Question écrite n° 8439 :
Suspension anormale de la pension militaire en cas d'engagement dans la Réserve

17e Législature

Question de : M. Alexandre Dufosset
Nord (18e circonscription) - Rassemblement National

M. Alexandre Dufosset attire l'attention de M. le ministre des armées, sur la situation des militaires retraités qui décident de s'engager dans la réserve opérationnelle et en particulier sur les conditions de suspension de leur pension de retraite et l'émission de titres de perception pour trop-perçus. Conformément aux articles L. 79 et L. 80 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les militaires retraités peuvent cumuler leur pension avec la solde de réserve tant que les services accomplis ne dépassent pas un mois de manière continue. Au-delà de cette durée, la pension doit être suspendue et les services accomplis peuvent ouvrir droit à une révision de pension, sous conditions (notamment six mois de service effectif dans un nouveau grade - arrêt du Conseil d'État, 4 février 2021, n° 439662). Toutefois, dans la pratique, de nombreux retraités se retrouvent confrontés à une suspension rétroactive de leur pension, parfois plusieurs années après les faits et à l'émission de titres de perception visant à recouvrer des sommes indûment versées. Or l'article L. 93 du même code limite expressément à trois années plus l'année en cours la possibilité pour l'État d'exiger la restitution des pensions versées indûment (sauf cas de fraude ou de mauvaise foi). Le Conseil d'État a confirmé cette règle, précisant qu'en dehors de la fraude, l'administration ne peut remonter au-delà de cette période (arrêt du 4 mars 2021, n° 433653). En outre, selon l'article R. 91 du code précité, la charge de la déclaration des revenus d'activité (dont les soldes de réserve) incombe à l'administration employeuse. Cette interprétation a été retenue par le tribunal administratif d'Orléans (arrêt du 1er décembre 2022, n° 2003002), qui a estimé que le ministère des armées devait avoir connaissance de la situation du militaire et transmettre ces informations au service des pensions. L'omission de cette déclaration constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. En cas de contestation d'un titre de perception, les articles 117 et 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique prévoient que le recours gracieux auprès du comptable public est préalable et obligatoire et suspend automatiquement le recouvrement des sommes en litige. Le Conseil d'État l'a confirmé (CE, 25 juin 2018, n° 419227), précisant que ces recours ne relèvent pas de la commission des recours des militaires. Enfin, selon l'arrêt n° 420489 du Conseil d'État du 20 septembre 2019, même en cas d'indu avéré, l'administration dispose d'un délai de cinq ans à compter de la connaissance de la créance pour émettre un titre de perception. Face à des pratiques si manifestement injustes, il lui demande si le Gouvernement envisage de rappeler aux services que la charge de déclaration des soldes de réserve incombe à l'administration employeuse, de garantir l'application de la prescription quadriennale prévue à l'article L. 93, sauf preuve formelle de fraude ou de mauvaise foi du réserviste, et de sécuriser juridiquement la situation des réservistes retraités par une circulaire d'harmonisation, précisant les droits, les obligations et les voies de recours en cas de suspension de pension ou de titre de perception émis au-delà des délais légaux.

Réponse publiée le 25 novembre 2025

Conformément aux articles L. 79 et L. 80 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), les militaires titulaires d'une pension militaire de retraite (PMR) peuvent cumuler leur pension avec la solde de réserve, tant que les services accomplis ne dépassent pas une durée continue d'un mois. Au-delà, la pension doit être suspendue et les services accomplis peuvent ouvrir droit à une révision de pension. L'article R. 95 du CPCMR prévoit que dans tous les cas où il y a lieu à suspension ou réduction de la pension, cette mesure est opérée ou régularisée au vu d'un certificat délivré par le ministre chargé du budget. Par application de ce principe de non-cumul et au regard des périodes de réserve accomplies, l'ancien militaire recevra alors un titre de perception tendant à la restitution des montants versés au titre de sa PMR. En tout état de cause, en l'absence de formulation expresse dans le CPCMR pour expliciter que la suspension de pension relève de l'administré, il s'agit bien d'une action dont la responsabilité incombe à l'administration. Pour la reprise d'un indu, le délai de prescription est de quatre ans, sauf en cas de fraude, omission, déclaration inexacte ou de mauvaise foi de la part du bénéficiaire (article L. 93 du CPCMR). En cas de contestation d'un titre de perception, les articles 117 et 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique prévoient la possibilité de contester auprès du comptable public ce titre de perception. Cette demande suspend automatiquement le recouvrement des sommes en litige et permet une nouvelle instruction du dossier. Dans le cadre de la suspension du versement d'une PMR, une communication est prévue auprès des services en charge des dossiers des réservistes, afin que toutes les diligences soient prises pour limiter les délais entre la période accomplie au titre de la période de réserve et la suspension de la pension. Dans le cadre du mémento sur la protection sociale du réserviste, diffusé par l'état-major des armées et en cours d'actualisation, un rappel sera effectué sur la suspension de la PMR si un réserviste effectue plus de trente jours consécutifs de réserve. Enfin, le service des pensions et des risques professionnels du ministère des armées et des anciens combattants travaille actuellement sur les droits des réservistes afin de réaliser un état des lieux de la situation et de sensibiliser sur les délais.

Données clés

Auteur : M. Alexandre Dufosset

Type de question : Question écrite

Rubrique : Retraites : fonctionnaires civils et militaires

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées et anciens combattants

Dates :
Question publiée le 8 juillet 2025
Réponse publiée le 25 novembre 2025

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