Points-clés
Le contrôle de constitutionnalité des lois (ainsi que des traités et engagements internationaux) est exercé par le Conseil constitutionnel.

Le Conseil peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et, depuis la révision constitutionnelle de 1974, 60 députés ou 60 sénateurs, pour contrôler la constitutionnalité d’une loi entre le moment de son adoption et celui de sa promulgation. La procédure est écrite, inquisitoriale et secrète.

Les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires font l’objet d’une transmission d’office au Conseil constitutionnel.

Une décision déclarant une loi inconstitutionnelle fait obstacle à sa promulgation. Si seule une partie du texte est déclarée inconstitutionnelle, la loi peut être partiellement promulguée si les articles non conformes sont « séparables » de l’ensemble du dispositif. Le Conseil constitutionnel peut aussi déclarer des dispositions législatives conformes à la Constitution sous certaines réserves d’interprétation.

Le Conseil constitutionnel peut également être saisi a posteriori, en application de l’article 61 1 introduit dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Ce droit nouveau, dénommé « question prioritaire de constitutionnalité », est applicable depuis le 1er mars 2010.

 

Le contrôle de constitutionnalité des lois permet de vérifier la conformité de ces dernières aux normes constitutionnelles. L’instauration d’un contrôle de constitutionnalité en France en 1958 a renforcé l’autorité de la Constitution et a donné lieu à une jurisprudence aux conséquences importantes.

I. –    LES DIFFÉRENTS CONTRÔLES

1. –    LE CONTRÔLE OBLIGATOIRE (ARTICLE 61, ALINÉA 1, DE LA CONSTITUTION)

Les lois organiques avant leur promulgation et les règlements des assemblées (Assemblée nationale, Sénat, Congrès, Haute Cour) avant leur mise en application sont transmis d’office au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution dans un délai d’un mois (délai pouvant être ramené à huit jours en cas d’urgence, à la demande du Gouvernement).

Le contrôle de constitutionnalité ne se limite pas à la vérification de la conformité à la seule Constitution au sens strict. Il s’étend à ce qu’il est convenu d’appeler le « bloc de constitutionnalité ». Celui-ci comprend notamment les principes contenus dans la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ceux contenus dans le préambule de la Constitution de 1946, les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et les « principes particulièrement nécessaires à notre temps » au sens de ce préambule de 1946, ainsi que la Charte de l’environnement.

En raison des exigences propres à la hiérarchie des normes, la conformité à la Constitution des règlements des assemblées doit s’apprécier au regard tant de la Constitution (donc du « bloc de constitutionnalité »), que des lois organiques prévues par celle-ci et des mesures législatives prises pour son application.

2. –    LE CONTRÔLE A PRIORI DES LOIS ORDINAIRES (ARTICLE 61, ALINÉA 2, DE LA CONSTITUTION)

Seules les lois ordinaires votées par le Parlement sont concernées, le Conseil constitutionnel s’étant déclaré incompétent en ce qui concerne les lois adoptées par la voie du référendum.

Le Conseil peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et, depuis la révision constitutionnelle de 1974, soixante députés ou soixante sénateurs. La saisine ne peut intervenir que pendant le délai de promulgation d’un texte voté, c’est-à-dire pendant quinze jours au plus. Elle suspend la promulgation du texte.

Le Conseil doit se prononcer dans le même délai que pour le contrôle des lois organiques et des règlements des assemblées (un mois pouvant être ramené à huit jours en cas d’urgence, à la demande du Gouvernement).

Lorsque le Conseil constitutionnel déclare la loi conforme à la Constitution, celle ci peut être promulguée.

À l’inverse, une décision déclarant la totalité d’une loi contraire à la Constitution fait obstacle à sa promulgation. La procédure législative qui a conduit à l’adoption d’une telle loi se trouve annulée et il n’y a d’autre solution que de la reprendre dès l’origine, sauf si le motif de non-conformité constitue un obstacle déterminant supposant, par exemple, une modification préalable de la Constitution elle-même.

Enfin, le Conseil constitutionnel peut décider qu’une loi est en partie conforme à la Constitution. Dans une telle hypothèse, plus fréquente que la précédente, la loi peut être promulguée, à l’exception de ses articles ou parties d’articles déclarés contraires à la Constitution (et à condition que ceux-ci soient « séparables » de l’ensemble du dispositif).

3. –    LE CONTRÔLE A POSTERIORI DES LOIS ORDINAIRES (ARTICLE 61-1 DE LA CONSTITUTION)

Jusqu’à une date récente, la Constitution n’organisait aucun contrôle de la loi une fois celle-ci promulguée. Le Conseil admettait toutefois, depuis une décision du 25 janvier 1985, que la constitutionnalité d’une loi promulguée « peut être utilement contestée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ».

L’article 61-1 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, a ouvert un droit nouveau au bénéfice des justiciables, permettant que le Conseil constitutionnel puisse être saisi, à l’occasion des procès intentés devant les juridictions administratives et judiciaires, de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis de dispositions législatives promulguées : c’est la procédure dite de « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC).

