Question écrite n° 7970 :
Choix stratégiques des armées en matière d'opérateurs spatiaux privés

17e Législature

Question de : M. Patrick Hetzel
Bas-Rhin (7e circonscription) - Droite Républicaine

M. Patrick Hetzel interroge M. le ministre des armées sur le changement de doctrine des armées françaises en contractualisant avec des opérateurs spatiaux du secteur privé. Jusqu'alors, les armées françaises s'appuyaient sur leurs propres satellites de télécommunications sécurisées, les satellites militaires Syracuse en orbite géostationnaire et des réseaux propres. Si ces capacités sont devenues insuffisantes et que les besoins de connectivité explosent, le changement de paradigme interroge toutefois. En effet, en allant vers des modèles hybrides, en combinant des moyens propres très sécurisés et l'achat de services auprès d'opérateurs spatiaux privés comme Eutelsat, Starlink, SES et ViaSat, le ministère des armées ne prend-il pas le risque de fragiliser une partie de son indépendance stratégique et opérationnelle ? Car même si les armées américaines pratiquent cette combinaison depuis une décennie, force est de constater qu'elles le font avec des acteurs qui sont considérés comme très proches de l'écosystème américain et en situation de forte dépendance. Il souhaite donc savoir quelles dispositions ont été prises par le Gouvernement pour garantir une indépendance de l'opérabilité stratégique de ces systèmes ainsi que leur sécurisation opérationnelle par rapport à des intérêts qui seraient différents, voire dans certains cas même orthogonaux à ceux de la France.

Réponse publiée le 9 décembre 2025

La capacité actuelle de communication par satellite (SATCOM) est le résultat d'un développement de plus de quarante ans, faisant de la France le leader européen dans le domaine avec la quatrième génération de systèmes de communication par satellite, Syracuse. Les armées disposent ainsi d'une capacité complète en trois couches : un socle souverain répondant aux menaces du haut du spectre, une extension sécurisée via des partenariats garantissant un accès fiable à la ressource et une augmentation des ressources composée de services de communication par satellite. Si les moyens souverains demeurent le socle, le retour d'expérience montre un besoin croissant de connectivité, tant au niveau opérationnel (vidéos de drones, renseignements, ciblage) qu'au niveau tactique, qui ne peut être intégralement couvert par le modèle actuel patrimonial. Dès lors, les constellations en orbite basse à un haut débit et faible latence constituent une opportunité d'accélération de la connectivité.  Le recours à des constellations en orbite basse est crucial pour les armées pour leur permettre d'accroître leur résilience, leur agilité et leur capacité d'interopérabilité avec leurs alliés, en tant que nation-cadre. Ces constellations offrent des perspectives d'évolution prometteuses, qui peuvent être utilisées pour des charges utiles secondaires telles que le renseignement et la géolocalisation et, à terme, pour l'internet des objets. D'autre part, elles permettent des améliorations significatives avec la 5G, l'Inter Satellite Link (ISL) et le Direct to Device (D2D) smartphone. Le programme spatial européen d'infrastructure de résilience et d'interconnexion sécurisée par satellite (IRIS2) constitue une alternative à Starlink qui offre une couverture mondiale, notamment vers les smartphones, mais dont l'utilisation est incompatible avec un usage opérationnel souverain en raison des risques en termes de lawfare et de liberté d'action. Notifié fin 2024, ce programme vise à offrir une capacité souveraine européenne en 2030. Avec ses 282 satellites ISL en 5G en orbites intermédiaire et basse, son architecture sol distribuée résiliente et sa certification cyber par l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, il offrira une capacité mondiale de trois térabits par seconde pour les communications critiques et consolidera la base industrielle et technologique de défense (Eutelsat, SES, Hispasat, Thales, Airbus, Telespazio et OHB). Il n'y aura que trois à quatre constellations dans le monde, induisant une course de vitesse entre l'Europe, les Etats-Unis et la Chine en termes de quête d'autonomie stratégique. Starlink ayant déjà proposé son offre sécurisée Starshield à certains partenaires européens, l'année 2025 est décisive pour développer l'autonomie stratégique européenne. Le programme Nexus (neo-espace pour de multiples usages sécurisés) vise à élever progressivement les niveaux de sécurité et de fonctionnalité du système OneWeb au fur et à mesure de son renouvellement et permettra d'augmenter le panel des usages possibles d'un point de vue militaire et d'offrir une solution intermédiaire crédible et européenne à la constellation IRIS2, en complément des capacités patrimoniales de communication militaire par satellite.

Données clés

Auteur : M. Patrick Hetzel

Type de question : Question écrite

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées et anciens combattants

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025

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