Question orale n° 97 :
Pour la sauvegarde du site de Vencorex

17e Législature

Question de : Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Marie-Noëlle Battistel attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, sur la situation de l'usine Vencorex à Pont de Claix, en Isère. Présente sur la plateforme chimique depuis 1916, Vencorex produit du sel, du chlore, de la soude et les dérivés monomères, isocyanates, indispensables aux secteurs stratégiques que sont la défense, l'aérospatiale ou le nucléaire. L'entreprise qui a été placée en redressement judiciaire en septembre n'a depuis pas reçu d'offres de reprise sérieuse et voit aujourd'hui son avenir suspendu aux choix qui peuvent être faits. Sa fermeture serait une catastrophe. Une catastrophe pour les 550 salariés qui la font vivre mais aussi pour toute la filière chimique du Sud grenoblois et de la région Auvergne Rhône-Alpes qui verrait à terme plus de 6 000 emplois directement menacés. Une catastrophe pour l'ensemble de l'industrie chimique du pays dont la chute du premier domino pourrait entraîner, en cascade, l'écroulement d'une filière souveraine qui permet aujourd'hui d'assurer la défense nationale ou la fabrication du carburant d'Ariane. Il n'y a pas de fatalité, cette catastrophe peut être évitée. L'ensemble des salariés, des organisations syndicales, des élus locaux de toutes sensibilités sont aujourd'hui mobilisés pour défendre l'avenir du site. Ils ont proposé à l'État de prendre ses responsabilités et de nationaliser temporairement cette entreprise. Il s'agit d'une demande raisonnable, rationnelle, pragmatique et partagée au-delà des sensibilités politiques, qui peut répondre à l'urgence et proposer un horizon pour l'ensemble de la filière chimique française. Elle souhaite connaître sa position et celle du Gouvernement sur l'opportunité et les modalités d'une nationalisation de Vencorex.

Réponse en séance, et publiée le 22 janvier 2025

USINE VENCOREX DU PONT-DE-CLAIX
M. le président . La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n°  97, relative à l'usine Vencorex du Pont-de-Claix.

Mme Marie-Noëlle Battistel . Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

Les crises sanitaires comme énergétiques que nous avons traversées nous ont convaincus, s'il en était besoin, de l’urgence de réindustrialiser notre pays. La souveraineté, l’emploi et l’autonomie sont autant de principes que nous partageons et qui doivent nous guider sur le chemin d’une industrie française et européenne puissante et indépendante. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de démontrer notre détermination collective et d'agir pour conserver le tissu industriel de notre pays.

Avant même de penser à réindustrialiser, il faut nous battre pour conserver nos fleurons, qui font la fierté et la force de notre pays. Au Pont-de-Claix, en Isère, l’usine Vencorex, présente sur la plateforme chimique créée en 1916, produit du sel, du chlore, de la soude et les dérivés monomères et isocyanates, indispensables aux secteurs stratégiques comme la défense, l’aérospatiale ou le nucléaire.

Depuis qu'elle a été placée en redressement judiciaire en septembre, l'entreprise n’a reçu aucune offre de reprise sérieuse. Aujourd'hui, son avenir est suspendu aux choix que nous pouvons faire. Sa fermeture serait une catastrophe pour les 550 salariés, mais aussi pour la filière chimique du Sud Grenoblois et la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui verraient à terme plus de 6 000 emplois directement menacés. Ce serait aussi une catastrophe pour l’ensemble de l’industrie chimique de notre pays : la chute du premier domino pourrait entraîner l’écroulement d’une filière souveraine qui nous permet d’assurer notre défense ou la fabrication du carburant d’Ariane. Les premiers effets sont déjà visibles chez Arkema, qui réfléchit à une restructuration et à la fermeture éventuelle d'ateliers. Ce n'est que le début d'une longue série, si nous n'agissons pas.

