires atypiques.

Données clés

Auteur : M. François Jolivet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 20 janvier 2025

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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