Abaissement de l'âge d'admission en centres éducatifs renforcés
Publication de la réponse au Journal Officiel du 2 décembre 2025, page 9892
Question de :
Mme Christelle D'Intorni
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - UDR
Mme Christelle D'Intorni appelle l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'âge d'admission dans les centres éducatifs renforcés (CER). En effet, Mme la députée constate que ces établissements d'accueil de mineurs de 14 à 17 ans, délinquants multirécidivistes en grande difficulté ou en voie de marginalisation, ne permettent pas de résorber la délinquance juvénile dans le pays. Pour Mme la députée, ces centres qui procurent des programmes intensifs pendant des sessions de trois à six mois en plus d'un encadrement éducatif permanent font ultimement face à des mineurs au cheminement de délinquance déjà très abouti et ce dès l'âge de 14 ans. Car les CER se retrouvent démunis face à des mineurs aussi renfermés dans leur délinquance, les tentatives de réhabilitation de ces mineurs à un âge aussi tardif se retrouvent caduques, selon des observateurs avisés de la brigade de protection des familles. Ce faisant, Mme la députée observe que les ordonnances de placement provisoire en CER amènent à peu de résultats et qu'un cheminement plus tardif de ces mineurs dans la délinquance permettrait une meilleure prise en charge par les CER. À ce titre, le ministère à la charge d'un enjeu fondamental pour l'avenir de la société. C'est pourquoi elle lui demande si un abaissement de l'âge d'admission en CER à 12 ans peut être envisagé pour aboutir à une meilleure efficacité et prise en charge des mineurs et in fine une réhabilitation efficace ; l'actualité montre que la délinquance des mineurs dans le pays ne se résorbe pas, ainsi, pour s'attaquer à la délinquance précoce qui gangrène le quotidien des Français, une modification allant dans ce sens trouverait un écho salutaire.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
Aux termes de l'article L. 122-8 du code pénal, les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables. Cependant, l'article L. 11–1, alinéa 2, du code de justice pénale des mineurs introduit une présomption d'incapacité de discernement avant 13 ans. L'adolescent doit avoir atteint un stade de développement permettant de considérer qu'il a volontairement commis les actes faisant l'objet de poursuites. Il doit aussi disposer d'une maturité suffisante pour prendre la mesure de ses agissements et saisir le sens de la procédure engagée. Ainsi, le relèvement éducatif et moral des mineurs est recherché par la mise en œuvre de mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité. Lorsque les conditions d'éducation sont compromises, les juges des enfants disposent d'un panel de réponses mobilisant les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dès le plus jeune âge : mesures d'investigation, assistance éducative en milieu ouvert, placement. En cas d'infraction, des mesures alternatives aux poursuites peuvent être proposées, elles constituent une réponse pénale immédiate, graduée et adaptée, dans une optique de prévention de réitération. Pour les infractions plus graves ou répétées, les mineurs peuvent faire l'objet de mesures éducatives judiciaires, de mesures de sûreté et de peines. Ces accompagnements à dimension coercitive croissante prennent en compte les différents aspects de la situation des mineurs, ils visent la responsabilisation et la désistance. Pour les situations les plus dégradées ou lorsque les projets antérieurs n'ont pas permis d'atteindre ces objectifs, un placement dans un cadre pénal peut être envisagé. Il intervient généralement à l'issue d'un parcours émaillé de décisions judiciaires, parfois ordonnées très tôt au titre de la protection de l'enfance en danger. L'efficience d'un placement dépend de l'évaluation des besoins propres à chaque situation et des éventuels écueils, en l'adaptant tout au long aux enjeux éducatifs et judiciaires. En outre, parallèlement à sa dimension de sanction, le placement ne prend sens que s'il est bien compris, ce qui implique au préalable la construction d'une relation de confiance entre les services éducatifs désignés, la famille et le mineur. L'offre de placement dans un cadre pénal peut répondre à des situations