Hausse inédite et alarmante des démissions de maires
Question de :
M. Frank Giletti
Var (6e circonscription) - Rassemblement National
M. Frank Giletti attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, sur l'augmentation sans précédent du nombre de démissions de maires en cours de mandat, phénomène qui fragilise durablement la démocratie locale et l'engagement citoyen. Selon la dernière étude de l'Observatoire de la démocratie de proximité (AMF-CEVIPOF, juin 2025), 2 189 maires ont volontairement quitté leurs fonctions depuis juillet 2020, soit près de 6 % des maires élus à cette date. Ce chiffre marque une nette aggravation d'une dynamique structurelle dans la mesure où le nombre annuel moyen de démissions a été multiplié par quatre en quinze ans (129/an entre 2008 et 2014, contre 417/an aujourd'hui), avec un pic historique de 613 démissions en 2023. Le phénomène est désormais si massif qu'il ne se passe plus un jour sans qu'un maire ne démissionne en France. Trois causes principales sont identifiées. D'abord, les tensions internes aux conseils municipaux, souvent entre membres d'une même majorité (30,9 % des cas), qui débouchent sur des démissions en cascade et des élections anticipées, synonymes d'instabilité locale. Ensuite, les départs programmés, souvent motivés par l'âge ou la lassitude, en particulier dans les petites communes, sans vivier de succession structuré (13,7 %). Enfin, les raisons de santé, physiques (13,1 %) ou mentales (5,1 %), liées à une charge de travail excessive, à l'isolement et à l'usure psychique, dans un contexte de responsabilités juridiques croissantes et de pressions locales mal encadrées. L'étude montre que les communes de taille moyenne (entre 1 000 et 3 500 habitants) sont particulièrement exposées aux difficultés. Leurs maires doivent gérer des responsabilités complexes, mais sans avoir les moyens techniques ou humains suffisants pour y faire face. Dès lors, un quart des maires ayant démissionné venait de ces communes, ce qui représente un taux élevé de 3,7 %. Certaines régions, comme l'Auvergne-Rhône-Alpes ou l'Île-de-France, sont encore plus touchées, avec des taux de démission qui dépassent 10 %. Cette dynamique, si elle n'est pas enrayée, pourrait à terme affaiblir profondément la légitimité de l'échelon municipal. Elle compromet également le renouvellement démocratique en dissuadant les vocations et en alimentant un climat de résignation civique, notamment dans les territoires les plus fragiles. Aussi, M. le député lui demande quelles sont les mesures concrètes que le Gouvernement entend prendre à court terme pour sécuriser, simplifier et soutenir l'exercice du mandat de maire, notamment dans les petites et moyennes communes, dont les moyens humains sont structurellement insuffisants. Il lui demande également si le Gouvernement compte intégrer dans le futur texte sur le statut de l'élu local des garanties nouvelles en matière de protection juridique, d'accompagnement psychologique et de formation continue des maires, afin de prévenir les départs pour raisons de santé ou d'isolement et s'il envisage une réforme du fonctionnement des conseils municipaux (modalités de démission, seuils de vacance, gouvernance interne) pour mieux encadrer les crises locales et éviter les démissions en chaîne. Enfin, il lui demande si le ministère envisage d'améliorer le suivi statistique et la connaissance des causes de démission des élus locaux, aujourd'hui très lacunaire, en rendant obligatoire une déclaration sommaire de motivation en cas de départ en cours de mandat.
Réponse publiée le 23 décembre 2025
Le Gouvernement partage l'objectif d'améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux, notamment dans la perspective des élections municipales de 2026. Il s'emploie à soutenir l'ensemble des élus pour faire face aux différentes contraintes et sujétions qui peuvent résulter de l'exercice de fonctions électives locales. Afin de répondre à la hausse des violences commises à l'encontre de personnes titulaires d'un mandat électif, il a lancé en 2023 un pack sécurité ainsi qu'un plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus. Composé de 12 mesures et doté de 5 millions d'euros, ce plan continue d'être déployé sur le territoire national sous le pilotage du Centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus. En 2024, la quasi-totalité des mesures du plan ont été réalisées, la dernière mise en œuvre étant un numéro d'aide psychologique pour les élus victimes et/ou leur famille. En parallèle, le Gouvernement a soutenu l'adoption de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Cette loi a notamment alourdi les sanctions pénales encourues par les auteurs de violences faites aux élus et a prévu un dispositif d'octroi « automatique » de la protection fonctionnelle pour les exécutifs locaux. Ces premières mesures ont néanmoins conduit les pouvoirs publics à constater la nécessité d'améliorer de façon générale les conditions d'exercice des mandats locaux, constat que le Gouvernement partage. Si les élus bénéficient de différents droits et garanties reconnus notamment par le code général des collectivités territoriales dans le cadre de leurs fonctions électives, de nombreuses évolutions ont depuis été identifiées afin d'améliorer leur statut. Plusieurs travaux, d'initiatives parlementaires et gouvernementales, qu'il s'agisse des rapports parlementaires ou de la convention nationale pour la démocratie locale organisée par le Gouvernement le 7 novembre 2023, ont été menés et ont trouvé une traduction pour la grande majorité dans la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Adopté à l'unanimité par le Parlement le 8 décembre 2025 avec le soutien du Gouvernement, ce texte permet de mieux reconnaitre et favoriser l'engagement local dans la perspective des élections municipales de 2026. Il prévoit notamment une revalorisation ciblée des indemnités des maires et des adjoints pour les communes de moins de 20 000 habitants. L'Assemblée nationale et le Sénat se sont en effet accordés sur une revalorisation dégressive, permettant de faire bénéficier les maires des communes de moins de 1 000 habitants d'une augmentation de 10% de leur indemnité ; 8% pour les communes de moins de 3 500 habitants ; 6% pour celles de moins de 10 000 habitants ; 4% pour les communes de moins de 20 000 habitants. Des avancées importantes sont aussi prévues pour sécuriser les conditions d'exercice du mandat local sur le plan juridique : la protection fonctionnelle sera désormais accordée automatiquement à l'ensemble des élus victimes de violence, menace ou outrage et le conflit d'intérêt public-public est supprimé. Pour améliorer l'articulation entre l'engagement électif et la vie professionnelle, personnelle et familiale des élus, le texte prévoit des aménagements de scolarité pour les élus étudiants ; une amélioration de la situation matérielle des élues en situation de congé maternité, afin que la maternité ne leur soit plus préjudiciable sur le plan financier ; une extension des congés de formation et des congés électifs, afin de favoriser l'accès aux mandats locaux au public le plus large ; et un élargissement des frais spécifiques pris en charge pour les élus en situation de handicap qui couvrent désormais "l'aide de toute nature". Un label "entreprise partenaire de la démocratie locale" pourra également être accordé aux employeurs engagés dans l'emploi d'élus locaux. De plus, le texte prévoit d'élargir le bénéfice de la Dotation Particulière Elus Locaux (DPEL), qui prend en charge certains frais liés à l'exercice des mandats locaux, à l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, avec une compensation par l'Etat, afin d'éviter toute baisse pour les communes qui en bénéficient déjà aujourd'hui. Enfin, le chantier de simplification de la vie quotidienne des collectivités, ouvert par le Roquelaure de la simplification en avril 2025, poursuivi en décembre 2025, se traduit par des mesures concrètes d'ordres réglementaire et législatif, que le Gouvernement entend mener à son terme afin de faciliter l'exercice du mandat d'élu local sur l'ensemble du territoire de la République.
Auteur : M. Frank Giletti
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élus
Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation
Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation
Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 23 décembre 2025