Question de : Mme Élisa Martin
Isère (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Élisa Martin attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de transparence et de mise à disposition complète des données judiciaires relatives aux violences commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique (PDAP). Dans un État de droit, la qualité, la disponibilité et l'accessibilité de l'information publique sont des conditions essentielles de la légitimité démocratique. Lorsqu'il s'agit de violences imputées à des agents de l'État dans l'exercice de leurs fonctions, il est impératif que les institutions judiciaires assurent la production de données statistiques fiables, régulièrement mises à jour et rendues publiques. Ces données sont indispensables pour évaluer non seulement l'ampleur des faits signalés, mais aussi la réponse pénale effectivement apportée - poursuites, classements sans suite, décisions judiciaires - et son évolution dans le temps. Cette exigence est d'autant plus cruciale que l'usage de la force par les agents publics constitue une dérogation exceptionnelle au principe fondamental de l'inviolabilité de l'intégrité physique, consacré notamment par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet usage ne peut être admis qu'à condition d'être strictement encadré, proportionné et contrôlé par des autorités indépendantes. Toute carence dans la traçabilité des faits ou dans la publication des réponses judiciaires affaiblit les garanties offertes aux citoyens et compromet la distinction nécessaire entre autorité légitime et abus de pouvoir. La diffusion régulière et détaillée de données judiciaires, notamment à partir du système d'information Cassiopée, constitue donc un outil fondamental de redevabilité, mais aussi une exigence au regard des engagements internationaux de la France en matière de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants. Ainsi, elle lui demande quel est le nombre annuel d'affaires de violences par PDAP, y compris homicides, enregistrées par les parquets dans le logiciel Cassiopée (voir ci-dessous) et quelles sont les orientations prises par les parquets dans ces affaires et le cas échéant, quels sont les motifs des classements sans suite ; combien d'affaires de violences par PDAP (y compris homicides) sont confiée chaque année à d'autres services que l'IGPN ou l'IGGN et quelle est la part de chaque type de service saisi (cellules déontologie départementales, police judiciaire, sûretés départementales, autres services) ; quelles remarques ou difficultés les parquets font-ils remonter à propos du choix des services d'enquête ; s'il existe des indicateurs qui permettent de comparer les taux d'élucidation et de classement sans suite en fonction des services d'enquête saisis.

Réponse publiée le 23 décembre 2025

La question des violences commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions retient la particulière attention du ministère de la justice. Ainsi que vous le relevez, l'usage de la force par les agents publics constitue une dérogation exceptionnelle au principe fondamental de l'inviolabilité de l'intégrité physique, consacré notamment par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et il ne peut être admis qu'à la condition d'être strictement encadré, proportionné et contrôlé par des autorités indépendantes. C'est dans cet objectif que la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a créé dans le code de la sécurité intérieure (CSI) un nouvel article L. 435-1 définissant un régime commun d'usage des armes au profit des agents des forces de l'ordre (spécialement les policiers, les gendarmes et les douaniers). Ce nouvel article intègre les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CESDHLF), en particulier les principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité, tels qu'interprétés de manière constante par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) [1] et les juridictions nationales [2]. L'encadrement juridique de l'usage des armes repose également sur le respect du droit à la vie. La CESDHLF ne prévoit que trois cas dans lesquels il peut être dérogé à l'intangibilité du principe du respect du droit à la vie : assurer la défense de toute personne contre des violences illégales, effectuer une arrestation régulière d'une personne ou empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue, réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. Dans tous les cas, le recours à la force doit être rendu absolument nécessaire. Consacrant les principes dégagés par la juridiction européenne, la Cour de cassation exige, pour tout usage d'arme par les forces de l'ordre, que les juges du fond recherchent si cet usage était « absolument nécessaire en l'état des circonstances de l'espèce » (Crim. 18 février 2003, n° 02-80.095). S'agissant du nombre annuel d'affaires de violences par PDAP, y compris les homicides, enregistrées dans l'applicatif Cassiopée ainsi que des orientations prises par les parquets dans ces affaires, il convient de préciser que le code pénal ne prévoit pas de circonstance aggravante lorsque le meurtre est commis par une PDAP, il n'est donc pas possible de les distinguer. Cependant, au cours de la période 2019 à 2024, le nombre de personnes mises en cause orientées pour des infractions commises par PDAP a varié entre 2 200 et 2 600. En 2024, parmi les 2 488 personnes orientées, 54% ont fait l'objet d'un classement, l'affaire ayant été considérée comme non poursuivable, principalement pour les motifs « Infraction insuffisamment caractérisée » (68% des affaires non poursuivables) et « Absence d'infraction » (22% des affaires non poursuivables). En 2024, le taux de réponse pénale a atteint 93,6%, composé essentiellement de poursuites, 88,6% dont 44% d'ouvertures d'information judiciaire. Sur la question des services saisis des procédures judiciaires relatives à des usages d'armes, en application du principe du libre choix du service d'enquête par l'autorité judiciaire prévu par l'article 12-1 du code de procédure pénale, celles-ci peuvent être confiées à des services spécialisés comme les inspections générales de la police ou de la gendarmerie nationales (IGPN et IGGN) ou à des services d'enquête généralistes. Toutefois, les inspections seront saisies dès lors qu'une affaire présente un degré de sensibilité particulière, notamment au regard de la gravité des faits, de leur complexité, de la fonction du mis en cause ou de la pluralité des mis en cause. Il est également pris soin de ne pas saisir le service qui serait de nature à créer un doute sur l'impartialité ou la neutralité des investigations à mener. Enfin, s'agissant du nombre d'affaires de violences par PDAP (y compris homicides) confiées à des services autres que l'IGPN ou l'IGGN et sur la part de chaque service saisi, le ministère de la justice ne dispose pas de données sur ces points. Il n'est pas davantage en mesure d'indiquer s'il existe ou non des indicateurs permettant de comparer les taux d'élucidation et de classement sans suite en fonction des services d'enquête saisis. [1] CEDH 27 septembre 1995, McCann c. Royaume-Uni et CEDH 9 octobre 1987, Andronicou et Constantinou c. Chypre, CEDH 28 mars 2006, Perk et autres c. Turquie. [2] Crim. 18 février 2003

Données clés

Auteur : Mme Élisa Martin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 15 juillet 2025
Réponse publiée le 23 décembre 2025

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