La loi organique du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution prévoit que toute juridiction peut être saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité par une partie à une instance. La juridiction doit alors l’examiner sans délai (d’où le caractère prioritaire de cette question, qui prime sur toute autre) et la transmettre à la juridiction suprême de son ordre (Conseil d’État pour l’ordre administratif, Cour de cassation pour l’ordre judiciaire) si elle porte sur une disposition applicable au litige, qui n’a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel (sauf changement de circonstances), et qu’elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux. La transmission de la question a pour effet de suspendre le cours de l’instance à l’occasion de laquelle la question a été soulevée (excepté lorsqu’une personne est privée de liberté à raison de l’instance ou lorsque la juridiction doit statuer dans un délai déterminé ou en urgence).

Un second filtre est ensuite assuré par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, auxquels la question prioritaire de constitutionnalité a été transmise par une juridiction de leur ordre ou qui en sont directement saisis. Ils sont chargés, pour leur part, de vérifier, dans un délai de trois mois, que la question porte sur une disposition applicable au litige, qui n’a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel (sauf changement de circonstances), et qu’elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

La question qui répond à ces critères est alors renvoyée au Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de trois mois sur la constitutionnalité de la disposition législative ainsi contestée. Une question qui n’aurait pas été examinée par le Conseil d’État ou la Cour de cassation dans le délai de trois mois qui leur est imparti est automatiquement transmise au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel peut aussi être directement saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité lorsque celle-ci est posée à l’occasion d’un contentieux dont il est juge (contentieux des élections législatives et sénatoriales ; contentieux des actes préparatoires à l’élection du Président de la République).

Le Conseil n’examine que les dispositions contestées qui sont de nature législative et il refuse ainsi, comme en contrôle a priori, de connaître de dispositions législatives adoptées par la voie du référendum. Jusqu’en 2020, il refusait également de connaître des dispositions issues d’une ordonnance non ratifiée (1) . Désormais il considère qu’elles « doivent être regardées, dès l’expiration du délai d’habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l’article 61 1 de la Constitution » (2) .

Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel confronte uniquement la disposition contestée aux « droits et libertés que la Constitution garantit ». Le respect des autres exigences constitutionnelles (notamment les règles relatives à la procédure d’adoption de la loi) n’est pas contrôlé à cette occasion : il ne peut l’être que lors du contrôle a priori.

S’il la juge inconstitutionnelle, le Conseil constitutionnel abroge la disposition contestée. Le deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution lui confie alors le soin de moduler dans le temps les effets de sa décision et de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition abrogée a produits sont susceptibles d’être remis en cause. 

4. –    LE CONTRÔLE DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX (ARTICLE 54 DE LA CONSTITUTION)

Ce contrôle vise aussi bien les traités que les autres engagements internationaux. La procédure suivie est la même que celle qui s’applique aux lois, le Conseil constitutionnel pouvant être saisi par les mêmes personnes (la saisine n’a toutefois été élargie à soixante députés ou soixante sénateurs qu’en 1992) jusqu’à la ratification du traité. Si le traité n’est pas conforme à la Constitution, cette dernière doit être révisée préalablement à sa ratification.

5. – LE CONTRÔLE DES PROPOSITIONS DE LOI DE L’ARTICLE 11, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ouvert la possibilité, sous certaines conditions, d’organiser un référendum sur une proposition de loi portant sur l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution (organisation des pouvoirs publics, réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, autorisation de la ratification d’un traité).

Conformément à la loi organique du 6 décembre 2013, dès lors qu’une telle proposition de loi présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement est déposée sur le bureau de l’une des assemblées, le Conseil constitutionnel auquel cette proposition est transmise doit vérifier, dans un délai d’un mois à compter de la transmission, qu’aucune de ses dispositions n’est contraire à la Constitution et qu’elle remplit les autres exigences posées par la loi organique.

Ce n’est qu’après que le Conseil constitutionnel a déclaré la proposition de loi conforme à la Constitution que les opérations de recueil des soutiens des électeurs à cette proposition de loi peuvent débuter – le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales étant requis pour qu’un référendum soit organisé. Une fois que le Conseil constitutionnel est saisi, le déroulement de la procédure prévue par l’article 11 de la Constitution ne peut être interrompu par un retrait de la proposition de loi.

Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, le 1er janvier 2015, le Conseil constitutionnel a été saisi de deux propositions de loi en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution.

Considérée comme conforme aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution et par l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 (3), la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris n’a cependant pas obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (4) . 

S’agissant de la seconde proposition de loi, intitulée proposition de loi de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité, le Conseil constitutionnel a jugé que certaines de ses dispositions étaient contraires à la Constitution, ce qui ne permettait pas de poursuivre la procédure dite du « référendum d’initiative partagée », et donc d’engager le recueil des soutiens des électeurs (5) .

