Anonymat sur les réseaux sociaux
Question de :
M. Philippe Bonnecarrère
Tarn (1re circonscription) - Non inscrit
M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur les effets préoccupants de l'anonymat sur les réseaux sociaux. Cette pratique favorise la diffusion de contenus de désinformation et de messages de haine, souvent relayés massivement sur les plateformes numériques. Les jeunes, particulièrement présents en ligne, en sont les premières victimes, qu'il s'agisse de manipulation, de harcèlement ou d'atteintes psychologiques durables. Dans ces conditions, il souhaite savoir si le Gouvernement envisage d'examiner les modalités selon lesquelles l'anonymat pourrait être limité, voire interdit sur les réseaux sociaux. Il lui demande également quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour concilier liberté d'expression, protection des usagers et lutte contre ces dérives, bien qu'il ne perçoive pas avec évidence comment l'anonymat pourrait être considéré comme une forme de liberté d'expression.
Réponse publiée le 9 décembre 2025
La protection des utilisateurs en ligne, en particulier des mineurs, est une priorité politique forte du Gouvernement. Dès 2022, les autorités françaises se sont pleinement investies dans la négociation du règlement européen sur les services numériques (DSA), dont l'adoption a permis de renforcer significativement le cadre juridique applicable aux plateformes numériques offrant leurs services sur le marché européen. Au titre du DSA, les plateformes ont désormais pour obligation de proposer des outils de signalement faciles d'accès et d'utilisation pour les utilisateurs européens et de rapidement retirer les contenus illégaux qui leurs sont signalés. Dans ce cadre, les plateformes doivent également coopérer avec des « signaleurs de confiance ». En France, plusieurs associations de protection des mineurs et de lutte contre la haine en ligne (e-Enfance, Point de Contact, Crif, Licra, etc.) ont obtenu ce statut auprès de l'Arcom. Les plateformes doivent ainsi veiller à ce que leurs signalements soient traités en priorité et donnent lieu à des décisions dans les meilleurs délais. Les très grandes plateformes en ligne sont par ailleurs soumises à des obligations renforcées. Au moins une fois par an, elles doivent réaliser une analyse des risques dits « systémiques » qu'elles font peser sur les utilisateurs en matière de haine en ligne, de manipulation de l'information ou encore pour la santé des mineurs et, partant, prendre les mesures nécessaires pour atténuer ces risques. En matière de protection des mineurs, la Commission européenne est récemment venue préciser les mesures attendues pour ces plateformes en publiant des lignes directrices qui reprennent plusieurs propositions formulées par les autorités françaises (mise en place de paramétrages par défaut pour les mineurs, encadrement des fonctionnalités addictives, contrôle du temps d'écran, etc.). Conformément à la ligne soutenue par les autorités françaises, la Commission a confirmé au travers de ces lignes directrices une marge de manœuvre au niveau des Etats membres pour fixer un âge minimal pour l'accès aux réseaux sociaux. Lorsqu'un Etat membre fixe un tel âge minimal, le réseau social est tenu de mettre en place un mécanisme de vérification de l'âge. En France, le Gouvernement travaille ainsi activement à l'instauration d'un seuil d'âge pour accéder aux réseaux sociaux, qui permettra de renforcer sans attendre la protection des mineurs dans l'espace numérique. Au niveau national, l'adoption de la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) en mai 2024 est également venue améliorer la protection des citoyens en ligne, en renforçant l'arsenal du juge qui peut désormais prononcer une peine complémentaire de « bannissement numérique » lorsqu'il condamne une personne pour des faits de haine en ligne, de cyberharcèlement ou d'autres infractions graves. Ce dispositif permettra de lutter plus efficacement contre la haine en ligne, non seulement, en bloquant le compte utilisé pour commettre ce type de délit, mais en faisant également obstacle à la création de nouveaux comptes par la personne condamnée. Enfin, s'agissant de la levée de l'anonymat sur les réseaux sociaux, il convient de rappeler que l'anonymat en ligne n'existe pas. Si l'utilisation de ces plateformes peut reposer sur l'usage de pseudonymes et de coordonnées fournies sur une base déclarative, les autorités publiques sont le cas échéant en capacité de retrouver l'identité de l'auteur d'une infraction commise en ligne à partir de ses données de connexion. Le cadre légal en vigueur en France, en particulier l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), impose en effet aux réseaux sociaux de conserver toutes données permettant d'identifier les auteurs des contenus diffusés sur leurs services. Le décret du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d'identifier toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne précise à cet égard la liste des données qui doivent obligatoirement être conservées par les réseaux sociaux, notamment les données techniques permettant d'identifier la source de la connexion et celles relatives aux équipements terminaux utilisés. Partant, le juge a le pouvoir d'enjoindre aux plateformes de lui transmettre ces données et, par exemple dans le cas de recueil de l'adresse IP, de faire correspondre l'identité civile qui s'y rattache après demande aux fournisseurs d'accès à Internet. Les services de répression ont donc les moyens, par réquisition, d'obtenir l'identité des auteurs de contenus haineux, qui ne peuvent pas se cacher derrière le pseudonymat pour échapper aux poursuites. Au niveau national, la lutte contre la haine en ligne passe ainsi en priorité par une mise à niveau de l'arsenal et les moyens de la réponse judiciaire. C'est l'objectif poursuivi par le Gouvernement avec le déploiement du dispositif « plainte en ligne » pour faciliter les démarches des victimes et la mise en place de plusieurs équipes spécialisées dans la lutte contre la cybercriminalité au sein de la Juridiction Nationale de Lutte contre la Criminalité Organisée (JUNALCO), du Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) et bientôt du Parquet national anticriminalité organisée (PNACO), pour permettre à l'appareil judiciaire d'agir plus rapidement et plus efficacement contre les auteurs d'agressions en ligne et ainsi mettre fin au sentiment d'impunité sur les réseaux sociaux.
Auteur : M. Philippe Bonnecarrère
Type de question : Question écrite
Rubrique : Internet
Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique
Ministère répondant : Intelligence artificielle et numérique
Dates :
Question publiée le 23 septembre 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025