À cinquante jours de la fermeture de deux des dix-huit plateformes chimiques françaises, il n’y a pas de fatalité : cette catastrophe peut être évitée. Les salariés, les organisations syndicales et les élus de toutes sensibilités ont proposé à l’État de prendre ses responsabilités et de nationaliser temporairement cette entreprise. Cette demande raisonnable, rationnelle et pragmatique offrirait un horizon à la totalité de la filière française. Elle conforterait notre souveraineté industrielle, grâce à l’intervention de l’État, et éviterait de voir s'envoler à l'étranger les millions d'euros d'investissement public déboursés ces dernières années.

Des mesures concrètes sont attendues de votre part, par les 6 000 salariés, qui seront demain devant Bercy et qui ont derrière eux tout le territoire. L'avenir de l'industrie en France en dépend. La réponse que vous venez de donner à notre collègue n'est vraiment pas satisfaisante. Il y a quelques années, des nationalisations temporaires ont permis le redémarrage d'activités. Au regard des milliards que coûteraient la restructuration et la dépollution de ce site, une renationalisation à 200 millions n'est pas un investissement à perte mais un investissement permettant de maintenir la souveraineté industrielle de la chimie française. C'est ce que nous attendons.

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Vous avez interrogé mon collègue Marc Ferracci sur la situation de Vencorex. Comme j'ai eu l'occasion d'en parler tout à l'heure, ma réponse sera la même. La procédure de redressement judiciaire ouverte en septembre a été déclenchée par la décision de l'actionnaire thaïlandais de ne plus assumer les pertes de l'entreprise. Cette décision a été prise après cinq mois de procédure de conciliation.

Dans ce contexte, la délégation interministérielle aux restructurations d'entreprise (Dire) s'est investie pendant plusieurs mois. Son objectif a été de chercher des solutions pour les salariés, mais aussi de limiter l'impact de la défaillance de l'entreprise sur ses clients et ses fournisseurs. Pour les salariés de Vencorex, cela se traduit par le traitement social que j'ai évoqué tout à l'heure, avec le déblocage d'une importante indemnité de 40 000 euros par salarié, qui ne serait pas repris à l'issue de la procédure collective. L'actionnaire mettra en œuvre toutes les mesures nécessaires. Quant à l'État, son action a permis de circonscrire au maximum les effets en chaîne sur la chimie française et les activités mettant en jeu notre souveraineté.

L'absence de perspectives de redressement du marché et le coût très important d'une telle reprise n'ont pas permis de construire des scénarios industriels viables. Seule la filiale hongroise d'un industriel chinois s'est positionnée pour reprendre un petit périmètre et une cinquantaine d'emplois. Le diagnostic posé par tous ces acteurs est qu'il n'existe pas d'équilibre économique à la reprise de tout ou partie de ces activités. Enfin, le gouvernement a déjà pu exprimer sa position sur la nationalisation. Pour rappel, le seul plan présenté prévoyait des pertes cumulées de plusieurs centaines de millions d'euros sur près de dix ans. Il n'existe donc pas de perspectives pour le modèle économique de Vencorex. Dans ce contexte, la nationalisation n'est pas une solution envisagée.

M. le président . La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel . Vous avez strictement répété vos précédents propos sans répondre à la fin de ma question. Avez-vous comparé l'investissement à engager pour une nationalisation temporaire et l'investissement nécessaire à la remise en état du site, que l'État thaïlandais ne fera pas ? À la fin, l'investissement sera dix fois plus coûteux pour l'État ou les collectivités. Cette réponse est donc inacceptable. En effet, une renationalisation est tout à fait raisonnable, comme l'a montré, il y a quelques mois, le plan équilibré proposé par l'entreprise. On comprend assez mal qu'il soit refusé. Demain, les salariés et les élus iront devant Bercy et seront reçus, je l'espère, par le ministre, afin d'étudier cette solution.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Industrie et énergie

Ministère répondant : Industrie et énergie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 janvier 2025

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