Investissements « greenfield » et souveraineté économique
Question de :
M. Philippe Juvin
Hauts-de-Seine (3e circonscription) - Droite Républicaine
M. Philippe Juvin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique sur le traitement des investissements de création, communément qualifiés d'investissements greenfield, dans le cadre du contrôle des investissements étrangers en France (IEF). Les lignes directrices de la direction générale du Trésor relatives à la procédure de contrôle IEF indiquent en effet que les opérations consistant, pour un investisseur étranger, à créer ex nihilo une implantation ou une entité en France ne sont pas, en tant que telles, soumises au dispositif de contrôle, tout en précisant que celui-ci peut s'appliquer à des opérations ultérieures réalisées par l'entité nouvellement constituée. Parallèlement, au niveau de l'Union européenne, la Commission a présenté, le 24 janvier 2024, la proposition COM(2024) 23 final visant à renforcer et à harmoniser le filtrage des investissements étrangers au sein de l'Union. L'économie générale de ce texte permet explicitement d'appréhender les investissements de création parmi les opérations susceptibles d'être examinées, en particulier lorsqu'ils concernent des capacités ou des activités sensibles. Il en résulte une situation dans laquelle la France apparaît, sur ce point précis, moins-disante au regard de l'orientation désormais promue au niveau européen. Cette situation est d'autant plus paradoxale que, dans l'instruction de certains dossiers, la direction générale du Trésor sollicite la production du formulaire de notification prévu par le règlement (UE) 2019/452, formulaire harmonisé au niveau de l'Union, qui comporte précisément des rubriques relatives aux investissements de type greenfield. Il en découle, à tout le moins, un décalage persistant entre l'approche française, principalement centrée sur des opérations d'acquisition et l'orientation européenne. Surtout, l'exclusion de principe des investissements greenfield du champ du contrôle IEF est susceptible de constituer une faille majeure en matière de sécurité économique : un investisseur étranger peut, en pratique, implanter en France, sans autorisation préalable, une capacité ou une activité relevant d'un secteur sensible, alors même que les enjeux de souveraineté, de continuité d'activité ou de maîtrise des technologies critiques peuvent être comparables à ceux soulevés par une opération d'acquisition. Dès lors, alors que les négociations ont abouti, le 11 décembre 2025, à un accord politique provisoire entre le Conseil et le Parlement européen sur la révision du cadre de filtrage des investissements étrangers, consacrant un renforcement substantiel du dispositif européen, il lui demande si le Gouvernement entend maintenir la doctrine actuelle excluant les investissements greenfield du contrôle IEF ou s'il envisage, au contraire, de faire évoluer le cadre applicable afin de permettre, lorsqu'un projet de création porte sur une activité ou une capacité sensible, un examen préalable, notamment par une adaptation de la définition réglementaire de la notion d'« investissement ».
Auteur : M. Philippe Juvin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Date :
Question publiée le 23 décembre 2025