II. – LE CONTENU ET L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS

1. –    LE CONTENU DES DÉCISIONS

Dans le cadre du contrôle a priori, la procédure est écrite et inquisitoire. Le texte de la saisine, depuis 1983, et les observations en réponse du secrétaire général du Gouvernement qui est chargé de la défense de la loi, depuis 1995, sont publiés au Journal officiel. Depuis 2019, le Conseil constitutionnel rend également publiques les contributions extérieures qui peuvent lui être adressées par des personnes physiques ou morales concernées par la loi soumise à son contrôle, autrefois appelées « portes étroites ». L’ensemble de ces éléments figure sur le site internet du Conseil, dans les dossiers accompagnant les décisions qu’il rend. 

Le règlement intérieur sur la procédure suivie pour les déclarations de conformité à la Constitution, adopté le 11 mars 2022, dispose que, à compter du 1er juillet de la même année, le texte des saisines sera rendu public sur le site Internet du Conseil constitutionnel dès qu’elles lui seront adressées. Les députés ou sénateurs auteurs d’une saisine pourront demander à être auditionnés. Le rapporteur pourra recueillir des observations écrites de la part d’autres députés et sénateurs, celles-ci étant alors versées au dossier de la procédure et notifiées aux parties qui pourront y répondre par voie écrite.

La procédure mise en œuvre devant le Conseil constitutionnel dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité est prévue par la loi organique du 10 décembre 2009 et le règlement intérieur du Conseil. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L’audience est publique, sauf cas exceptionnels. Le Président de la République, le Premier ministre et les Présidents des deux assemblées, avisés de toute question prioritaire de constitutionnalité renvoyée au Conseil constitutionnel, peuvent adresser à ce dernier des observations. En pratique, seul le secrétaire général du Gouvernement adresse systématiquement des observations au nom du Premier ministre.

En ce qui concerne les engagements internationaux, les lois organiques et les règlements des assemblées, le Conseil constitutionnel doit vérifier la conformité à la Constitution de l’ensemble du texte.

Lorsqu’il examine une loi ordinaire, s’il est uniquement tenu de répondre aux questions posées par la saisine, le Conseil constitutionnel peut toutefois également se saisir d’office d’autres dispositions de ce texte de loi ou de questions de procédure qui n’ont pas été évoquées dans la saisine. C’est ainsi, notamment, qu’il censure régulièrement des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire des dispositions introduites par amendement qui ne présentent pas de lien, même indirect, avec le projet ou la proposition en discussion, en méconnaissance de l’article 45, alinéa 1, de la Constitution, ou bien des dispositions introduites après la première lecture sans respecter le principe de « l’entonnoir ». 

Lorsqu’il contrôle une loi organique, le Conseil peut être amené à relever qu’une de ses dispositions n’a pas le caractère organique. Dans ce cas, il procède à sa requalification – ce qui autorise la modification par une loi ordinaire de cette disposition, même si elle demeure formellement insérée dans une loi organique.

Le Conseil peut déclarer des dispositions législatives ou du règlement d’une assemblée conformes sous certaines réserves d’interprétation, soit en précisant la manière dont elles doivent être interprétées (interprétation neutralisante), soit en les complétant (interprétation constructive), soit en précisant la manière dont elles doivent être appliquées (interprétation directive).

2. –    L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS

Un traité déclaré inconstitutionnel ne peut être ratifié qu’après une modification de la Constitution.

Une disposition du règlement d’une assemblée déclarée inconstitutionnelle ne peut être mise en application, tandis que celle d’une loi ne peut être promulguée. S’il s’agit d’une loi, le Président de la République peut cependant promulguer la loi amputée ou demander une nouvelle délibération au Parlement (second alinéa de l’article 10 de la Constitution).

Dans le cas du contrôle a posteriori, la disposition législative inconstitutionnelle est abrogée. Faisant usage de la faculté de modulation des effets de sa décision dans le temps, ouverte par l’article 62, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil peut prévoir une abrogation à effet différé (en précisant la date de cet effet différé). Cela permet au législateur d’apprécier les conséquences qu’il convient de tirer de la déclaration d’inconstitutionnalité.

Les décisions du Conseil constitutionnel sont publiées au Journal officiel et ont l’autorité de la chose jugée, qui s’attache non seulement au dispositif, mais également aux motifs. Elles « s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » (article 62, alinéa 3, de la Constitution).

  

(1) Décision n° 2011-219 QPC du 10 février 2012, M. Patrick É. (Non-lieu : ordonnance non ratifiée et dispositions législatives non entrées en vigueur), cons. 3.

(2) Décisions n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 et n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020.

(3) Décision du Conseil constitutionnel n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019.

(4) Décision du Conseil Constitutionnel n° 2019-1-8 RIP du 26 mars 2020.

(5) Décision du Conseil constitutionnel n° 2021-2 RIP du 6 août 2021.

 

Septembre 2023