Conditions d'exercice du droit à la formation pour les élus locaux
Question de :
M. Philippe Bonnecarrère
Tarn (1re circonscription) - Non inscrit
M. Philippe Bonnecarrère interroge M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur les conditions d'exercice du droit à la formation pour les élus locaux. L'ordonnance du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux a instauré la création d'un service dématérialisé, « mon compte élu » ou MCE, dédié aux élus locaux. Près de 3 ans après, le bilan sur le terrain de sa mise en œuvre est particulièrement alarmant. Lorsque les parlementaires interrogent la Caisse des dépôts qui gère cette procédure, celle-ci explique que tout va bien puisque la procédure est basée sur les modalités d'authentification dite France Connect +. La Caisse des dépôts explique que le dispositif « mon compte élu » est adossé à la plateforme « mon compte formation » (CPF), que tout ceci a été qualifié par l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et que par ailleurs un téléconseiller est dédié pour accompagner ces procédures dites dématérialisées. La réalité est beaucoup moins brillante, l'accès au compte a été fortement compliqué pour des raisons de cybersécurité renforcée, l'achat par les élus d'une formation dédiée à leur mandat ne passant plus par France Connect mais par France Connect +. Ces modalités impliquent que les élus acquièrent au préalable une nouvelle identité numérique proposée par La Poste, en plus de celle dont disposent la plupart des citoyens. Ils doivent pour cela se déplacer à La Poste, attendre leur facteur ou réaliser une identification visuelle à partir d'une webcam pour pouvoir créer le compte avant de pouvoir accéder à un autre processus : la création de leur dossier de formation sur la plateforme « mon compte formation » élus. Ils doivent ensuite télécharger une application sur leur smartphone pour pouvoir se connecter désormais à leur compte formation élu. Inutile de préciser que les conséquences sont désastreuses avec une forte baisse des effectifs d'élus en formation. Au risque d'insister, la plateforme « mon compte formation élu » ne fonctionne pas techniquement : droits individuels à la formation des élus locaux (DIFE) acquis par un élu et inexistants sur la plateforme, nom de jeune fille ou marital introuvable, problèmes de validation des données saisies, création de nouveaux champs de données à saisir après une maintenance informatique de la plateforme, problème de couplage de l'identité numérique avec la plateforme, etc. Le droit à formation des élus est financé par un prélèvement de 1 % sur les indemnités de fonction des élus depuis 2015. Toujours dans la vraie vie, l'association des maires du Tarn précise que pour une formation de prise de parole en public, sur 15 élus intéressés par une session, 7 ont pu accéder en 2021 à une formation financée dans le schéma précité. Pour cette même formation, à savoir la prise de parole en public, organisée en 2023 par l'association des maires du Tarn, seul 1 dossier a pu être accepté sur 15, 9 ayant réussi à compléter leur bulletin d'inscription avec le nouveau dispositif « mon compte élu ». Cela aboutit à un résultat favorable dans à peine 10 % des cas. Dans ces conditions, la formation a purement et simplement été annulée. Il lui demande donc quelles dispositions il compte prendre pour donner un caractère enfin opérationnel à l'ordonnance du 20 janvier 2021 dont l'idée était de favoriser la formation des élus locaux, objectif à l'évidence non atteint. Ce serait aussi une mesure de simplification bienvenue.
Réponse publiée le 15 avril 2025
Le Gouvernement porte une attention particulière à la situation des élus locaux, en particulier s'agissant de leur droit à la formation. Tout élu local peut se former, soit à l'exercice du mandat dans le cadre du droit à la formation, qui est inscrit dans la loi depuis 1992 et doit obligatoirement être mis en œuvre par chaque collectivité territoriale, soit en mobilisant le droit individuel à la formation (DIFE) sur le volet « exercice du mandat » ou « reconversion de l'élu ». Le DIFE, introduit par la loi n° 2015-366 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat du 31 mars 2015 est mis en œuvre depuis 2017. Le processus papier initialement mis en place pour l'inscription des élus en formation et le paiement des organismes a fait l'objet de nombreuses critiques au regard des délais de traitement observés. Au surplus, les élus locaux ne bénéficiaient d'aucune information sur l'offre de formation disponible, ni leurs droits. Un rapport d'inspection de janvier 2020 sur la formation des élus locaux a étayé ces constats (par exemple la nécessité pour les élus de soumettre leur demande au moins deux mois avant la formation sans qu'une réponse ne leur parvienne au plus tôt une semaine avant la tenue de celle-ci) et ses auteurs ont notamment préconisé la mise en place d'une plateforme dématérialisée. La réforme de la formation des élus locaux de 2021 a ainsi abouti à la mise en place en janvier 2022 de la plateforme « Mon compte Elu » (MCE), adossée à la plateforme « Mon compte formation » (MCF), gérée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). L'automatisation de la procédure d'achat de formation a permis de réduire les délais d'inscription en formation (en 2021, ils étaient de 50 jours et sont aujourd'hui de 6 jours) et d'assurer une meilleure information des élus locaux sur l'offre de formation disponible (au 1er janvier 2025, 179 organismes agréés ont fait le choix de publier leur offre de formation sur MCE, ce qui représente plus de 3 600 formations actives liées à l'exercice du mandat, sans compter les plus de 200 000 offres de formation de MCF pour le volet « reconversion de l'élu »). Des difficultés ont pu apparaître à la première inscription des élus sur la plateforme MCE, liées au référentiel utilisé, à savoir le Répertoire national des élus (RNE), seul fichier existant recensant les titulaires d'un mandat électif. Les données de ce fichier sont issues des éléments fournis par les élus lors de la phase d'enregistrement des candidatures. Ainsi, un ou une élue, selon qu'il ou elle aura fait le choix de déposer sa candidature auprès de la préfecture, sous son nom de famille ou son nom d'usage, apparaît tant dans le RNE que sur MCE sous cette identité. La CDC a mis en place une procédure qui a permis de traiter ces situations au cas par cas. D'autres difficultés sont apparues à compter du 25 octobre 2022 après la décision de sécuriser par l'identification France Connect + l'achat de formations sur MCF et MCE, pour prévenir les fraudes au préjudice des élus locaux. Des actions d'accompagnement ont été mises en œuvre par la CDC et La Poste, en lien notamment avec l'Association des maires de France (AMF). Une procédure « courrier » a été prévue pour les personnes ne pouvant utiliser France Connect +. Depuis juillet 2024, France Identité peut être utilisée comme identité numérique de connexion. Pour tenir compte de ces difficultés, le Gouvernement a décidé dès 2023 de porter le plafond des droits cumulés à 800 euros. Il peut être ajouté que la création d'une identité numérique ne doit être opérée qu'une seule fois et permet l'accès à tous les services dématérialisés (impôts, Ameli, MSA, Plainte en ligne, vote aux élections des TPE, Permis de conduire, cartes grises, CNI et passeports…). Enfin, s'agissant de l'ergonomie de la plateforme, la CDC a organisé des ateliers avec l'AMF pour adapter son contenu. Ces travaux sont en cours.
Auteur : M. Philippe Bonnecarrère
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élus
Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation
Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 15 avril 2025