Question écrite n° 7473 :
Libération de l'inceste

17e Législature

Question de : Mme Christine Engrand
Pas-de-Calais (6e circonscription) - Non inscrit

Mme Christine Engrand alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur l'insuffisance manifeste des dispositifs juridiques et institutionnels visant à protéger les enfants victimes d'inceste, notamment dans le cadre de l'application de la loi dite Santiago. En France, chaque année, selon les données de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, dont une part significative relèverait de l'inceste. Parmi ces actes, 27 % sont commis par le père ou le beau-père et 96 % des auteurs identifiés sont des hommes. Pourtant, moins de 1 % des agresseurs sont effectivement condamnés. Ce constat, relayé par des experts et des acteurs de terrain, alerte sur l'existence d'un profond dysfonctionnement judiciaire. La loi Santiago, adoptée en avril 2024, a été présentée comme une avancée majeure en matière de protection de l'enfance. Elle prévoit notamment la suspension de l'autorité parentale du parent mis en examen pour inceste ou violences sexuelles. Or cette disposition, bien que saluée symboliquement, ne concerne en réalité qu'une minorité infime des cas. En effet, la mise en examen n'intervient souvent qu'après de longs mois d'enquête préliminaire, laissant ainsi l'enfant exposé à son agresseur dans l'intervalle, y compris par le biais de droits de visite ou d'hébergement ordonnés par les juridictions familiales. Le 2 mai 2025, le Comité contre la torture des Nations Unies a officiellement alerté la France, soulignant une tolérance préoccupante de l'impunité dans les affaires d'inceste et dénonçant une justice qui, dans certains cas, poursuit les parents protecteurs, souvent des mères, tentant de soustraire leur enfant à un environnement potentiellement criminel. Ces parents sont parfois accusés à tort de manipulation psychologique ou de « syndrome d'aliénation parentale », un concept contesté scientifiquement, mais encore utilisé dans les prétoires français. Des centaines de témoignages recueillis par le collectif INCESTICIDE France décrivent une réalité dans laquelle des enfants sont systématiquement renvoyés, par décisions de justice, chez leurs agresseurs présumés, parfois au mépris des signalements médicaux, sociaux ou psychologiques. La CIIVISE, dans ses recommandations, a pourtant insisté sur la nécessité de suspendre immédiatement l'autorité parentale dès le dépôt d'une plainte ou l'ouverture d'une enquête judiciaire, de former les magistrats, de créer des parquets spécialisés et d'interdire le recours aux concepts non validés scientifiquement dans l'appréciation de la parole de l'enfant. Par comparaison, certains pays comme l'Espagne ont adopté des dispositifs plus protecteurs, permettant de suspendre immédiatement les liens parentaux en cas de suspicion sérieuse de violences sexuelles intrafamiliales, sans attendre la fin de la procédure pénale. En France, ce type de protection préventive fait encore défaut. Enfin, le maintien de l'enfant dans une relation avec son agresseur présumé constitue une violation grave de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, qui impose que l'intérêt supérieur de l'enfant soit une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant. C'est pourquoi elle lui demande si elle entend prendre des mesures concrètes et rapides pour pallier les graves insuffisances de la loi Santiago, notamment en instituant une suspension immédiate et systématique de l'autorité parentale dès l'ouverture d'une enquête pour inceste, en renforçant la formation des magistrats sur les violences intrafamiliales, en créant des juridictions spécialisées pour les affaires d'inceste et en interdisant explicitement le recours au concept non-scientifique d'« aliénation parentale » dans les décisions judiciaires impliquant des mineurs.

Données clés

Auteur : Mme Christine Engrand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aide aux victimes

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date :
Question publiée le 17 juin 2025

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