Question écrite n° 7311 :
GEMAPI et impossibilité de souscrire une assurance responsabilité civile

17e Législature

Question de : Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Géraldine Grangier attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur l'impossibilité croissante, pour de nombreuses collectivités territoriales exerçant la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), de souscrire une assurance responsabilité civile, notamment en matière d'atteinte à l'environnement et ce en dépit de l'absence de tout sinistre ou de tout facteur aggravant de risque. Cette situation alarmante, qui touche directement l'établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE) Haut-Doubs Haute-Loue, basé à Frasne et regroupant neuf intercommunalités, illustre une dérive systémique mettant en péril l'exercice de missions essentielles à la prévention des inondations, à la sécurité des populations et à la protection de la ressource en eau. L'EPAGE s'est vu notifier en 2024, sans justification particulière, la résiliation de son contrat d'assurance pourtant conclu avec la compagnie GAN en 2020 et ce malgré l'absence totale de sinistre ou de contentieux depuis sa création. Depuis cette résiliation unilatérale, toutes les tentatives engagées par l'EPAGE auprès d'autres compagnies d'assurance, telles que Groupama, la SMACL ou Axa, se sont heurtées à des refus systématiques. Ces assureurs refusent d'assurer les établissements publics en charge de la GEMAPI, sans même analyser en détail le niveau réel de risque encouru et justifient leur refus par une orientation globale de non-renouvellement des contrats arrivés à échéance pour ce type de collectivités. Cette politique, qui dépasse le seul cas du Haut-Doubs, laisse entrevoir un désengagement massif des compagnies d'assurance vis-à-vis de tous les EPCI de France exerçant cette compétence. Ce phénomène a pour conséquence directe de plonger les établissements publics dans une situation ubuesque : exercer une mission d'intérêt général obligatoire, prévue par la loi MAPTAM (loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014), sans aucune couverture en responsabilité civile. Depuis le 1er janvier 2025, l'EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue agit donc sans assurance, y compris en matière de dommages environnementaux, ce qui expose gravement ses agents, ses dirigeants, ses élus et les collectivités membres à des risques juridiques, financiers et administratifs majeurs. Ce blocage place les élus locaux dans une impasse dramatique. Devant l'impossibilité d'être couverts, ils doivent soit continuer à agir, au péril de leur responsabilité personnelle et de celle de leurs collectivités, soit suspendre des actions pourtant cruciales, notamment en faveur de la prévention des inondations ou de la restauration des rivières. Le risque est immense : soit on expose des élus à des conséquences juridiques désastreuses, soit on retarde des interventions qui pourraient sauver des vies ou éviter des catastrophes naturelles. La situation est d'autant plus préoccupante qu'elle est connue depuis plusieurs années. Déjà en 2022, plusieurs rapports d'élus, d'agences de l'eau et d'experts avaient tiré la sonnette d'alarme. Le Premier ministre lui-même a annoncé le 14 avril 2025 un plan d'action censé apporter des réponses concrètes. Pourtant, à la lecture de ce plan, aucune mesure réelle, rapide et opérationnelle ne semble en mesure de résoudre le problème. Le Gouvernement évoque bien la création d'une « cellule d'accompagnement et d'orientation », mais celle-ci n'est toujours pas opérationnelle. Elle reste, à ce jour, une coquille vide incapable d'apporter la moindre solution concrète aux collectivités déjà confrontées au mur assurantiel. Cette crise pose une question de fond : l'État peut-il continuer à transférer des compétences lourdes, assorties d'obligations juridiques, techniques et environnementales, tout en laissant les collectivités en première ligne, sans leur garantir une protection assurantielle minimale ? Le cas du GEMAPI n'est pas isolé. D'autres domaines, comme la gestion des déchets, la réhabilitation des friches industrielles ou la protection de la biodiversité, pourraient bientôt être confrontés au même problème. Dans un contexte de changement climatique où les évènements extrêmes sont appelés à se multiplier, il est paradoxal que les collectivités chargées de la prévention et de l'adaptation se voient ainsi désarmées, non par manque de compétence ou de volonté, mais par absence d'outils assurantiels adaptés. Les assureurs privés, en se retirant, révèlent les limites d'un système fondé sur la logique du risque maximal. Mais l'État, en tant que garant de l'intérêt général, ne peut se permettre de rester spectateur. Des solutions existent. Elles nécessitent une volonté politique forte. Une piste urgente serait la mise en place d'un mécanisme d'auto-assurance entre l'État et les collectivités, sur le modèle du Fonds Barnier pour les catastrophes naturelles. Une autre solution pourrait consister à imposer, par voie législative, une obligation minimale d'assurance, sur le modèle de l'assurance automobile, en contraignant les compagnies à proposer a minima des couvertures de base pour les établissements publics exerçant la compétence GEMAPI. Mme la députée estime que la souveraineté du territoire, la sécurité des habitants, la défense des cours d'eau et la capacité des collectivités à agir efficacement ne peuvent être sacrifiées sur l'autel du désengagement du marché privé. Il n'est pas acceptable qu'un établissement public local, respectueux de ses obligations, irréprochable dans sa gestion, soit contraint d'opérer sans filet juridique, en raison de la frilosité d'un secteur qui se détourne de missions jugées peu rentables. Aussi, elle lui demande quelles mesures concrètes, immédiates et obligatoires le Gouvernement entend prendre pour garantir, dès 2025, une couverture assurantielle minimale à l'ensemble des établissements publics exerçant la compétence GEMAPI ; s'il envisage une réforme législative imposant aux compagnies d'assurance une obligation de couverture partielle ou minimale des missions d'intérêt général exercées par les collectivités territoriales ; si une solution d'auto-assurance mutualisée entre l'État et les EPCI est envisagée et dans quels délais elle serait opérationnelle ; s'il reconnaît la gravité de la situation actuelle et admet qu'elle met en péril la mise en œuvre d'une politique publique essentielle à la sécurité des Français et à la protection de l'environnement.

Données clés

Auteur : Mme Géraldine Grangier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Assurances

Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation

Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation

Date :
Question publiée le 10 juin 2025

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