diverses : Les unités éducatives d'hébergement collectif ou diversifié ont vocation à accueillir les adolescents sur de longues périodes et dans la construction d'un quotidien ouvert sur l'extérieur et les dispositifs de droit commun ; Les centres éducatifs fermés constituent une modalité de placement collective et restrictive de liberté, généralement ordonnée en alternative à l'incarcération ; Les centres éducatifs renforcés (CER) proposent quant à eux une réponse spécifique, destinée à des filles et des garçons, multirécidivistes, en grande difficulté, en voie de marginalisation, ou ayant, quoique jeunes, déjà connu un parcours institutionnel particulièrement complexe (y compris en protection de l'enfance). La rupture sans transition avec l'environnement et les habitudes de vie (ex : la famille, le quartier, le groupe), l'intensité des activités et la brièveté de la prise en charge, souvent des sessions de 3 à 5 mois, constituent les leviers éducatifs typiques de ces structures. Les CER existants sont par principe construits autour d'un projet spécifique ou une activité phare. Ils sont autorisés à recevoir des jeunes d'une catégorie d'âge donnée, devant se situer entre 13 et 18 ans. Une vigilance doit être portée à la composition du groupe d'une même structure afin d'éviter une trop grande concentration de mineurs présentant des profils ou parcours similaires et garantir un équilibre au sein du collectif et une qualité de prise en charge pour chaque situation. A noter qu'à ce jour, 23 CER sont autorisés à accueillir des jeunes à partir de 13 ans. Il convient cependant de rappeler que la logique de gradation des décisions judiciaires situe plutôt le placement en CER comme l'une des ultimes solutions. En effet, séparés pour plusieurs mois de leur famille, intensivement sollicités et limités dans leurs moyens de communication, les adolescents peuvent rencontrer d'importantes difficultés d'adaptation. Certains ne se pensent pas capables de supporter le rythme des sessions, ou encore la rupture familiale, et ne parviennent pas à se projeter dans ce mode de placement. Dès lors, un degré suffisant de maturité, de solidité psychologique et de sécurité intérieure constituent les prérequis pour la réussite de ce type de projet. Par conséquent, placer un mineur en CER dès les premières transgressions ou très jeune, peut être contre indiqué. Notamment, en cas de récidive induisant un renforcement de la réponse éducative pénale, les juridictions pourraient être rapidement limitées dans les options à envisager, en dehors du placement en CEF voire d'une décision d'incarcération. Par ailleurs, les projets pédagogiques des CER sont adaptés à la tranche d'âge des adolescents accueillis : 13-15 ans ou 16-18 ans. La limite inférieure de 13 ans correspond à la fin de la phase de pré-puberté (9-12 ans). Elle signifie, pour la plupart des jeunes, l'accès à un niveau de maturité neuronale, physique et psychologique suffisant pour comprendre le sens du placement et s'y conformer, afin de bénéficier de ses effets bénéfiques. Cependant, certains mineurs, et particulièrement les garçons, entament la puberté plus tardivement encore. Or, le passage de l'enfance à l'adolescence est déterminant pour considérer que le jeune est en mesure de prendre conscience des conséquences de ses actes et d'assumer sa part de responsabilité. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et indépendamment de la présomption de capacité de discernement établie à partir de 13 ans, l'abaissement de l'âge de placement en CER ne paraît pas indiqué, d'autres modalités de placement étant de surcroît ouvertes dans le cadre civil de la protection de l'enfance en danger. Enfin, à travers l'étude systématique du parcours éducatif antérieur de chaque jeune et l'évaluation de sa situation, les services de la PJJ s'emploient à soumettre au magistrat la solution la plus adaptée. Sur la base de ces propositions, celui-ci peut alors décider du mode d'intervention ou de prise en charge, dans un cadre civil ou pénal, qui lui semblera le plus à même d'avoir un effet positif sur l'évolution du mineur.
Auteur : Mme Christelle D'Intorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Renouvellement : Question renouvelée le 21 octobre 2025
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025