Situation du fret ferroviaire en France
Question de :
M. Rodrigo Arenas
Paris (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Rodrigo Arenas alerte Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur l'avenir du fret ferroviaire en France suite à l'annonce par la Commission européenne de sa volonté d'infliger à Fret SNCF une amende record de 5,3 milliards d'euros. Une nouvelle fois, Bruxelles a décidé de faire primer sa logique de marché sur les impératifs écologiques et sur l'avenir de milliers de salariés. En réaction, le Gouvernement a communiqué sur la mise en place d'une solution dite de discontinuité. Concrètement, Fret SNCF disparaîtrait au profit d'une société nouvelle et aux moyens réduits. La branche des trains dédiés serait cédée à la concurrence, bien qu'ils représentent 20 % du chiffre d'affaires actuel et 10 % des effectifs, soit 453 emplois. Ce choix de poursuivre l'ouverture à la concurrence d'un secteur clé dans la lutte contre le dérèglement climatique pose question. Démarrée en 2006, cette stratégie s'est avérée un véritable échec, le fret ferroviaire étant passé de 20 % du transport de marchandises en 2006 à 10 % en 2019. Cette dynamique s'est doublée d'un désengagement chronique de l'État dans les investissements sur le réseau ferroviaire. La France figure aujourd'hui parmi les plus mauvais élèves d'Europe et ne semble plus en capacité de répondre correctement à la demande croissante des acteurs économiques pour le fret, comme en témoignent les comptes excédentaires de Fret SNCF ces deux dernières années. Ainsi, malgré ce retour d'expérience très négatif d'ouverture à la concurrence, le Gouvernement assume d'abandonner des liaisons stratégiques et rentables comme le train des primeurs entre Perpignan et Rungis. Tenir l'objectif de doublement du fret ferroviaire d'ici 2030 semble peu crédible. La revalorisation des investissements annoncée par M. le ministre ne s'appliquera qu'à partir de 2025 et paraît faible au vu de l'état du réseau. En 5 ans, 800 km de voies ont fermé et l'âge moyen du réseau est bien supérieur à celui des voisins européens de la France. Par ailleurs, ces investissements publics bénéficieront largement à des sociétés ferroviaires privées, dont celles qui récupèreront la gestion des trains dédiés de Fret SNCF, activité la plus rentable. En somme, rien n'est fait aujourd'hui pour assurer avec certitude l'avenir du fret ferroviaire public en France. Pourtant, des solutions existent. La France doit monter le ton face à Bruxelles pour que ses logiques libérales néfastes cessent de passer devant les actions environnementales de bon sens. De plus, les garanties apportées aux 453 travailleurs, dont l'emploi est menacé, mériteraient d'être étoffées. Il s'agit de travailleurs avec des compétences précieuses, acquises par des années de formation et de métier, qui sont pressurisés depuis plusieurs années dans un secteur en difficulté à cause des politiques néolibérales bien décidées à casser l'outil de production. La décarbonation du secteur des transports doit passer par une véritable planification. De nombreux outils existent pour y parvenir : taxation des surprofits des sociétés d'autoroute, mise en place d'une écotaxe sur les camions en transit refusant le train, ou encore le conditionnement de l'installation des nouvelles zones logistiques au raccordement au réseau. Ces mesures permettraient à la fois de redonner au fret ferroviaire des moyens à la hauteur des ambitions socio-écologiques, mais également de rendre la politique de transport du pays plus indépendante et efficace. Il lui demande quand le Gouvernement engagera un plan pour aboutir à un véritable service public unifié du transport ferroviaire et routier de marchandises au service de l'emploi et de la lutte contre le changement climatique.
Réponse publiée le 13 mai 2025
L'État est pleinement engagé dans la relance du fret ferroviaire, afin d'atteindre l'objectif d'un doublement de la part modale d'ici 2030 (de 9 % à 18 %) inscrit en août 2021 dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique. L'État a publié à cet effet une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en septembre 2021. Celle-ci est en cours de déploiement et comprend 72 mesures opérationnelles construites en partenariat étroit avec les acteurs du secteur. Dans le sillage du lancement de cette stratégie, une enveloppe budgétaire additionnelle de 170 M€ a été mise en place à partir de la loi de finances initiales de 2021 afin de renforcer les soutiens à l'exploitation aux services. La stratégie nationale de développement du fret ferroviaire prévoyait le maintien de cette enveloppe supplémentaire jusqu'en 2024, son maintien jusqu'en 2030 a été annoncé en mai 2023 afin de continuer à soutenir les opérateurs fortement impactés par les crises récentes (coûts de l'énergie, mouvements sociaux début 2023) et d'améliorer leur compétitivité dans l'objectif de développement de ces services. Il a également été annoncé que son montant passera à 200 M€ en 2025, avec l'augmentation de l'aide à l'exploitation des services de wagon isolé qui passera de 70 M€ à 100 M€ annuels. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé un plan d'investissement de 4 Md€ dont la moitié proviendra de l'État. L'ambition est, d'ici 2032, de poursuivre la dynamique d'investissement initiée dans le cadre du plan de relance en faveur des infrastructures spécifiques aux services de fret ferroviaire. Un travail partenarial d'identification des investissements dans les différents domaines afférents au secteur et notamment en matière de digitalisation est en cours de finalisation entre l'Etat, SNCF Réseau et les représentants de l'Alliance 4F. Concernant plus spécifiquement le « plan de discontinuité » de Fret SNCF, à la suite de l'ouverture par la Commission européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de l'entreprise, des échanges ont eu lieu entre l'Etat et la Commission. Le Gouvernement met tout en oeuvre, depuis cette date, pour éviter une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Md€. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, à la suppression de nombreux emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque – réel en cas d'inaction – de voir disparaître Fret SNCF, et à travers lui une grande partie du fret ferroviaire français, dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra que la Commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Md€. Cette solution garantit la préservation intégrale du cœur d'activité de Fret SNCF qu'est la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement se fixe, à savoir : l'absence de tout licenciement pour les personnels statutaires comme les contractuels ; l'absence de privatisation (le groupe SNCF conservera la majorité du capital) ; l'absence de report modal sur la route. En ce qui concerne plus spécifiquement les 454 salariés directement impactés par l'abandon des 23 flux, 162 ont désormais rejoint les nouvelles sociétés Hexafret et Technis et assurent des prestations de sous-traitance, et 292 ont vu leur emploi supprimé. Début février, une solution a été trouvée pour 284 d'entre eux : 269 ont ainsi été repositionnés au sein du groupe SNCF (92 %), permettant ainsi de conserver au sein du groupe ferroviaire public des compétences essentielles, 15 ont fait le choix d'une cessation de fonctions (5 %) et l'accompagnement renforcé se poursuit pour les 8 autres salariés (3 %) en vue de leur repositionnement au sein du groupe.
Auteur : M. Rodrigo Arenas
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Partenariat territoires et décentralisation
Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 13 mai 2025