Question écrite n° 979 :
Dérive autoritaire en Tunisie et la situation des opposants en exil

17e Législature

Question de : Mme Ersilia Soudais
Seine-et-Marne (7e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Ersilia Soudais attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la dérive autoritaire en Tunisie et la situation des opposants en exil. Depuis le coup d'État en Tunisie du 25 juillet 2021, une centaine d'opposants, de journalistes, d'avocats et d'activistes de la société civile ont été arbitrairement arrêtés par le régime autoritaire du président Kaïs Saïed. Depuis 2021, les convocations judiciaires en Tunisie se sont intensifiées, souvent liées à des publications sur les réseaux sociaux ou à des prises de parole publiques, qui critiquent le gouvernement ou le président. Malgré cela, la France et l'Union européenne continuent de soutenir le régime du président Kaïs Saïed pour une raison qui semble simple : sacrifier les droits humains en échange de la gestion de la migration. En effet, le mémorandum signé entre l'Union européenne et la Tunisie le 16 juillet 2023, négocié par le gouvernement de la première ministre italienne d'extrême-droite Mme Giorgia Meloni, vise à externaliser les frontières de l'Union européenne et à confier à la Tunisie la lutte contre la migration interne et externe. Cette politique a mené à une véritable chasse aux exilés en Tunisie, poussée à son paroxysme lors de l'été 2022, où des centaines de migrants ont été déplacés de force dans des zones désertiques aux frontières libyenne et algérienne, entraînant la mort d'au moins 27 d'entre eux. De nombreux opposants tunisiens ont dû se résoudre à l'exil en France, pour éviter la répression acharnée du régime de Kaïs Saïed. Faire de la politique face au président coûte cher en Tunisie : alors que les résultats des élections présidentielles ont été publiés le 7 octobre 2024, le seul candidat opposé frontalement au régime a été condamné à 12 ans de prison ferme. Malgré cela, les opposants tunisiens restent menacés par la difficulté d'obtenir le statut de réfugié politique en France, car le Quai d'Orsay continue de considérer le pays comme un pays sûr. Pour les militants qui se sont opposés à l'autoritarisme et au racisme, pour les journalistes qui ont couvert cette dérive autocratique et pour les leaders politiques qui ont osé défier les décisions arbitraires du gouvernement, il n'y a rien de moins « sûr » pour eux que le retour en Tunisie, qui signifierait très probablement la prison. En tenant compte de ces éléments et de l'urgence de la situation, elle lui demande de faire le nécessaire pour protéger les réfugiés politiques tunisiens, notamment en revoyant le processus administratif d'octroi du statut de réfugié pour les Tunisiennes et Tunisiens qui ont vu leurs pays sombrer dans l'autoritarisme et qui sont venus en France, croyant que la démocratie française allait les protéger.

Réponse publiée le 3 décembre 2024

La France est attentive au respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en Tunisie comme partout dans le monde. La liberté d'expression et la liberté d'association, comme l'indépendance de la justice et les droits de la défense, sont des principes garantis par la Constitution tunisienne ainsi que par les conventions des Nations unies auxquelles la Tunisie comme la France ont souscrit. La France suit donc avec attention l'évolution du contexte intérieur tunisien. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation face à la vague d'arrestations et d'interpellations en Tunisie, dont ont fait l'objet plusieurs avocats, journalistes et membres d'associations. Nous dialoguons avec les autorités tunisiennes sur ces sujets de manière régulière, franche et constructive, avec toute l'exigence que permet notre partenariat, et nous continuerons à le faire. S'agissant des questions migratoires, la France et ses partenaires européens s'efforcent d'accompagner la Tunisie, qui fait face à une forte pression sur ce plan, en apportant un soutien aux autorités en vue de lutter plus efficacement contre les flux d'immigration irrégulière et les drames humains qu'ils peuvent engendrer. Nous portons dans ce cadre une attention particulière au respect des droits des migrants. Notre aide bilatérale de 27,5 millions d'euros comprend notamment un volet dédié à la protection des réfugiés et demandeurs d'asile en situation vulnérable et soutient les organismes onusiens (Organisation internationale pour les migrations - OIM ; Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés - HCR). De manière générale, les actions de coopération de l'Union européenne engagées à l'égard de la Tunisie et, plus globalement, de l'ensemble de nos partenaires prévoient un contrôle réel, complet et durable de l'utilisation des moyens alloués, des opérations réalisées et des résultats obtenus par la Commission et les instances compétentes du Conseil. Nous suivons de près et demandons des comptes régulièrement sur les mécanismes de surveillance du respect des droits fondamentaux à cet égard et il faut noter que de nombreux projets sont mis en oeuvre en lien avec les organisations internationales telles que l'OIM et le HCR. Ce sont des points discutés prioritairement par la Commission avec les autorités tunisiennes. Enfin, s'agissant de l'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est la seule administration responsable de l'application, sur le territoire national, de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, puis de la convention de New York de 1954. Il statue en toute indépendance sur les demandes d'asile et de statut d'apatride qui lui sont soumises, dans le cadre juridique applicable.

Données clés

Auteur : Mme Ersilia Soudais

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 3 décembre 2024

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