Réforme de l'appel civil et défense du service public de la justice
Question de :
M. Julien Gokel
Nord (13e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Julien Gokel attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les inquiétudes majeures suscitées par le projet de décret dit « RIVAGE » relatif à la procédure d'appel civil. Présenté comme une mesure de simplification, ce projet conduirait en réalité à une restriction du droit d'appel et, plus largement, du droit au juge, en dépit du principe fondamental d'égalité devant la justice. En relevant à 10 000 euros le seuil du dernier ressort, alors qu'il a toujours oscillé entre 5 000 et 6 000 euros, le Gouvernement priverait des milliers de justiciables modestes de la possibilité d'exercer un recours. Ce relèvement risquerait ainsi d'instituer une justice à deux vitesses : une justice pour les riches, une autre pour les autres. De surcroît, les nouvelles dispositions introduiraient des mécanismes de filtrage et d'irrecevabilité automatiques, créant un risque majeur de déni de justice. Les « ordonnances de tri » envisagées, qui permettraient à la juridiction d'écarter un appel sans examen au fond, n'ont pas leur place dans un État de droit. La justice n'est pas une administration chargée de réguler des flux, mais un service public constitutionnel garantissant les droits et libertés de chacun. Le projet est en outre porteur d'injustices territoriales majeures : en l'absence d'un encadrement des pratiques des cours d'appel, il créerait des divergences d'interprétation et d'application du droit selon les ressorts. Pour les décisions les plus déséquilibrées, le pourvoi en cassation resterait illusoire, condamnant des familles à subir des situations inéquitables et irréversibles. M. le député rappelle que le droit n'est pas un coût, mais un pilier du pacte républicain. Il ne saurait être traité comme une variable budgétaire au nom d'une prétendue simplification ou d'économies minimes, qui auraient pour effet de retirer peu à peu aux citoyens les garanties élémentaires de leur défense – par un avocat le cas échéant – et leur accès à une justice de proximité. Aussi, il lui demande s'il entend renoncer à ces dispositions de filtrage contraires au droit d'accès au juge et s'il compte ouvrir un véritable débat démocratique sur la réforme de la justice civile, fondé sur la proximité, la clarté, la cohérence et la lisibilité du droit procédural, ainsi que sur le respect des acteurs de la justice, plutôt que d'imposer, par voie réglementaire, des mesures de tri indignes d'un État de droit.
Auteur : M. Julien Gokel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date :
Question publiée le 11 novembre 2025